Gil Jourdan, tome 5 : L'Enfer de Xique-Xique

Si je ne devais garder qu'un seul album de la collection, c'est celui-ci qui aurait tous les honneurs tant il est excellentissime au niveau des dialogues, des jeux de mots, des situations absurdes.

De plus, niveau dépaysement, on est servi puisque Jourdan et Libellule vont aller enquêter dans une petite république bananière d'Amérique du Sud, qui a tout de la dictature.

Évidemment, puisque nous sommes dans de la bédé et que la censure censurait, la dictature est présentée de manière drôle, à la limite de la bouffonnerie, mais si on gratte un peu sous le vernis des éclats de rire et des imbécilités de l'armée, on retrouve ce qui fait la signature d'une dictature.

Fausses preuves, prison au milieu du désert dont on ne s'évade jamais, prisonniers qui sont plus politiques que criminels, gardiens de prison bêtes et méchants, bouffe infâme, travail à la chaine dans des conditions de travail indigne et inhumaine.

Mais pas de panique, les petits enfants peuvent la lire, puisqu'ils la verront au premier degré, eux.

Moi, je ne me suis toujours pas remise du dialogue entre son excellence et son sous-fifre :

— Puisqu'ils savent que nous savons qu'ils savent que nous savons, nous pourrions…
— Ouvrir une savonnerie.
— Une savonnerie, excellence ?
— Avec tous vos savons, ça doit être facile.
— Ahaha, c'est la meilleure de la république !

À chaque relecture, je savoure une fois de plus les bons mots, je les fais rouler sur ma langue, je les déguste lentement et je me marre, une fois de plus !

Bon, les puristes diront que ce que fera Jourdan est impossible, qu'il a eu trop de veine, que tout ça était un peu trop bien goupillé pour être réaliste, mais on s'en fout ! Nous sommes dans de la bédé et les héros ne meurent pas.

Tillieux au sommet de son art niveau dialogues, mais pas de panique, il en gardera sous le coude pour les prochaines, dont "Le gant à trois doigts" et "Le Chinois à deux roues".

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Lu voilà bien des années en format poche et noir et blanc, cet album reste pour moi un souvenir impérissable et c'est avec plaisir que je me suis replongé dedans, en couleur.

Cela dit, la couleur n'ajoute pas énormément à la BD. Et le format A4 non plus à mon avis, la qualité essentielle de Tillieux ne résidant pas dans les détails des décors.

Le fait le plus notable du tome est la critique de Tillieux pour les républiques bananières d'Amérique du Sud. Gil jourdan et Libellule partent au Massacara pour rechercher un scientifique français retenu prisonnier. Là, ils sont attaqués au gaz lacrymo et passent au tribunal où Libellule toujours pris dans un fou-rire dû au gaz se livre à une surenchère avec le juge.

Cela donne droit à quelques très bonnes répliques... comme quand le juge demande à son assistant "j'ai du noir sur la figure", et que l'autre répond "Pas plus que d'habitude, monsieur le juge". Ou le fameux
- puisqu'ils savent que nous savons qu'ils savent que nous savons, nous pourrions...
- ouvrir une savonnerie.
- ouvrir une savonnerie, excellence?
- avec tous vos savons, ça doit être facile...

Ils écopent de 1000 ans de prison, à Xique-Xique, le pénitencier dont on ne sévade pas (car il est en plein désert) à manger du melon, car on ne cultive que cela au Massacara.

Evidemment, ils y retrouvent le scientifique et finissent par s'évader. On a de nouveau droit à des répliques impeccables, comme quand Libellule ironise sur les chenilles du half-track qui se seraient transformées en papillons...

Quittes à être confinés, encore heureux que ce ne soit pas dans l'enfer pénitentiaire de Xique-Xique. Cayenne est un village de Club-med à côté de ce bagne où Gil et Libellule vont tenter de retrouver le classique savant enlevé. Depuis l'affaire Tournesol en 1956, le scénario n'a rien de fondamentalement original. Mais Tillieux est désormais passé maître dans l'art du suspens tendu et des retournements inattendus de situation. Gil est devenu le super héros qui n'a plus peur de rien y compris de manger du melon à longueur de journée !

Bon, soyons francs, pas le meilleur, pour le moment, des aventures de Gil Jourdan.

Un Gil Jourdan exotique (le premier), avec une difficile exfiltration de savant.
Un scénario de premier ordre, au service d'un dessin nerveux et efficace.
Comme pour toute aventure de Gil Jourdan, l'humour est dans toutes les pages... Avec une galerie de personnages souvent hilarants.

Pour la parution en gag de poche, Maurice Tillieux réalisait un dessin original plus adapté au format.
C'est dans cette édition en noir et blanc que j'ai voyagé, enfant, dans ce récit ou la chaleur et le sable éprouvent durement Gil Jourdan et ses compagnons de bagne.
En rab, ce numéro des Gags de poche offre les savoureuses Vacances de Croûton!