Même si, le mois dernier, j’ai changé trois fois de chambre à l’hôpital, la Mort, elle me retrouve facilement. Elle vient me rendre visite de plus en plus souvent. Pourquoi ? Parce que je suis le seul qui ne se sauve pas lorsqu’elle apparaît. Je suis le seul qui lui parle, qui lui offre de l’eau. La Mort, elle ne s’installe plus au pied de mon lit. Maintenant, elle s’assoit en plein milieu, juste à côté de moi. Nous partageons une pomme, ou une orange, ou un morceau de gâteau. En mangeant, je lui parle de ma vie :
— Aujourd’hui, les médecins ont changé ma perfusion. Mes parents sont venus me voir. J’ai reçu, en cadeau, un camion miniature. Chaque fois que je lui parle, la Mort, elle redresse un peu les épaules. Elle rit quelquefois. Ce n’est pas facile d’être son ami parce qu’elle ne parle pas beaucoup. Je dois lui poser des questions. Elle répond seulement « oui » ou « non ». Lorsque mes questions l’embêtent, elle fait la moue. Alors, pour qu’elle me pardonne, je fais le rigolo. Je lui dis :
— La Mort n’a pas une vie facile ... La Mort, elle a la mort dans l’âme… Moi, je veux vivre à en mourir ... de rire ...
Je ne voudrais pas me vanter, mais la Mort, je la connais bien. Ce n'est pas un homme. Ce n'est pas une femme. C'est une ombre qui se promène dans les corridors de l'hôpital. Elle passe au travers des murs. Elle va et vient dans les chambres et, quelquefois, elle repart en tenant un enfant dans ses bras.
Au début de mon hospitalisation, lorsque j'avais très mal au corps, je l'appelais souvent, la Mort, pour qu'elle vienne me chercher. Je la quettas. Lorsqu'elle s'approchait, je lui murmurais :
- Hé, la Mort... Je suis ici... Emmène-moi avec toi... s'il te plait...
Mais la Mort, elle ne se retournait même pas. Elle continuait son chemin. Jusqu'au soir où elle est apparue au pied de mon lit. Elle ne souriait pas. Elle n'avait pas l'air méchante. Elle me fixait. Immobile. Le dos vouté.
La deuxième fois qu’elle est venue me rendre visite, la Mort, elle a accepté de boire une petite gorgée d’eau. La troisième fois, elle a vidé le verre d’un trait parce qu’elle avait très soif. Elle venait d’emporter un enfant, un adulte et un vieillard au pays des rêves. Ses mains tremblaient. Je crois qu’elle pleurait un peu. Ce n’est pas pour me vanter, mais je lui ai demandé, comme ça, pour détendre l’atmosphère :
— Le pays des rêves, c’est où ?
La Mort, elle n’a rien répondu. Elle a relevé la tête et elle m’a regardé droit dans les yeux. C’est à ce moment-là que j’ai compris quelque chose d’important. J’ai compris que la Mort, elle était triste.
Vous aviez manqué l'intervention de Nicolas David & Tibo, les auteurs du manga Droners pendant le live ADN à Japan Expo ? Et bien nous vous proposons de revivre l'émission !
Le manga : https://www.kana.fr/series/droners-tales-of-nui/