Il est parfois difficile d'être le fils de son père…
C'est ce que nous montre Paul Thorez au début de ce petit bouquin ; lui, fils de Maurice Thorez, non seulement ministre de de Gaulle, mais aussi et surtout Secrétaire Général du Parti Communiste Français de 1936 à sa mort en 1964. Paul Thorez que ses camarades de classe surnommaient « le petit fils du peuple », ou « fils de déserteur », son père ayant passé la plus grande partie de la seconde guerre mondiale en URSS…
Il est difficile d'être le fils du secrétaire Général du PCF, soit… Néanmoins cela peut procurer quelques privilèges non négligeables. C'est ainsi que Paul Thorez profitera de vacances dorées à plusieurs reprises dans un camp de pionniers de la jeunesse communiste, à Artek, en Crimée, à quelques kilomètres de Yalta. Un camp voulu par Nikita Khrouchtchev, et dont le but était de « former des hommes nouveaux », tout en accueillant des enfants de dirigeants (communistes) étrangers afin qu'ils puissent témoigner de ce qu'étaient des « enfants libres et heureux ».
Paul Thorez adolescent y effectuera plusieurs séjours à partir de l'été 1950.
« Les enfants modèles » paru en 1982 est un témoignage de ce que pouvaient être les lieux de villégiature des dirigeants du Parti Communiste et de leur famille, à commencer par ce camp d'Artek, sur les bords de la mer noire.
Paul Thorez revient, en une quarantaine de chapitres thématiques sur son expérience du communisme en micro société ; et nous fait témoins de ses doutes et de ses interrogations quant au système soviétique vécu comme un endoctrinement de l'enfance par « le confort et la responsabilisation ».
Il faudra à Paul Thorez l'invasion de Prague par les troupes soviétiques le 21 août 1968 et la fin du « Printemps de Prague » pour le voir s'écarter définitivement du modèle qui aura façonné sa jeunesse : « Cependant, Artek me hantait. Ce microcosme du soviétisme, fondé comme lui sur des inégalités sociales, la hiérarchisation des privilèges, une mobilisation quasiment militaire, le mensonge d'un jargon stéréotypé, Artek, ce mirage qui m'avait trompé, avait aussi encré en moi le besoin d'un monde fraternel ».
Un témoignage poignant et lucide…
Artek, qui n'est pas sans rappeler les napolas, ces écoles des jeunesses nazies si merveilleusement décrites dans l'excellent « Roi des aulnes » de Michel Tournier ; destinées, elles aussi à construire « l'homme nouveau ».
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Enfances noyées par les idéaux de ces gens rêvant d'un ailleurs au nom trop prometteur.
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Dans la société soviétique, l'enfant jouit d'une place privilégiée. C'est à lui qu'on songe, en encourageant, soixante ans après la révolution, le culte de la famille. l'enfant incarne l'avenir. Pour mieux le former, on lui propose n moule aussi attirant que possible : on lui propose des tâches, des responsabilités, ou l'on fait semblant. On attend moins de lui l'obéissance que l'adhésion libre et joyeuse à l'ordre établi. On sait que lui seul en est capable. L'enfant se fond dans le groupe, y perd son identité et y trouve son plaisir.
Cependant, Artek me hantait. Ce microcosme du soviétisme, fondé comme lui sur des inégalités sociales, la hiérarchisation des privilèges, une mobilisation quasiment militaire, le mensonge d’un jargon stéréotypé, Artek, ce mirage qui m’avait trompé, avait aussi encré en moi le besoin d’un monde fraternel.
Nous discutions énormément de l'Union soviétique à la maison , mais pas seulement d'un point de vue politique : c'était une réflexion intime sur un être cher, une sorte de parent. L' U.R.S.S. était très liée à notre vie à tous.
On s'habitue a tout, d'autant plus facilement que l'on n'imagine pas qu'il existe le reste.
J'avais cru redécouvrir Moscou.
Elle offrit en pâture à mon innocence boulimique et à mon patriotisme de clocher tous les signes de la splendeur.
Mais je fus aveugle à ses plaies.
Je devais le rester des années et des années, ou du moins napper de prétextes des évidences qui se passent de commentaire.
(Découverte de Prague avant les événements du printemps).