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EAN : 9782868532237
109 pages
Le Temps qu'il fait (19/05/1998)
4/5   2 notes
Résumé :
Recenser ces objets utilitaires connus de tous, si proches de notre quotidien que l’on a perdu aujourd’hui le sens de leur présence. Ces objets patinés par le temps, nus comme au premier jour, ici réellement animés. Une évocation chargée de sentiments dans le déploiement, peut-être dialogué, du souvenir.

Le livre
«Sur la grève des champs, dans les étables délaissées ou les hangars de brocanteurs, j’ai recueilli — coquilles ébréchées, polies pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un auteur qui se trouve dans mon petit Panthéon personnel depuis mes
débuts de libraire et par le biais d'un éditeur que j'affectionne depuis tout
ce temps, éditeur de cet écrivain-ethnologue- photographe: "Le Temps qu'il fait"...

Dans mes lectures lointaines de cet écrivain atypique les souvenirs de :
"L'Homme des haies", "Neige sur la forge", et "L'Amitié des abeilles"...

Ce bel ouvrage sur les anciens objets de la campagne et de la terre...
je l'ai déniché et emprunté à la médiathèque... Une belle réussite entre
la description minutieuse [jusqu'aux dimensions des objets décrits !!]
des outils, le vocabulaire ancien "restitué", la poésie du texte, par
fulgurances, et de très belles photographies de Jean-Loup Trassard, qui
accompagnent le corps du texte, divisé, selon les familles d'objets.

Parmi les perles ... de la description, je trouve cette phrase d'une poésie
et d'un condensé irrésistibles !
"Les laveuses titrées de la commune retrouvaient là des femmes venues rincer leur propre buée, et ces langues ensemble savonnaient la vie de quelques absents."

Le Bémol que je mettrai, au vu de ma première curiosité instinctive, c'est
la contemplation de ces outils et ces objets du quotidien des gens de la terre... qui manquaient !!!
J'aurais très nettement préféré qu'aux lieux des paysages, même très beaux... J.L. Trassard nous donne à voir toujours par des clichés en noir et blanc, ces "messagers" faussement inanimés...Cela reste, en dépit de cette
forte frustration de "lecteur-voyeur"une très belle découverte ... qui
a , en plus alimenté, et donné une impulsion à une thématique que
j'avais depuis un très long moment sous le coude , "Ces objets qui
racontent une histoire"...!!
J'achève ce billet succinct par un extrait, afin qu'il vous donne le ton, la musique du texte !

"La Poignée de marmite, le rouet & les coffins

Quand la marmite suspendue à la crémaillère est au milieu des flammes, son anse métallique devient brûlante : on ne saurait la décrocher sans protéger la main par un chiffon. Les femmes souvent préféraient une sorte de crochet en forme de poignée, ou "main de fer". (...)
Nombre d'objets usuels par quoi l'homme s'entoure (...) portent évidemment la marque, la mesure, de son corps. Ainsi parler de tels objets n'est pas, comme on a pu le croire, choisir l'inanimé, mais parfois chercher la silhouette qu'ils dessinent en creux de l'homme ou de la femme occupés à les faire mouvoir. (p. 87)

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Depuis ses débuts Jean-Loup Trassard fait entrer la ruralité dans la littérature. Il dit de lui-même qu'il est un écrivain de l'agriculture. La vision qu'il donne de la civilisation rurale traditionnelle disparaissant irrémédiablement, est à la fois ethnologique et poétique.

Dans Objets de grande utilité l'auteur recense méthodiquement quelques objets domestiques, ustensiles d'intérieur ternis par l'oubli. Ces objets utilitaires sont connus de tous, si proches de notre quotidien que l'on a perdu aujourd'hui le sens de leur présence. Ces objets patinés par le temps, nus comme au premier jour, semblent ici réellement animés.

« Même retirés à la fonction utile, les objets en effet ne sont pas des blocs de matière que leurs contours trop nets pourraient clore, mais l'endroit où se rencontrent de successifs touchers. Plus précisément, il reste sur eux des places qui attirent, en recherche sans doute d'autres gestes, une caresse qui n'est pas finie. »

A la fin de chacun des textes du livre une photographie noir et blanc de l'auteur. Un pré, un sentier. Pas question d'illustrer ce qui précède, plutôt une ouverture imaginaire.

http://www.luminaire.fr
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
"La Poignée de marmite, le rouet & les coffins"

Quand la marmite suspendue à la crémaillère est au milieu des flammes, son anse métallique devient brûlante : on ne saurait la décrocher sans protéger la main par un chiffon. Les femmes souvent préféraient une sorte de crochet en forme de poignée, ou "main de fer". (...)
Nombre d'objets usuels par quoi l'homme s'entoure (...) portent évidemment la marque, la mesure, de son corps. Ainsi parler de tels objets n'est pas, comme on a pu le croire, choisir l'inanimé, mais parfois chercher la silhouette qu'ils dessinent en creux de l'homme ou de la femme occupés à les faire mouvoir. (p. 87)
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Tout comme la fermière seule au milieu des joncs (les vaches parfois approchent un mufle baveux des chemises tordues lancées sur le tréteau), chacune des laveuses du bourg était dans son carrosse.

C’est une forte caisse n’ayant que trois côtés et un fond (les mesures en sont variables, mettons 45 cm sur trente et 25 cm de haut). Quatre montants extérieurs forment par leur base dépassante des pattes de 5 cm qui élèvent le carrosse au-dessus de la boue et lui évite une détérioration accélérée. Il faut ajouter que le devant est surmonté d’une petite planche (8 cm de large environ) clouée horizontalement comme une amorce de couvercle, ou plutôt légèrement en pente vers l’avant, et que celle-ci est échancrée en arc de cercle pour que le corps se penchant y puisse avancer. Enfin que les deux planches latérales se terminent vers l’entrée par un arrondi très marqué. Peint à l’extérieur d’un bleu charron qui peu à peu s’efface, le carrosse doit être rempli de foin : on s’y tient à genoux, tout au bord de la planche à frotter du lavoir.
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Faux, faucilles & croissant

C’est un peigne pour les crins, de cuivre jaune, et l’on imagine guère une forme plus sobre. En cela il représente bien les objets utiles, souvent ingénieux, qui formaient l’entourage rural.
Des objets si simples qu’on croit à première vue n’avoir rien à en dire, sinon justement cette simplicité étonnante. À force de toucher pourtant, et sur les traces infimes de sa vie ancienne, une relation se fait jour entre la nudité même de l’objet et les souvenirs ou sensations qu’il éveille.
Sans doute ne parle-t-il pas tout seul : s’il est muet d’abord, le jeu consiste à regarder suffisamment cet objet pour faire peu à peu se déployer l’atmosphère qui le nimbe en secret au-delà de ses mensurations.
Et devant le peigne des chevaux (prononcé «peugne»), cette plaque de laiton taillée à dents — les angles abattus et une oxydation douce — je me réjouis qu’une si petite pièce d’un unique matériau et de proportions parfaites, en même temps que l’image du peigne primitif me soit le témoin encore des écuries, dont l’odeur fit se dilater les narines.
Il est court et va du creux de la main à l’extrémité du pouce car on le prend à pleine paume. Aussi pour en faciliter la tenue (et pour la solidité) le dos est-il presque aussi large que la partie dentée. Cette partie pleine est en son milieu percée d’un grand trou rond par lequel une ficelle, ou un lacet de cuir, peuvent former une boucle qui sert à suspendre le peigne, qui sert également à passer le médius afin d’avoir plus de force pour démêler les crins.
L’entretien des chevaux n’était pas qu’un souci d’esthétique, mais aussi destiné à faciliter la sudation et l’évaporation de la sueur, faute de quoi pour un cheval trop fourni en pelage et en crins, et mouillé par l’effort, il y aurait eu un risque de refroidissement.
Le peigne avait sa place avec étrille, brosse, époussette, près des harnais et des colliers. L’étrille pour enlever la terre en surface, la brosse de chiendent pour pénétrer le pelage, enfin pour chasser la poussière quelques coups d’époussette. Celle-ci faite d’une queue de crins noirs tenus dans une collerette de cuir au bout d’un petit manche de bois. Car on écourtait la queue des pouliches dès qu’elles avaient un peu travaillé, soit disant pour mettre la croupe en valeur et, reste d’un temps ou le maréchal-ferrant faisait seul office de vétérinaire, c’est le forgeron qui venait couper la queue, cautérisant avec un fer rouge. Ce qu’il appelait «surcouer eune pouliche» («escoër» du XIIe au XVIe puis «écouer» pour Littré. Tandis que «accouer» une jument, c’est l’attacher à la queue de celle qui la précède).
Le peigne servait à nettoyer les crins des épines ou graines accrocheuses qui s’y étaient prises. On ne pouvait tondre la crinière que sur la nuque où passe, juste derrière les oreilles, la têtière du bridon. Mais sur le reste de l’encolure une crinière trop longue ou mal rangée pouvait être éclaircie en arrachant des crins.
Les quinze dents du peigne (deux centimètres et demi de long) sont fortes, plates, pointues mais non piquantes. À la base, les entailles de leur espacement sont arrondies. L’œil en est conduit vers le large trou rond au-dessus de la huitième dent, puis aux deux extrémités du dos, arrondies également: bien que métallique et sonnant, l’objet ne montre aucune agressivité. C’est à peine si les dents demeurent un peu tordues dans le sens où, il y a quelques années, elles tiraient sur les crins des chevaux de labour percherons.
(...)
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Le Fléau, le Coq-girouette & la lanterne.


Cette lanterne n'est pas une vessie. Notre patois l'appelle "un falot".C'est en pensant ce vieux nom que des mains autrefois tâtonnèrent dans la nuit pour allumer une lueur et courir à l'étable surveiller la vache prête à vêler.
(...) J'y peux fermer la porte sur mes pas, m'asseoir dans l'odeur de cire, regarder le monde à travers les carreaux de la lanterne. Depuis l'intérieur de l'objet dont je n'ai su décrire toute l'infime organisation, même sans lui prêter plus qu'une présence- que la bougie toutefois anime- je continue à sentir étrange la rencontre, sorte d'amitié, entre le falot de vieille tôle et une existence dont la flamme si tôt charbonne. Sans doute, comme l'écrivait Linay du Pairier en 1676 (...) " ce ne sont pas seulement des objets que je taste, mais mon propre contour que je voudrais connoistre". (p. 109)
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Tandis que les fermières lavaient presque toujours elles-mêmes, au douet aménagé sur un ruisseau, la plupart des commerçants du bourg faisaient laver au lavoir communal, en contrebas de la route, par une journalière. Ce lavoir est assez vaste, carré, avec un toit de tôle courant sur un périmètre et laissant un vide au milieu : la pluie ainsi peut tomber au centre du bassin, le soleil en réchauffer l’eau. Une fois par semaine on le vidait pour le remplir d’eau claire pendant la nuit au moyen d’une source proche. Les laveuses titrées de la commune retrouvaient là des femmes venues rincer leur propre buée, et ces langues ensemble savonnaient la vie de quelques absents.

Tout comme la fermière seule au milieu des joncs (les vaches parfois approchent un mufle baveux des chemises tordues lancées sur le tréteau), chacune des laveuses du bourg était dans son carrosse.

C’est une forte caisse n’ayant que trois côtés et un fond (les mesures en sont variables, mettons 45 cm sur trente et 25 cm de haut). Quatre montants extérieurs forment par leur base dépassante des pattes de 5 cm qui élèvent le carrosse au-dessus de la boue et lui évite une détérioration accélérée. Il faut ajouter que le devant est surmonté d’une petite planche (8 cm de large environ) clouée horizontalement comme une amorce de couvercle, ou plutôt légèrement en pente vers l’avant, et que celle-ci est échancrée en arc de cercle pour que le corps se penchant y puisse avancer. Enfin que les deux planches latérales se terminent vers l’entrée par un arrondi très marqué. Peint à l’extérieur d’un bleu charron qui peu à peu s’efface, le carrosse doit être rempli de foin : on s’y tient à genoux, tout au bord de la planche à frotter du lavoir.
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Videos de Jean-Loup Trassard (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Loup Trassard
La Fête du Livre de Bron propose chaque année une journée de réflexion sur des enjeux majeurs de la littérature contemporaine. le vendredi 8 mars 2019, nous proposions un focus sur les liens entre littérature, nature sauvage, grands espaces, sciences humaines et environnement. Lors de cette 33ème édition, nous avions la chance d'accueillir Pierre Schoentjes, professeur à l'Université de Gand, spécialiste du « nature writing » en langue française pour un grand entretien exceptionnel, animé par Thierry Guichard, à revivre ici en intégralité.
Dans Ecopoétique, Pierre Schoentjes étudie les spécificités du « nature writing » en langue française – le terroir plus que la terre, le lieu plutôt que le paysage, l'esthétique plutôt que l'éthique – en délimitant un corpus littéraire constitué d'écrivains comme Jean-Loup Trassard, Pierre Gascar, Charles-Ferdinand Ramuz ou Philippe Jaccottet. Mais il explore aussi les oeuvres d'écrivains très contemporains comme Emmanuelle Pagano, Belinda Cannone ou Marie-Hélène Lafon. En partenariat avec l'Université Lyon 2, la Médiathèque Départementale du Rhône et Médiat Rhône-Alpes.
©Garage Productions.
Un grand merci à Stéphane Cayrol, Julien Prudent et David Mamousse.
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