Tieck reste le romantique le plus symbolique, celui qui ouvre les forêts pour y voir des récits qui, sous des dehors classiques, posent des questions souvent passionnantes et intemporelles quand on les écoute.
Compositeur d'atmosphères
Tieck dresse - toujours via des mots aux allures auto-suffisantes - une étrange ironie que son grand ami, le philosophe Solger - théorisera longuement.
C'est en effet sûrement là le maître mot de
Tieck : l'ironie. Non pas celle du persiflage voltairiste, non pas celle torturée et labyrinthique comme chez Hoffmann ou Richter, qui furent ses contemporains, mais plutôt une sorte d'étrange retour de la vie ou de retour sur la vie, une distance paradoxale et poétiquement naïve sur ce dont il traite.
Le sommet de cette approche dans les contes de
Tieck se trouve peut-être dans le Runenberg ou dans
Les Elfes, qui se distinguent du reste des contes par une sorte féerie foncièrement tragique et fascinante d'un érotisme profondément discret, qui le fait s'élever bien plus haut que les frères Grimm qui restent des moralistes plats la plupart du temps.
Si on peut reprocher parfois une certaine facilité dans le ton et l'approche, ainsi que dans les idées exprimées, on ne peut nier le sens fin de la composition, l'évocation profonde et toujours discrète du merveilleux, et ce sens insidieux - terrifiant de discrétion - de la hantise et du désir en un sens qui, chez cet auteur, reste et restera toujours insatisfait du monde, et le rapproche en ce sens de ce que le romantisme a de plus grand chez
Novalis, Hoffmann, ou Holderlin par exemple.
[À ces contes il faudra joindre la lecture de Eckart (trouvable chez Aubier) pour avoir un aperçu plus large de ce type de production chez
Tieck (Amour & Magie,
la Foire, ou les Choses de la vie, relevant d'une autre exploration stylistique du conte chez cet auteur, s'intéressant à ce moment la de sa vie plus au grotesque et à l'absurde)]