La cause la plus importante de déséquilibre potentiel dans les relations humaines résulte du non respect des nuances à tous les niveaux, en particulier celui des jugements portés à partir des actes ou des attitudes des autres, sur ce qui constitue le fond de leur personnalité et l'essence de leur être. Le tout premier effort de discernement doit s'appliquer, dans cette optique, à la perception de cet "autre", composé, tout comme celui qui l'examine, d'une âme ou "moi" qui, en raison de sa tendance naturelle à l'égocentrisme, incite au mal et d'un cœur qui appelle au bien. De ce fait, traiter quelqu'un a priori comme une entité monolithique, c'est blesser gravement son cœur, alors que seul son moi égoïste est responsable des actes néfastes qu'il peut commettre. Tirmidhî ajoute que, même au cas où l'on s'aperçoit que, chez quelqu'un, ce moi domine totalement le cœur, il convient de toujours conserver à son égard une attitude empreinte de miséricorde, sorte de bénéfice du doute à l'avantage de ce cœur dont nul, hormis Celui qui l'a créé, ne connaît le secret ultime. Dans cette perspective, les hommes ne peuvent espérer comprendre leurs semblables qu'à travers les actes qu'ils posent : "Les actes sont apparents. Or, ce qui est apparent dépend de ce qui est à l'intérieur." Par conséquent, le deuxième conseil du Livre des nuances consiste en une incitation à se montrer prudent au cours de cette observation, dans la mesure où deux actes totalement identiques en apparence peuvent renvoyer à des buts, des intentions et, plus profondément, à des motivations radicalement opposées.
incipit :
Gloire à Dieu, Seigneur de tous les univers, je te demande ton aide, ô Dieu unique qui n'as pas d'associé.
L'imâm Abû 'Abd Allâh Muhammad Ibn 'Alî al-Hakîm al-Tirmidhî a dit, que Dieu le prenne en sa miséricorde : - Gloire à Dieu, maître et possesseur de la gloire ('izza) et prières sur son prophète Muhammad et sur sa famille. Tu m'as questionné sur la cause de l'ambivalence des actes (sabab mushtabih al-af'âl) et sur ce qui permet d'établir clairement les nuances (furûq) qui les différencient. sache que la cause sur laquelle tu t'interroges réside dans le fait que les actes (af'âl) qui sont extériorisés au moyen des membres du corps proviennent d'une poitrine divisée en deux : un coeur sain et une âme déficiente. Celui des deux qui l'emporte en l'homme, c'est à lui que revient l'acte (fi'l). Ainsi, les actes sont clairement distincts du point de vue de l'intériorité, alors qu'ils peuvent être tout à fait semblables en apparence.