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EAN : 9782330022624
188 pages
Actes Sud (21/08/2013)
4.25/5   93 notes
Résumé :
Alors qu’il semble enfin devoir connaître le succès, Pedro, jeune comédien haïtien en tournée à l’étranger, se jette du douzième étage d’un immeuble.
Dans son pays natal, deux amis tentent alors de comprendre les raisons qui ont conduit au suicide un homme que le terrifiant mélange du social et de l’intime a transformé en plaie ouverte. Au point de le contraindre, pour être lui-même, à devenir tous les autres, sur la scène comme dans la vie.
Et à sign... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
4,25

sur 93 notes
Le plus beau livre de la rentrée littéraire 2013, le plus déchirant aussi, est signé Lyonel Trouillot. Un livre oublié de toutes les sélections de prix et qui ne semble pas taillé pour le succès commercial. La faute à cette foutue époque et un sujet trop éloigné des préoccupations littéraires des français. Et pourtant.... j'ai réécrit dix fois ce livre en notant ici et là des passages. J'aurai pu tout noter tant tout est sublime, de la langue de Trouillot jusqu'à cette réflexion sur le sens de la poésie dans le monde moderne et surtout, surtout, de l'amitié.
L'histoire, il faut commencer par cela, est celle d'un couple d'amis qui découvre, en regardant les journaux télévisés, la mort de Pedro, un des leurs. Pedro, un artiste de tout et de rien, récitant un jour de la poésie à qui veut bien l'entendre, distribuant des pages de recueils déchirés, saoul la plupart du temps et à terre toujours, avait quitté Haiti pour partir en tournée en Europe. Et c'est à Paris que Pedro se tue en sautant d'un immeuble. Accident ? Non, ses deux survivants d'amis savent bien que ses blessures à lui étaient tellement énormes qu'elles prendraient un jour le dessus. Mais pourquoi, Pedro, pourquoi être parti si loin ? "Ici, nous t'aurions rattrapé avant que ton corps touche le sol. Ici, on a appris à amortir les chutes. Et puis, où t'aurais trouvé un immeuble de douze étages! Même les banques et ces saletés de compagnies qui détiennent des monopoles n'en construisent pas de si hauts. Ici, on est déjà par terre et personne ne tombe dans le vide. Nous t'aurions rattrapé. Et puis, toi qui parlais tout le temps, tu aurais pu nous dire. Nous t'aurions suivi. Nous aurions monté la garde autour de toi. Comme ce soir où tu es parti en titubant. Nous savions que ce soir-là nous ne devions pas te laisser seul. Ton père t'avait encore traité de honte de la famille. Mais ce n'est pas la honte que tu portais en toi quand tu courais dans les rues en criant : "Le désespoir est une forme supérieure de la critique." Tout le roman est construit sous la forme d'une lettre à ce suicidé et, amis lecteurs, n'essayez donc pas de retenir vos larmes. Elles couleront comme elles ont coulé le long des joues du narrateur. Oh, pourtant, cet ami là, ce Pedro, n'était pas exemplaire. Malheureux pour un rien et le verbe haut, jamais il n'a, lui, prêté ses oreilles aux malheurs -d'autant plus douloureux que silencieux- de ses amis : "Le deuxième soir, nous t'avons écouté déblatérer sur les agents de commerce. L'Estropié n'a pas dit que son père à lui, ses enfants l'appelaient Méchant. Qu'il y avait des douleurs plus grandes que les tiennes. Ces choses là ne se disent pas. En tout cas, pas le premier soir. Ni le deuxième." Mais, je vous ai dit, il s'agit d'un roman, d'un roman immense sur l'amitié. "Tu y allais trop vite. Mais c'était ça, Pedro. Tu allais vers les autres plus vite que les autres. Et quand on choisit un ami, on choisit aussi ses faiblesses. L'Estropié et moi nous sommes adaptés à ton rythme. "Homme libre, toujours tu chériras la mer..." le deux-pièces, c'était notre bateau. Tu es monté dans le bateau et, le troisième soir, avant de vider la bouteille nous tanguions déjà tous les trois." Car il s'agit de cela, des liens étranges qui attachent les êtres et les destins. Ce qui relie ces trois êtres là, le narrateur ne pourra jamais mettre la main dessus, c'est quelque chose qui le dépasse et qui nous dépasse tous. Ni le narrateur ni l'Estropié, le troisième comparse, n'ont réussi à sauver Pedro. La poésie, elle non plus, n'a pas sauvé Pedro. Que reste-t-il au narrateur et à l'Estropié ? Rien. Une parabole dont il ne parviennent à déchiffrer le sens et le véritable destinataire. Un portrait sublime sur un artiste "autre" et un questionnement permanent sur l'amitié et le sens de la vie. Pas sûr que tant d'autres livres de la rentrée littéraire puissent vous faire tanguer autant que celui-ci.
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Un rédacteur de la rubrique nécrologique doit écrire un article sur son ami Pedro, Jacque Pedro Lavelanette, qui s'est suicidé en sautant du douzième étage de son hôtel alors qu'il était parti en tournée. En reconstituant les temps forts de sa vie avec cet ami et l'Estropié, avec lequel ils partageaient un petit appartement, c'est toute la vie du quartier Saint-Antoine, en haut de la colline, qui nous est décrite.

Dans Parabole du failli, Lyonel trouillot nous livre une oeuvre poétique et colorée qui laisse la part belle à l'humanité de cet homme suicidé tout en contradiction, le seul qui savait faire sourire Islande, si généreux en étant si égoïste, si aimant et mal aimé, qui portait la poésie à fleur de peau, comme une malédiction, et pour cela peut-être, en distribuait les plus belles pages aux passantes vieilles et jeunes, belles ou moins belles. J'ai particulièrement apprécié l'évocation de ces choses très justes sur ce que nous inspirent les morts, les plus classiques, comme la douleur, l'amour, la tristesse, et celles dont on parle moins, comme la déception ou la colère, car la mort peut être aussi une trahison. J'ai beaucoup aimé également le portrait de cet homme, issu d'une famille de nantis et venu s'immerger dans les quartiers populaires, sans doute pour tenter de s'y trouver. Fantasque et original, tour à tour cireur de chaussures et faux riche qui distribue le peu qu'il a en même temps que de la littérature aux gamins sans avenir du quartier, aimé de celle qui n'aime rien ni personne, toujours à la recherche de l'amour, celui avec un grand A, c'est un homme que l'on (ou moi, en tout cas) aimerait croiser. Parabole du failli ne manque pas non plus d'humour, avec une certaine critique acide de ces étrangers venus en Haïti porter les aides humanitaires en même temps que la bonne parole. C'est aussi, et surtout, une ode à cette île, à ses habitants, à ses couleurs et à l'exubérance de la vitalité de ses populations. Enfin, ce texte peu aéré, presque sans paragraphe, et que l'on a envie de lire d'une traite, tant il nous immerge dans le quotidien de Saint-Antoine, porte aussi un certain espoir, celui que des gamins des rues puissent déclamer du Baudelaire, Pessoa, Rimbaud, Llorca, Villon et bien d'autres... Un espoir aussi fragile qu'une larme prenant naissance dans les yeux d'une grosse femme qui ne sort plus de son appartement.
Un très beau livre.
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S'il est un écrivain qui m'est devenu indispensable, c'est bien Lyonel Trouillot. J'enchaine ses titres les uns après les autres avec toujours un peu plus d'émotion à chaque fin de lecture, avec toujours un peu plus d'envie de traverser ses paysages. le besoin de me laisser transpercer par ses mots, sa poésie, encore et encore, se fait un peu plus pressant page après page, révolte après révolte.

« Parabole du failli », quel beau livre.
La vie, l'amor. Et l'homme, funambule, fragile, si fragile. L'homme sur son fil, toujours à la limite, perdu à une frontière entre deux crépuscules, entre deux émotions. Il suffit de si peu pour que le jour s'éteigne ou que les ténèbres s'allument.
Et puis le temps assassin, sournois, le temps, là, mord à l'improviste. le fourbe, avec la seule certitude qui soit, celle de la morsure des jours passés, des jours « très passés ». La seule égalité des Hommes est dans cette mort sure qui est au bout du chemin.

Une grande ville entre paillettes et néons, de celles qui usent d'artifices pour masquer les névroses de ses habitants. Un homme, acteur Haïtien aux portes de la reconnaissance, et sa rencontre avec un bout de macadam, un homme qui quelques secondes avant son rendez vous bitumé se trouvait douze étages et quelques dizaines de mètres plus haut.
Haïti, Port au Prince, la misère à l'état brut. le chef de la rubrique nécro du canard local et le prof de maths, deux amis qui de leur duo avaient fait un trio avec Pedro l'acteur.
Souvenirs et questions, colère et manque, incompréhension et douleur sur fond de mémoire des jours heureux ou pas, mémoire qui garde vivant bien après un dernier souffle.

Pas de larmoiement dans ces pages, juste de l'émotion brute sachant garder sa pudeur. C'est écrit merveilleusement bien, tout sonne juste et quel que soit le sujet traité, la poésie coule de la plume de Lyonel Trouillot une fois encore.
Quelques empreintes du temps, un premier dialogue posthume, un livre rare.
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Après les excellentes critiques déjà rédigées...je ne me sens pas capable de rendre le choc ressenti à ce livre extraordinaire. un long moment que je souhaitais découvrir l'écriture de Lyonel trouillot, et j'ai débuté par "La Parabole du failli'....

Ce qui est le plus étrange, est que sous le choc incroyable provoqué par cette lecture sombre et flamboyante...je ne parviens toujours pas, au bout de plusieurs semaines depuis que j'ai fermé l'ouvrage...à rendre compte de ma lecture. C'est TROP d'émotions, de poésie, de questions essentielles bouleversantes...Comme l'écrit si bien Bibalice: , c'est le livre le plus beau et le plus déchirant de cette rentrée littéraire.... je suis totalement d'accord avec lui.

La répercussion immédiate, à défaut de prendre la plume pour partager mon enthousiasme, avec les babéliens... a été de me précipiter à ma médiathèque et d'emprunter "La belle amour humaine"... dans lequel je me suis aussitôt plongée. Cette "Belle amour humaine" qui submerge aussi "La parabole du failli", en dépit du sujet, cerné par des questions de désespoir , et de révolte. Il est aussi question de Vie, d'amour, et de fraternité entre les êtres....

L'autre prolongation de mon enthousiasme a été de lire avec beaucoup d'attention l'excellente revue littéraire, "Le Matricule des Anges" n° 46 /septembre 2013), qui consacrait son numéro de la rentrée, à Lyonel Trouillot.

Je me permettrais de citer un des propos de Thierry Guichard, ayant rédigé l' interview de l'écrivain, largement axé sur ses romans , sa terre haïtienne, et la "La Parabole du failli"

"Un homme meurt à Paris, loin de chez lui, après une chute de douze étages. En Haïti, d'où il était originaire, deux de ses amis, apprennent la nouvelle du suicide. L'un d'eux, alors déroule une longue lettre pour un court adieu. Parlant du défunt, il déploie une langue de douleur et de colère, dresse une galerie de portraits pris au vif du vivant et retrace le chemin de croix du disparu. (...) Mais sa chute, transformée ici en une parabole qui accueille aussi bien les grands poètes (dont les citations irriguent le roman)que les plus humbles....., rassemble par la grâce d'une langue aussi belle que cruelle toute une humanité tenue à l'écart..."

L'écrivain insiste sur le fait que la poésie est partie intégrante du quotidien de son pays : "En Haïti, la poésie est présente dans les rues, dans le parler quotidien, dans la construction de son rapport aux autres et à soi-même. (...) un rappel à l'ordre de l'humain : -Si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles. (Eluard)-

Un roman rare...que je relirai prochainement ... après avoir lu d'autres écrits de cet écrivain... pressentant aisément que ce texte, si dense, si foisonnant en humanité, ... je n'ai fait fait que l'effleurer, avec cette première lecture...

P.S: http://www.lmda.net/som/som146.html
[lien avec le "Matricule des Anges" ]
Lien : http://www.lmda.net/som/som1..
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Comment parler d'un ami disparu ? Par-delà le chagrin, le narrateur doit faire face à l'incompréhension et à l'inconnu lorsqu'il apprend le décès de Pedro, défenestré à Paris. Pourquoi aller mourir si loin, presque sur une autre planète ? Ils étaient pourtant heureux ici à Port au Prince. Ils étaient trois amis qui vivaient ensemble, petitement mais chaleureusement, dans un appartement des plus modestes : le narrateur, journaliste responsable de la rubrique nécrologique dans le journal local, l'Estropié, professeur handicapé et Pedro, le comédien défénestré. Pedro venait d'un milieu aisé contrairement à ses deux amis, Très vite, il renonce à l'existence confortable qui lui était promise. Ecorché vif, il endosse toute la misère du monde et n'hésite pas à faire le baisemain à la mendiante des rues, isolée dans sa folie, que tout le monde ignore. Il essaie d'apporter un peu de bonheur à tous ceux qui souffrent et ce fou de poésie va même jusqu'à effeuiller un recueil d'Eluard pour distribuer les poèmes à des passants le soir de Noël.
C'est avec beaucoup d'admiration et d'affection que le narrateur égrène ces souvenirs et, désigné par son rédacteur en chef, il tente d'écrire un éloge funèbre sur les trois colonnes de la rubrique nécrologique, il va raconter l'ami, celui qui a choisi d'aller mourir dans cette ville que l'on dit être la plus belle du monde.
J'ai trouvé ce livre magnifique, j'ai été envoutée comme à chacune de mes lectures de Lyonel Trouillot par son talent de conteur. Avoir un ami est une chance, le perdre est un déchirement, trouver les mots pour en parler et continuer à le faire vivre demande beaucoup de sensibilité et d'amour. L'auteur y réussi parfaitement.
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critiques presse (6)
Telerama
11 décembre 2013
Lyonel Trouillot ose nommer le liant qui soude tous ces inconnus : la poésie. Moderne et endurant, son livre est plein d'extraits de poèmes, qui apaisent les faims comme des casse-croûte de fortune, et permettent de continuer à marcher.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
24 septembre 2013
Pour son onzième roman (le neuvième édité en France), Lyonel Trouillot peaufine le sillon qu’il creuse depuis vingt ans. Celui d’une littérature puisée à même le réel, pendant les promenades effectuées chaque matin par l’écrivain dans les quartiers populaires de Port-au-Prince.[...] Sa force est de les rassembler dans un style spiralique et baroque, où s’entremêlent roman, poésie et théâtre.
Lire la critique sur le site : Liberation
Lhumanite
16 septembre 2013
Le roman de Lyonel Trouillot est une adresse, une parole jetée à celui qui n’a su que faire de la sienne, que faire de cette littérature qui le traversait, de celle qu’il inventait. Inspiré de la vie du comédien haïtien Karl Marcel Casséus, c’est le portrait d’un homme et d’une génération, une plongée dans le monde de Peau-Noire, sa misère et ses éclats de solidarité, d’espoir et d’amour.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Lhumanite
02 septembre 2013
Un portrait en forme de chant d’amour et d’humanité, à la mémoire d’un échec dont une leçon de vie, habitée par les mots du théâtre et de la poésie, peut naître.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Culturebox
19 août 2013
Haïti, que nous ne connaissons pas, prend corps, visage et voix à travers les personnages du démiurge Trouillot. Il prend vie grâce à une langue éblouissante, galvanisée par une cinquantaine de citations de poètes. Les consensuels - Hugo, Musset, Racine, Apollinaire...
Lire la critique sur le site : Culturebox
LePoint
26 juillet 2013
Une nouvelle fois, Lyonel Trouillot explore les failles de l'âme humaine. Et les vertus du seul antidote au désespoir qui vaille : la poésie.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
La malfaisance ne s'est jamais mieux portée. Tu te souviens, le soir, dans notre bateau, nus jouions à répertorier les mauvaises actions dont nous avions été témoin au cours de la journée. Il y en avait tellement. Je ne sais comment l'Estropié parvenait à les classer en catégories précises. Les crimes de sang : un homme qui soupçonnait sa femme d'adultère l'avait battue à mort et avait déposé le cadavre dans le hall d'entrée de la télévision nationale ; un automobiliste, auxiliaire de la police, avait abattu d'un coup de révolver un chauffeur de tap-tap dont le véhicule avait heurté la voiture neuve qu'il conduisait, sous les yeux de sa maîtresse et des passagers du tap-tap ; un massacre à la machette ordonné par les grands propriétaires avait été perpétré contre des villageois syndiqués, réclamant une réforme agraire. Les arnaques de la haute finance et des grandes institutions : un programme de stérilisation des femmes dans les quartiers populaires caché dans des kits d'aide alimentaire d'urgence ; le transfert des fonds de pension des employés de la fonction publique sur le compte du ministère de la Défense. toutes les injustices quotidiennes, auxquelles on se fait, qu'on subit en ayant honte de les subir. Ce serait bien qu'elle existe, ta porteuse de lumière. Pour prolonger ton rêve, j'écrirai peut-être dans ta notice biographique que tu l'as rencontrée. Mais alors comment expliquer ta chute de douze étages, les cadavres et les réfugiés que cache la station des nouvelles étrangères, les blessures muettes et les morts lentes qui font les nuits de Saint-Antoine ?
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Le deuxième soir, nous t'avons écouté déblatérer sur les agents de commerce. L'Estropié n'a pas dit que son père à lui, ses enfants l'appelaient Méchant. Qu'il y avait des douleurs plus grandes que les tiennes. Ces choses là ne se disent pas. En tout cas, pas le premier soir. Ni le deuxième. Tu y allais trop vite. Mais c'était ça, Pedro. Tu allais vers les autres plus vite que les autres. Et quand on choisit un ami, on choisit aussi ses faiblesses. L'Estropié et moi nous sommes adaptés à ton rythme. "Homme libre, toujours tu chériras la mer..." Le deux-pièces, c'était notre bateau. Tu es monté dans le bateau et, le troisième soir, avant de vider la bouteille nous tanguions déjà tous les trois.
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Tu as emprunté un chapeau à un vieil homme qui t'a laissé faire comme s'il avait atteint l'âge où tout lui était devenu indifférent. Tu t'es mis debout sur la brouette, et tu as commencé à parler. "Frères humains qui après nous..." Villon, c'était bien, un prologue en forme de harangue. Puis, tu t'es tourné vers la statue, et tu as parlé en son nom. La ville ne sembkait pas avoir d'avenir. Les événements les plus marquants de sa vie quotidienne ne devaient guère être que les décès des vieux et les départs des jeunes. Pas de présent et pas d'avenir. Mais tu pouvais lui offrir un passé, une dimension épique. "J'ai besoin de légendes, pour t'aimer, mon amour..." Il n'y a pas qu'en amour. Les petites villes aussi ont besoin de légendes. Tu as redonné vie au héros de la statue : 3Au temps longtemps, c'était merveille, tambour battait la générale..." Et les gens ont commencé à se rassembler autour de toi. Le presque héros de la statue devenait au fil des mots un personnage immense, un Dessalines, un Alexandre. Et les gens ont continué à se rassembler autour de nous. Tous les bancs étaient occupés. Autour de la place, les portes des maisons s'ouvraient, les ampoules s'allumaient à l'intérieur, et des famillles entières sortaient des chaises et s'asseyaient devant leur domicile pour écouter tes mots et suivre le spectacle.
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Quand on publie un texte de son vivant, je suppose que c'est comme une lettre de demande, un appel au secours. On s'imagine qu'un lecteur, une lectrice, répondra à l'appel. Mais des textes posthumes ne peuvent plus rien pour leur auteur. Ils renvoient les lecteurs à leur aveuglement, à tout ce qu'ils n'ont pas pu saisir. (p.97-98)
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Ici, nous t'aurions rattrapé avant que ton corps touche le sol. Ici, on a appris à amortir les chutes. Et puis, où t'aurais trouvé un immeuble de douze étages! Même les banques et ces saletés de compagnies qui détiennent des monopoles n'en construisent pas de si hauts. Ici, on est déjà par terre et personne ne tombe dans le vide. Nous t'aurions rattrapé. Et puis, toi qui parlais tout le temps, tu aurais pu nous dire. Nous t'aurions suivi. Nous aurions monté la garde autour de toi. Comme ce soir où tu es parti en titubant. Nous savions que ce soir-là nous ne devions pas te laisser seul. Ton père t'avait encore traité de honte de la famille. Mais ce n'est pas la honte que tu portais en toi quand tu courais dans les rues en criant : "Le désespoir est une forme supérieure de la critique."
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0:00:15 Introduction 0:01:02 Clément Camar-Mercier 0:11:47 Yasmine Chami 0:22:56 Sylvain Coher 0:33:49 Lyonel Trouillot 0:44:09 Clara Arnaud 0:55:03 Loïc Merle 1:06:13 Mathias Enard
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Plus d'informations sur notre rentrée française : https://rentree.actes-sud.fr/ #rentréelittéraire #litteratureetrangere
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