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Critique de Shaynning


Incontournable Juillet 2022


Depuis le temps que j'attends un roman se déroulant en terres africaines, laissez moi vous dire que je l'ai vite "spoté" celui-là! Il faut dire qu'avec cette couverture exotique au riche couleurs, difficile pour lui de passer le notre radar de libraires jeunesse. Enfin, bref, c'est l'été et quoi de mieux qu'un récit magique aux accents folkloriques ( pour ne pas dire mythologiques) dans un des coins les plus chauds du monde. On s'embarque donc pour le Nigéria!


Oluwanifesimi, dite "Simi", doit rejoindre le village de sa Iyanla ( Grand-mère), Ajao, pour un été. Sa mère doit faire une formation à Londres et elle ne peut lui payer une colonie de vacances, depuis le divorce. Donc, l'adolescente de 13 ans doit aller passer un été dans ce qu'on pourrait qualifier de "campagne", loin de la vie tumultueuse et urbaine de Lagos. Elle fait la connaissance pour la première fois avec sa iyanla et celle-ci est pour le moins indépendante et respectée. Femme savante, elle connait les remèdes, ainsi que les traditions et elle n'est pas moins qu'une prêtresse de la déesse des eaux, Oshun. Il est strictement défendu à Simi d'entrer dans la forêt. Or, ses pas semblent l'y mener d'eux même quand un mystérieux oiseau fait entendre son chant. Simi découvre un lac de sables rouges mouvant et s'y glisse, sous l'appel du chant. Convaincue qu'elle s'y noiera, qu'elle n'est pas son étonnement quand elle est recrachée...sur une autre rive que celle d'où est venue. Un monde où tout semble bouger, un monde de dunes rouges au ciel pourpre presque violet. Un monde qui, selon les dires de sa grand-mère, une fois revenue de cet étrange "rêve", n'appartient pas aux vivants ni aux morts et qui réclame aux dix ans un enfant pour servir de compagnon.e de jeu à un enfant immortel, Layo. Un tribut qui a détruit sa famille et en menace de nouvelles. À travers le scepticisme de plus en plus grand des hommes politiques et des citoyens urbains et les croyances ancrés dans la collectivité d'Ajao impliquant des déesses et des éléments, Simi va découvrir un univers où se joignent légendes et équilibre du monde.


Déjà, quel changement de décor! Comme je l'évoquais plus haut , rares sont les romans jeunesse qui se déroulent en Afrique, surtout les pays autre que magrébins. Qui plus est , encore plus rares sont les romans jeunesse qui traitent de la culture, des croyances et des mythes de ces pays, en atteste le constat de l'autrice, qui n'a rien trouver pour ses filles concernant le Nigéria. C'est donc une formidable opportunité de découvrir un monde que l'on connait si peu, de fait d'être loin, mais du fait d'être si peu représenté également. Pour éviter aux profanes que nous sommes de se perdre dans les termes et les expressions, l'autrice nous a proposé un glossaire et nous guide dans le roman avec des explications. Il faut dire qu'avec un personnage urbain comme Simi, qui a connu un mode de vie urbain et une réalité terrain près de la nôtre, elle est confrontée au changement au même titre que nous, les lecteurs. Ce faisant, elle est donc aussi en mode "apprentissage" et 'découverte" que nous.


Simi incarne la citadine envoyée en campagne et comme tous les héros/héroines ayant à composer avec cette situation, tout reste à découvrir. Non seulement les campagnards d'Ajao ont une vie plus tranquille, rythmée pas la nature et leurs besoins modestes, ils ont une culture très différente. Au début, le doute plane: ces histoires de sables,de déesses et d'enfants disparu sont t-ils réellement le résultat de forces magiques? le "juju", comme ils l'appelle? Et si c'est le cas, quel déséquilibre est survenu pour expliquer que les dix ans d'écart entre les "appellés" ne tienne plus? Ce doute va rester un bon moment avant de comprendre que toutes ces légendes sont bien réelles. Mais on peut s'en douter assez vite.


Autours de la trame principale, nous avons d'autres petites péripéties qui nous permettent de se familiariser avec le monde en présence, comme le festival des tambours, les gens qui font affaire avec Iyanla pour leurs soins, la demeure du "chef", la danse traditionnelle, etc. Nombre de tenues, de coiffures, d'arbres et de fruits sont aussi évoqué. Certains personnages secondaires ne servent pas tant à accompagner Simi qu'à ajouter leur saveur au roman, avec leurs idées, leur façon de faire ou leurs connaissances.


Simi, notre personnage principal, ne m'a pas parue inoubliable, cela-dit. J'ai un peu de mal à la décrire. Disons que c'est un personnage qui se centre plus sur les choses autours d'elle que sur elle, ce qui est en soit une belle qualité. Un peu timide parfois, franches d'autres fois, elle a tout-de-même eu comme grande qualité de ne pas changer d'idée quand le personnage masculin secondaire a refusé de l'aider, ni d'avoir la bêtise de fondre pour lui. Oui, bon, en même temps, elle a toujours juste 13 ans! Je dirais que la psychologie des personnages n'est pas très étoffée, ce qui leur donne un côté plus "esquissé" que profond. La grand-mère, "iyanla", est un personnage autoritaire et inébranlable. Elle sait comment le monde fonctionne et possède aussi bien la notoriété que la compétence. Par moment, ça lui donne même l'air quelque peu insensible. Mais je l'aimais bien cette vieille dame, c'est le genre de femme solide qui ne s'en laisse pas mener. Il y avait aussi le personnage de Jide ( ou "Jay"), un autre ado qui connait la ville, mais qui a grandit en campagne. Il est un peu le "pont" entre les deux mondes et nous informe de quelques réalités, mais lui aussi m'a semblé difficile à apprécier parce qu'il manquait de profondeur. C'est "le personnage secondaire de "l'autre genre", je dirais. le personnage de Layo m'a fait penser à la version ténébreuse de Peter Pan, dans la série " Il était une fois", avec son côté impitoyable , tous ces enfants perdus et leur monde d'immortels.


Donc, ce qui fait la force de ce roman est tout le volet "légende" issu des croyances et des mythes du pays. On en connait si peu que tout nous semble nouveau. Et cette divergence sororale entre déesses et de mondes parallèles est réellement fascinante.Le rythme était plutôt tranquille, mais je n'ai pas eu de mal à rester intéressé par cet univers exotique. Il y avait un dilemme entre les gens croyants aux déesses et les gens extérieurs à Ajao, mais rien de particulièrement houleux. C'est peut-être le seul élément qui semblait difficile à ressentir: la gravité des évènements. On aura aussi mentionné quelques fois "les croyances de l'Homme blanc", un sujet bien réel ( et pas que strictement africain) où le colonialisme a fait entrer une religion monothéiste en faisant reculer les croyances locales. La présence de l'anglais comme langue est aussi très équivoque, car cela signifie un recul de la langue native également. Bref, un roman intéressant, qui aurait pu être mieux sur le plan psychologique ( selon moi) et rythmique, mais qui va devenir un bon incontournable de part son sujet et sa richesses culturelle.


Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans+
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