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Marion Bataille (Illustrateur)Françoise Marrou-Flamant (Auteur de la postface, du colophon, etc.)Prosper Mérimée (Traducteur)
EAN : 9782910233365
62 pages
1001 Nuits (30/11/2005)
3.53/5   36 notes
Résumé :

Apparitions n'a jamais cessé de dérouter et d'intriguer ses lecteurs : premier récit " fantastique " d'un grand prosateur réaliste, il marque un tournant dans l’œuvre de Tourgueniev.

Empreint de romantisme noir, c'est un conte philosophique d'un pessimisme total qui semble découler de la vie même de son auteur.

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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Apparitions est un récit d'une trentaine de pages vraiment étrange, inclassable, lyrique, une "fantaisie" comme le qualifiait l'auteur lui-même. Elle fut écrite à Baden-Baden et publiée dans l'Époque, la revue littéraire des frères Dostoïevski en 1864. Elle raconte la rencontre envoutante du narrateur, un jeune russe, vivant à la campagne avec Ellis ,"l'apparition"qui s'est éprise de lui. Elle lui rappelle vaguement quelqu'un et à chaque baiser reçu, il a la sensation d'être piqué par un insecte ou une sangsue...serait-elle un vampire ? Davantage une sirène pour moi car elle le charme irrésistiblement. Et puis Ellis a le pouvoir de l'amener instantanément par les airs en n'importe quel lieu. Trois nuits durant, ils vont parcourir ensemble l'Europe. Au récit fantastique se joint donc un récit de voyage dans l'espace, à travers la Russie et l'Europe, mais aussi dans le temps car surgissent du passé les troupes de Jules César puis celle du rebelle sanguinaire Stépan Razine. Les voyages sont tous mystérieux, enveloppés de brouillard, sous la lune. Vues du ciel, les ombres ressemblent à des animaux endormis plutôt paisibles quand il s'agit de la forêt proche de son village natal ou très inquiétants quand il s'agit des récifs de l'île de Wight. le hurlement de la mer effraie le narrateur, qui n'est pas très téméraire. Cependant chez lui dans son village natal, dans la campagne russe, tout semble trop endormi, trop immuable. En tout cas, une chose est sûre, il hait les villes impériales, belliqueuses, la Rome brutale et terrible de Jules César, le Paris débauché et tapageur du troisième Napoléon, la blême et triste Saint-Pétersbourg toujours au Garde à vous et ses écoeurantes odeurs de chou. le narrateur aime le Lac Majeur si sensuel, si voluptueux et la calme majesté de la Volga. Mais ce qu'il préfère c'est la vallée du Rhin et plus précisément la Forêt Noire paisible, vaporeuse et mélancolique. le narrateur s'y sent chez lui, triste et calme tout à la fois. Mais il lui faut partir.
J'ai beaucoup aimé ce récit singulier et riche, plein de colère et de mélancolie. Mélancolie romantique, mélancolie de l'exilé, mélancolie de l'écrivain incompris dans son pays et qui renvoie dos à dos France et Russie, haine de tous les tyrans, angoisse devant la menace de la guerre franco-prussienne. Angoisse devant la mort qui rôde.
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Comme « une barque est inévitablement emportée par des rapides à la cataracte qui doit l'abîmer », le narrateur d'« Apparitions » ne peut résister à une force secrète qui l'entraîne !

Le narrateur de cette étrange nouvelle de Tourgueniev est un gentilhomme russe très ordinaire, qui aime son chez soi. Alors qu'il est bien au chaud dans son lit, un rayon de lune, suivi d'un bruit indéfinissable, puis d'un rêve, le dérange pour la première fois…
Une créature blanche lui apparaît telle un fantôme… qui l'attire irrésistiblement.

Cette apparition fantomatique est-elle un revenant, une âme en peine, un mort vivant, un malin esprit ? le fantastique d'« Apparitions » est de nature onirique, et surnaturelle.
Hallucination ? Vision ? Une sensation oppressante, mêlée d'inquiétude et de désespoir règne en permanence dans cet étonnant récit.

Au début, le narrateur est effrayé par cette silhouette diaphane.
Cette apparition l'invite à la rejoindre au pied d'un vieux chêne.
D'abord il hésite, puis, petit à petit, il se rassure… Elle lui devient familière. Chaque nuit, elle revient, réitère sa demande, et finalement il cède.
Dès ce premier rendez-vous la créature avoue l'aimer et lui demande de prononcer ces mots « prends-moi ».

Il tente de découvrir qui peut bien être ce spectre qui a des traits féminins…
Il s'agit d'une jeune femme qui dit s'appeler Ellis. Elle vient du pays d'après la mort, mais dans sa vie antérieure, elle est issue des brumes britanniques, des îles qui furent le berceau du roman noir et du vampirisme.

Ellis est-elle une amoureuse-vampire ? Une muse ?
La voix féminine se fait convaincante en affirmant au narrateur qu'elle l'aime. Telle une sangsue, elle aspire sa vie. Elle a jeté son dévolu sur lui.
Elle s'envole avec lui, le prenant fermement dans ses bras. Elle le conduit où il désire, et lui sert de guide. Elle lui offre le privilège de voir d'en haut différents lieux, et fait avec lui un curieux voyage dans le temps…

Plusieurs nuits de suite, le manège se reproduira, et leurs vols les mèneront un peu partout, à l'île de Wight, en Italie, à Rome où lui apparaîtra Jules César, sur les bords de la Volga où se sont de violents pirates qui surgiront du passé, puis à Paris et en Allemagne… ambiances inquiétantes, angoissantes… flou, visions effrayantes, maladives… Rêve ou réalité ? Cauchemar ? Etat second ?
Après un dernier voyage dramatique, la créature ne revient plus et le jeune narrateur semble être atteint d'anémie…

Cette nouvelle semble découler de l'expérience vécue du grand voyageur qu'était Tourgueniev.
Les excursions dans le temps se rattachent à sa vie personnelle, notamment avec le voyage qu'il fit en 1840 en Italie.

C'est en 1864, que paraît cette nouvelle, dans « L'Epoque », la revue de Dostoïevsky.
« Apparitions » est le premier récit à tendance fantastique de Tourgueniev.

Quand on referme ce livre, on est en droit de s'interroger : qu'est-ce que cet étrange récit ?
Est-ce une allégorie énigmatique, ou bien Tourgueniev a-t-il laissé sa plume libre d'écrire un conte onirique sans signification particulière, si ce n'est créer une ambiance irréelle et éthérée, propre à nous plonger dans un plaisir ouaté ?

En tout cas, dans cette courte nouvelle pleine de mystère, la progression des sentiments ressentis par le narrateur est belle. Il y a d'abord la peur, puis l'excitation, le plaisir de voler au-dessus du monde, puis la tendresse pour son amoureuse dont il ne sait rien, elle qui ne répond jamais à ses questions. Ce court récit est une belle découverte, où le fantastique et l'onirique se mêlent et nous intriguent étrangement.
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Apparitions est le premier texte d'Ivan Tourgueniev que je découvre et j'ai beaucoup aimé.
Cette nouvelle fantastique, très courte, a probablement dû faire frissonner les lecteurs contemporains de l'oeuvre. Ce n'est plus le cas aujourd'hui mais le texte conserve son charme.

J'ai aimé que Tourgueniev ne nous dévoile que peu de choses sur la fameuse apparition dont est témoin le narrateur. Est-ce un fantôme ? Un esprit malin ? Une sorte de vampire ? le lecteur choisira en fonction de ses perceptions.

Par contre, il faut admettre que ce texte n'est pas d'une folle gaieté. La vision du monde du narrateur se fait de plus en plus désespérante et désespérée à mesure que le récit progresse. Et la fin, aussi poétique soit-elle, m'a laissé un goût triste dans la bouche.

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Sous-titré ‘Récit fantastique', cette oeuvre de Tourgueniev fait voyager dans le temps et l'espace un homme. Onirique, ce récit est très beau et incroyablement triste.

Cet homme vole-t-il réellement, voyage-t-il dans sa tête, ce périple est-il le reflet des voyages effectués par Tourgueniev. Nous ne le saurons jamais. Tout l'art de l'auteur est de ne jamais nous donner la moindre piste de réponse. Peut-être faut-il parfois ne plus essayer de comprendre, analyser, intellectualiser ce que nous lisons pour nous laisser emporter par les mots.


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"Apparitions", dont la méditation sur la nature et la mort se prolonge dans "Assez" et dans certains poèmes en prose, marque un tournant dans l'oeuvre de Tourguéniev car c'est la première fois qu'il aborde le fantastique si on excepte quelques textes de jeunesse où apparait le Diable. Il commence cette nouvelle en 1855 et la termine en 1863 mais elle ne sort qu'en 1864. Il hésite longtemps avant de la publier et il l'a retouchée jusqu'en 1869. Au début, elle était écrite à la troisième personne. Elle se fonde sur un rêve de lévitation fait en 1849, où il se prend pour un oiseau survolant la mer de manière angoissée.
Le récit passe de nuit, moment romantique par excellence, et reprend le thème de l'amour impossible.
Le narrateur se glisse sous les draps en pensant à des tables tournantes. L'ambiance est ainsi lancée. Il est réveillé par une mystérieuse apparition vêtue de blanc qui lui fixe rendez-vous la nuit près d'un vieux chêne autrefois frappé par la foudre : «Je voulus discerner les traits de la femme mystérieuse, mais un tremblement involontaire me parcourut tout entier et une bouffée d'air glacé me frappa au visage. Je n'étais plus couché, mais assis sur mon séant, et, à l'endroit où j'avais cru apercevoir la vision, il n'y avait plus qu'une longue raie de lumière blanche, projetée par la lune».
Le narrateur néglige le rendez-vous et la scène se répète les nuits suivantes jusqu'à ce qu'il se rende au vieux chêne. La femme se déclare la première, d'une manière fort directe: «Je t'aime, sois à moi». «Mais tu n'as pas de corps», répond-il. Elle lui fait répéter "Prends-moi". Une fois ces mots prononcés, elle le prend dans ses bras et l'emmène à haute altitude, à une vitesse prodigieuse. Plusieurs nuits de suite, elle le conduit partout où il veut aller: en Angleterre, à Rome au temps de Jules César, au lac Majeur, à Paris (décrit une fois de plus comme une nouvelle Babylone) puis à Schwetzingen, à St-Pétersbourg… Souvent, le narrateur s'inquiète et souhaite repartir. Elle cherche à le rassurer, mais ne répond pas à ses questions et le quitte à l'aube car elle ne vit que la nuit. Elle dit s'appeler Ellis. Il ne saura rien de plus. À la fin d'une de ces nuits de voyage, elle est soudain épouvantée et se voit attaquée par une nuée sinistre et gigantesque. «C'est elle… nous devons fuir, sans quoi tout est perdu à jamais», dit-elle avant que le narrateur s'évanouisse. Quand il revient à lui, elle est devenue une vraie femme qui meurt à ses côtés en lui disant «Adieu pour toujours». Peut-être a-t-elle été punie pour une transgression. Il espère la revoir les nuits suivantes mais c'est seul qu'il se retrouve près du vieux chêne.
Le plan initial de l'ouvrage désigne les différents chapitres par la destination de chaque voyage, sans un mot sur Ellis. On pourrait croire que celle-ci sert de raccord entre les lieux longuement décrits, à la manière de la musique de raccord entre les parties des Tableaux d'une exposition de Rimski-Korsakov, s'il n'y avait ce climat d'érotisme occulte rappelant Clara Militch et les sensations de l'être volant, «anticipation de la condition de l'homme de l'au-delà» dont l'âme aurait quitté la pesanteur de son enveloppe habituelle sous l'effet d'une contrainte magique. Dans l'une de ces descriptions, les étangs de la campagne romaine vus du haut du voyage aérien sont comparés par exemple aux fragments d'un miroir brisé épars sur le parquet.
Voici quelques extraits significatifs:
«Ou veux-tu aller me demanda-t-elle ? - Tout droit devant nous. - Mais voici une forêt.
- Passons au-dessus. Aussitôt nous nous élevâmes en tournoyant comme la bécasse qui gagne la cime d'un bouleau, puis nous reprîmes la ligne droite. Ce n'étaient plus les herbes, c'étaient les sommets des grands arbres qui semblaient glisser sous nos pieds: Etrange spectacle que cette forêt vue d'en haut avec ses sommets hérissées qu'éclairait la lune! On eût dit un énorme animal étendu, endormi et ronflant avec un grondement sourd et indistinct: Par moments nous passions au-dessus d'une cIairière, et je voyais la ligne d'ombre dentelée que projetaient les arbres. de temps en temps un lièvre faisait entendre son cri plaintif dans le fourré. Plaintif aussi était le cri de la chouette qui passait à nos côtés. L'air nous apportait les senteurs de la livèche, des champignons, des bourgeons se gonflant sous la rosée. La lumière de la lune se répandait autour de nous, froide et sévère; et la Grande Ourse scintillait gravement au-dessus de nos têtes».
«Des montagnes, toujours des montagnes... Je compte cinq, six, dix nuances différentes, des couches différentes d'ombre sur les gradins des montagnes, et la lune rêveuse règne par-dessus toute cette diversité silencieuse...
- Ellis, tu dois aimer ce pays !
- Je n'aime rien.
- Comment cela, et moi ?
- Oui, toi, répondit-elle sur un ton indifférent.
Il me semble que son bras serre ma taille plus fort.
- En avant, en avant, dit Ellis avec une sorte de passion froide.
- En avant, répété-je».
«Une odeur d'orangers m'entoura... Je me mis à descendre, à descendre vers un splendide palais de marbre... Isola bella, dit Ellis, Lago Maggiore».
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Emmène-moi, Ellice, loin de Mabille, de la Maison-Dorée, loin du Jockey-Club, loin des soldats au front rasé et de leurs casernes monumentales, loin des sergents de ville, des verres d’absinthe trouble, des joueurs de domino et des joueurs à la Bourse, des rubans rouges à la boutonnière de l’habit et à la boutonnière du paletot, loin des cours de littérature et des brochures gouvernementales, loin des comédies parisiennes, des opéras parisiens, des politesses parisiennes et des grossièretés parisiennes. Partons ! partons ! partons ! — Regarde en bas, me dit Ellice. Déjà tu n’es plus au-dessus de Paris.
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« Ou veux-tu aller me demanda-t-elle ?
- Tout droit devant nous.
- Mais voici une forêt.
- Passons au-dessus;
- mais pas si vite. »

Aussitôt nous nous élevâmes en tournoyant comme la bécasse qui gagne la cime d'un bouleau, puis nous reprîmes la ligne droite. Ce n'étaient plus les herbes, c'étaient les sommets des grands arbres qui semblaient glisser sous nos pieds: Etrange spectacle que cette foret vue d'en haut avec ses sommités hérissées qu'éclairait la lune! On eût dit un énorme animal étendu, endormit et ronflant avec un grondement sourd et indistinct: Par moments nous passions au-dessus d'une cIairière, et je voyais la ligne d'ombre dentelée que projetaient les arbres. De temps en temps un lièvre faisait entendre son cri plaintif dans le fourré. Plaintif aussi était le cri de la chouette qui passait à nos côtés. L'air nous apportait les senteurs de la livèche, des champignons, des bourgeons se gonf1ant sous la rosée. La lumière de la lune se répandait autour de nous, froide et sévère ; et la grande Ourse scintillait gravement au-dessus de nos têtes.
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J’avais des rêves étranges. Je m’étonnais de me trouver couché dans ma chambre, dans mon lit… sans pouvoir fermer les yeux. -Encore le même bruit ! Je me retourne. Le rayon de la lune sur le parquet commence doucement à se rassembler… à prendre une forme… Il s’élève…
Debout devant moi, transparente comme un brouillard, se dresse une figure blanche de femme.
« Qui est là ? » demandai-je en faisant un effort.
Une voix faible comme le bruissement du feuillage
répond : « C’est moi, moi ; je viens te voir.
-Me voir ! Qui es-tu ?
-Viens à la nuit, au coin du bois, sous le vieux chêne ; j’y serai. »
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XXII

— Garde à vous… ou… ou… ou ! — Ce cri prolongé retentit à mes oreilles. — Garde à vous… ou… ou… ou… ! — répondit-on dans le lointain d’un effort désespéré. — Garde à vous… ou… ou ! — Le cri expira quelque part au bout du monde. Je me secouai. Une grande flèche dorée se dressait devant mes yeux. Je reconnus la forteresse de Pétersbourg.

Pâle nuit du nord !… mais est-ce la nuit ? n’est-ce pas plutôt un jour blafard et malade ? Je n’ai jamais aimé les nuits de Pétersbourg, mais cette fois j’en fus presque effrayé. Le visage d’Ellice avait complètement disparu, dissous, fondu comme un brouillard matériel par le soleil de juillet, et cependant je continuais à voir mon corps distinctement, tandis que j’étais suspendu dans l’air à la hauteur de la colonne d’Alexandre. Ainsi nous voilà à Pétersbourg ! C’est bien cela : ces rues désertes, larges, couleur de cendre ; ces maisons gris blanchâtre, jaune grisâtre, gris lilas, couvertes de stuc écaillé, avec leurs fenêtres enfoncées, leurs enseignes de couleurs criardes, leurs auvents en fer au-dessus des perrons ; les sales boutiques de fruits, les frontons grecs en plâtre, les écriteaux, les auges pour les fiacres, les corps de garde de police ! Voici la coupole dorée de Saint-Isaac, la Bourse, qui ne sert à rien, et ses bariolages, les murs de granit de la forteresse et le pavé en bois tout brisé. Je reconnais ces barques chargées de foin et de fagots. Je retrouve ces senteurs de poussière, de choux, d’écorce de tilleul et d’écurie, ces portiers pétrifiés dans leurs pelisses, ces cochers de louage qui dorment ratatinés sur leurs drochki. Oui, voilà bien notre Palmyre du nord. Tout est éclairé, tout se dessine avec une netteté qui fait mal au cœur, et tout dort entassé au milieu de cette atmosphère trouble, mais diaphane. Le rose du crépuscule d’hier soif, ce rose de poitrinaire, n’est pas encore effacé ; il durera jusqu’au matin dans un ciel blanc sans étoiles. Ses reflets tombent en longues raies sur la surface moirée de la Neva, qui murmure et pousse doucement ses flots bleus et froids vers la mer.
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Nous volions plus lentement que de coutume, et je pouvais suivre de l'oeil les changements qui par degrés se manifestaient sur ma terre natale. C'était un panorama sans fin : des bois, des bruyères, des champs, des ravins, des rivières ; de loin en loin, des églises et des villages, puis encore des champs, des ravins, des rivières. J'étais de mauvaise humeur, indifférent, ennuyé. Et si j'étais ennuyé et chagrin, ce n'est pas parce que je volais au-dessus de la Russie. Non ! mais cette terre, cette étendue plate au-dessous de moi, tout le globe du monde avec sa population éphémère, chétive, suffoquant de besoins, de douleur, de maladies, attachée à cette motte de misérable poussière, ... cette écorce fragile et rugueuse, cette excroissance sur le grain de sable de notre planète, sur laquelle a filtré une moisissure ennoblie par nous du nom de règne végétal, ... ces hommes-mouches, mille fois plus méprisables que les mouches, leurs demeures de boue, les petites traces de leurs misérables et monotones querelles, leurs ridicules batailles contre l'immuable et l'inévitable... Ah ! que tout cela m'étais odieux ! Mon coeur se soulevait par degrés, et je ne voulus plus contempler un tableau si insignifiant, une caricature si triviale. J'étais ennuyé, plus qu'ennuyé : je n'éprouvais même plus de pitié pour mes semblables. Tous mes sentiments se fondaient en un seul, que j'ose à peine avouer, le dégoût, et, qui est pis, le dégoût de moi-même.
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Un voyage fantastique par Katherine Applegate, l'auteure du Seul et Unique Ivan.
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