Nouvel exercice de style pour
Trondheim…
Après un pique-nique à la campagne, le dessinateur nous explique avoir trouvé dans l'herbe un vieux magazine gondolé et racorni. A l'intérieur : des planches de bandes dessinées écrites dans un dialecte qui ne ressemble à rien de ce qu'on peut trouver sur Terre… Solennel devant ce miracle de l'univers,
Trondheim décide de mettre le magazine dans son panier de pique-nique et de publier les planches telles quelles… même si on le soupçonne d'y avoir largement apporté sa contribution personnelle !
Le texte dans les phylactères des aventures de bandes dessinées est-il utile ? Outre le fait qu'il nous permet de comprendre qu'un personnage est en train de parler,
Trondheim nous prouve que l'intelligibilité du galimatias n'est absolument pas nécessaire. Faut-il encore que l'histoire soit découpée de façon telle que seuls les dessins suffisent à la bonne compréhension de son déroulement… C'est le cas avec les aventures de ces A.L.I.E.E.N., bien civilisés puisqu'ils laissent au lecteur la possibilité d'investir ses propres capacités d'interprétation pour donner du sens à des vignettes parfois volontairement ambigües.
Pas si différentes que nous non plus ces bestioles, car leur sens de l'humour emprunte beaucoup au nonsense britannique, à l'humour noir et cynique d'un C'est arrivé près de chez vous, le tout mâtiné de scatologie et parcouru de champs de fleurs et de papillons qui n'ont rien à envier aux champs de méduse de Bikini Bottom.
Tout commence bien : les aliens sont mignons, ronds et colorés. Ils se promènent dans de superbes landes –et c'est à ce moment-là que le mécanisme bien huilé déraille : un alien se fait perforer les deux yeux par une magnifique plante qui semblait innocente ; un alien-martyre est victime d'un massacre organisé dans la plus grande liesse ; une ville est ensevelie sous les déjections d'un alien atteint d'une diarrhée incurable.
L'humour se dote ici de caractéristiques aptes à amener un second degré de lecture plus cynique et malsain qu'on n'aurait pu le croire. C'est une grande surprise pour un album « muet », qui nous prouve qu'une fois le langage et ses concepts assimilés, il n'est plus besoin de longs discours pour transmettre ses idées critiques : l'humour noir suffit.
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