Sur la route de Selma

Au fin fond de l'Alabama, dans un cimetière de base aérienne, Kyle abat froidement un Noir parce que celui-ci a osé coucher avec la femme de son frère Frank, Tracy-Lee. Tout n'est que vengeance contre ces Noirs qui n'ont pas leur place dans cette petite ville.
De son côté, sur la route de Selma, Clément Brown, un jeune Noir, fait de l'auto-stop. Il est pris par Tracy-Lee qui s'est émancipée de l'emprise des Lansky, en emportant avec elle la recette. Ils s'arrêtent dans un motel pour y passer la nuit et font l'amour. Au petit matin, Clément va téléphoner à sa mère et apprend que son frère vient d'être arrêté et donc qu'il a besoin d'argent pour payer la rançon. de retour dans la chambre, il s'empare de l'argent de la jeune femme et s'enfuit, en oubliant sa chaînette.
Tout aurait pu se dérouler ainsi, n'était l'esprit de vengeance de Kyle, parti à la poursuite de Tracy-Lee. L'ayant retrouvé dans ce motel, il l'abat froidement.
Clément, voulant à tout prix récupérer cette chaîne à laquelle il tient tant, découvre le cadavre de la jeune femme et panique à l'idée qu'on le prenne pour le tueur. Il décide alors de la venger en partant à la recherche du véritable meurtrier...

En prenant pour toile de fond un état où il ne fait pas bon être Noir, Philippe Tome nous livre un album sur le racisme, l'amour, la haine et la vengeance. A la façon d'un road-movie haletant, on parcourt les routes de l'Alabama en compagnie de Clément qui ne cherche qu'à venger une pauvre femme innocente. Tel un polar, où finalement seule la mort sort victorieuse, le scénario se savoure pour terminer sur un final surprenant. A la fois dure et poignante, cette histoire raconte avec justesse la ségrégation raciale.
Les dessins de Berthet sont réalistes et emprunts de liberté, les couleurs assez sombres. le graphisme, assez noir, étant donné le sujet, est un plaisir pour les yeux.

Sur la route de Selma... ça vaut le détour!

Difficile que de donner un avis sur ce récit car la lecture a été plutôt agréable mais on sent qu'il manque quelque chose pour faire vraiment la différence. Il y a un très bon début mais une suite des évènements un peu brouillonne. La fin de l'histoire relève toutefois le niveau.

Tiens, c'est la troisième fois que je lis une Bd qui se passe dans l'état américain de l'Alabama près de Selma et où on y rencontre beaucoup de racistes blancs à l'encontre des noirs même de nos jours. A croire que cet état du sud où la capitulation sudiste avait été signée par le Général Lee est définitivement marqué par le sceau de l'infamie.

C'est une bd d'action car nous sommes en plein thriller. La colorisation est plutôt originale pour ce genre.

Après avoir fêté ses vingt ans l'année dernière, la collection Aire Libre réédite maintenant certains de ses classiques dans un petit format broché. Les deux premiers one-shots à se retrouver dans ce format compact et régulièrement adopté par les romans graphiques, sont "Chute de Vélo" de Davodeau et "Sur la Route de Selma" de Tome et Berthet. Agrémenté d'une interview de ses auteurs, ce dernier livre un thriller sombre dont le thème reste malheureusement d'actualité, malgré la présidence d'Obama.

En situant leur récit dans un état du sud tristement célèbre pour sa haine raciale, les auteurs proposent un polar noir où les blancs font la loi. le genre de road-movie qui se plait à abandonner les hommes de couleurs sur le bas-côté de la route, de préférence face contre terre et une balle dans la tête. Si le filon a déjà souvent été exploité et que l'intrigue ne réserve pas de réelle surprise, le scénariste de "Berceuse assassine" livre néanmoins une enquête prenante et efficace sur fond de meurtre passionnel et de racisme. L'auteur soigne particulièrement le développement psychologique de ses personnages, de cette femme libertine au beau-frère sans merci, en passant par le bull-terrier qui ne sert pas seulement de métaphore à la soumission de ce peuple sorti de l'esclavage.

A l'aide d'un style légèrement rétro, parfaitement adapté à cette partie conservatrice des Etats-Unis, et d'une colorisation adéquate, Berthet contribue à l'ambiance oppressante de l'histoire.

Si le contenu de cet album a déjà fait ses preuves et justifie sans doute cette remise au goût du jour, à l'instar du héros de cette tragédie, le contenant risque par contre de devoir faire face à une autre forme de discrimination : celle des adeptes du bon vieux format cartonné.

Il est bon de rappeler que "Sur la route de Selma" est l'un des premiers titres parus dans la collection Aire Libre, qui avait pour ambition de proposer des bandes dessinées traitant de thématiques plus adultes.
Nous sommes dans une période charnière, lorsque la volonté de sortir la bande dessinée de l'ornière du "tout public" pour oser explorer de nouveaux territoires. Mais elle reste fondamentalement marquée par un format qui ne permet pas de développer de manière approfondie les thèmes abordés. A peine une soixantaine de planches. Juste le temps d'une bonne mise en place qu'il faut déjà conclure au pas de charge. Ce genre d'histoire ne se prête pas à un traitement en plusieurs tomes mais aurait mérité un traitement plus long. Une vingtaine de planches en plus pour prendre son temps. Tous les éléments sont en place mais tout s'enchaîne trop vite pour que l'on puisse ressentir une vraie empathie pour les personnages.
Il y a pour moi un vrai problème de format qui handicape le projet dans son ensemble. Il faut se remettre dans le contexte. Aire Libre était un terrain d'expérimentation. Sur la Route de Selma est une étape. Avec le recul, on se rend compte de la distance qu'il restait à parcourir. mais à l'époque, c'était en effet une belle évolution.

"Sur la route de Selma" est une des premières BDs qui soit sorti dans la collection "Aire Libre", et ça a été longtemps une de mes BDs préférées. Cette histoire d'amour sur fond de racisme. Un one shot très émouvant.