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Véronique Lossky (Traducteur)
EAN : 9782253932390
156 pages
Le Livre de Poche (01/05/1995)
4.05/5   19 notes
Résumé :

C'est en France, dans les années 1930 - la décennie de la misère et des textes en prose -, que Marina Tsvétaeva, dans des appartements lugubres à Meudon, puis à Clamart et à Vanves, écrivit les trois textes composant ce recueil : Le Diable, Ma mère et la musique et La Maison du vieux Pimène.

Trois textes qui livrent le motif obsédant de la vie de Tsvétaeva, dominée par les trois M : la Mort, la Mère, les Mots. La mort, qui rôde et fauche ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Décidément, Marina Tsvétaeva me fascine...

J'avais été emballé par son recueil de poésie le ciel brûle qui me l'avait fait découvrir.
Ce livre-ci est en prose mais tout autant empli de poésie.
Il contient trois récits autobiographiques.

le premier, le Diable, décrit Marina, petite fille, et ses rencontres avec le diable, personnage qu'elle seule voit, et qu'elle ne voit que dans la chambre de sa soeur aînée, lieu qui pour elle est aussi l'endroit où elle peut lire des livres interdits.
La description du diable nous montre un être au sexe indéterminé à qui l'auteure voue une grande admiration, il l'attire bien plus que Dieu. Elle se sent proche de lui, élue par lui, est amoureuse de lui.
Elle sera toujours reconnaissante de cette rencontre.
«Tu n'assistes pas non plus aux célèbres « messes noires » - ces réunions choisies où des gens accomplissent une sottise - celle de t'adorer tous ensemble - toi dont le premier et le dernier hommage est la solitude. S'il faut te chercher, c'est dans la cellule du prisonnier de la Révolte et dans les greniers de la Poésie lyrique... »


le second, Ma mère et la musique, nous relate sa relation avec sa mère.
Celle-ci est pianiste et tient à faire de Marina une grande musicienne.
Cette relation est difficile, comme l'est celle de Marina avec la musique.
Elle est manifestement douée mais dès la mort de sa mère, elle délaissera immédiatement cet art pour la poésie.
Marina reconnaît toutefois l'importance qu'eut cette éducation dans sa formation.

le troisième récit, La Maison près du vieux Pimène, nous confronte avec la mort. Dans la famille recomposée de son aïeul, tous meurent hormis ce dernier. L'auteure nous entraine dans les relations compliquées dues à un remariage, nous fait part de sa douleur devant la perte de ses proches.

Cette prose est emplie de poésie, mais aussi de sentiments, de sensibilité. On y décèle des trouvailles d'association d'images. Elle m'a touché.





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Trois récits en prose évoquant la naissance et la formation d'une vocation de poète. Plus qu'une formation, une initiation, une spiritualité. Une extrême vivacité, une extrême musicalité dans la forme. Fantasmes de l'enfance mêlés aux ressorts de la création poétique de l'adulte : heurts de couleurs, d'objets, d'images. Sensations. Froissements. Sons. Lecture ensorcelante. Ce qu'il faut d'incompréhensible pour reconnaître un mystère et le célébrer.
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Marina Tsvetaïeva, danseuse d'âme

Alors exilée sur le sol français, Marina Tsvetaïeva écrit les trois nouvelles qui constituent ce recueil.

A la lecture de ces courts récits, on découvre une prose résolument poétique. Comment pouvait-il en être autrement ? Après tout, l'autrice sait qui elle est : une « danseuse d'âme ». Les lecteurs assidus de sa poésie ne pourront être déconcertés face à ces écrits : l'incandescence et l'absolutisme y restent palpables.

Dans la nouvelle phare de ce recueil, intitulée le Diable, on se plonge dans la jeunesse troublée de l'autrice. Alors qu'elle n'était qu'une enfant, elle commence à se lier à celui qui occupe la chambre de sa soeur : le diable. Libre et malicieuse, l'autrice s'éprend de cet être qu'elle devrait craindre.
Une mystérieuse relation en clair-obscur, faite de complicité et de compréhension mutuelle, se construit entre eux. La plume de l'autrice est mélodieuse et piquante, une incroyable découverte.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Si les mères disaient un peu plus souvent à leurs enfants des choses incompréhensibles, non seulement ces enfants comprendraient plus de choses en grandissant , mais ils agiraient aussi avec plus d’assurance. Il ne faut rien expliquer à un
enfant, il faut l’ensorceler. Et plus le sens de l’incantation ensorcelante est ténébreux , plus elle pénètre en profondeur dans sa conscience, plus l’effet est absolu en lui : “Notre Père, qui es aux cieux...”
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Ô, le doux dogue de mon enfance — mon Grison ! Tu ne m'as fait aucun mal. Si d'après l'Écriture tu es le « père du mensonge », moi tu m'as appris la vérité essentielle et la droiture du dos. Cette ligne droite et inflexible qui vit dans mon épine dorsale, c'est la ligne vivante de ton port de dogue — de femme du peuple et de pharaon.
Tu as apporté à mon enfance la richesse du secret total, de toutes les mises à l'épreuve de fidélité et surtout de l'au-delà tout entier, car sans toi je n'aurais pas 𝘴𝘶 qu'il existait. Je te dois mon orgueil excessif, celui qui m'a portée au-dessus de la vie, plus haut même que toi au dessus de la rivière : — 𝘭𝘦 𝘥𝘪𝘷𝘪𝘯 𝘰𝘳𝘨𝘶𝘦𝘪𝘭 — 𝘦𝘯 𝘱𝘢𝘳𝘰𝘭𝘦𝘴 𝘦𝘵 𝘦𝘯 𝘢𝘤𝘵𝘦𝘴, par lui accompli.
C'est à toi aussi, en plus de tout le reste, que je suis redevable de mon attitude intrépide devant les chiens (mais oui, même les dogues les plus sanguinaires !) et devant les humains. Car après toi — quels chiens et quels humains craindrait-on ?
C'est à toi que je dois (c'est ainsi que Marc Aurèle commence son livre) la conscience première d'avoir été élevée et élue, car tu ne rendais pas visite aux fillettes de notre pavillon.
C'est à toi que je dois ma première infraction : le secret à ma première confession — après cela tout avait été déjà enfreint.
C'était toi qui brisais chacun de mes bonheurs d'amour, le corrodant de ton appréciation et l'achevant avec ton orgueil, puisque tu avais décidé que je serais un poète et non une femme aimée.
C'est toi qui, lorsque je jouais aux cartes et qu'obligatoirement quelqu'un prenait mon gain par hasard, faisais retourner les larmes dans mes yeux et les mots dans ma gorge : — « La mise, c'était la mienne ! »
C'est toi qui m'a protégée de toute vie en commun — au point que j'ai refusé la collaboration à des journaux, en m'accrochant dans le dos, comme le méchant gardien à David Copperfield, un écriteau : « Attention ! Il mord ! »
N'est-ce pas toi qui, par mon amour précoce pour toi, m'as insufflé l'amour pour tous les vaincus, pour toutes les 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘦𝘴 𝘱𝘦𝘳𝘥𝘶𝘦𝘴 — les dernières monarchies, les derniers fiacres, les derniers poètes lyriques ?
C'est toi qui, dominant de toute ton inflexibilité la ville étendue, prête à se rendre — montes le dernier sur la passerelle du dernier bateau.
Dieu ne peut pas penser mal de toi, tu as été jadis son ange préféré ! Et ceux qui voient en toi un moucheron, un Prince des Mouches, une myriade de mouches — ne sont eux-mêmes que des moucherons, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Je vous les mouches et je vois le nez : un long nez gris de baron et satiné de dogue, plissé avec dégoût et envie de mordre devant les mouches — les myriades de mouches.
Je te vois en dogue, mon doux ami, c'est-à-dire en dieu des chiens.

Lorsque j'avais onze ans, j'étais dans une pension catholique et j'ai essayé d'aimer Dieu :
𝘑𝘶𝘴𝘲𝘶'𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘮𝘰𝘳𝘵 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘛𝘦 𝘴𝘦𝘳𝘰𝘯𝘴 𝘧𝘪𝘥𝘦̀𝘭𝘦𝘴,
𝘑𝘶𝘴𝘲𝘶'𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘮𝘰𝘳𝘵 𝘛𝘶 𝘴𝘦𝘳𝘢𝘴 𝘯𝘰𝘵𝘳𝘦 𝘙𝘰𝘪,
𝘚𝘰𝘶𝘴 𝘵𝘰𝘯 𝘥𝘳𝘢𝘱𝘦𝘢𝘶, 𝘑𝘦́𝘴𝘶𝘴, 𝘛𝘶 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘢𝘱𝘱𝘦𝘭𝘭𝘦𝘴,
𝘕𝘰𝘶𝘴 𝘺 𝘮𝘰𝘶𝘳𝘳𝘰𝘯𝘴 𝘦𝘯 𝘤𝘰𝘮𝘣𝘢𝘵𝘵𝘢𝘯𝘵 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘛𝘰𝘪...
Alors tu ne m'en as pas empêchée. Tu t'es contenté de te retirer tout au fond de moi, cédant poliment la place à l'autre : — « Alors vas-y, essaie... — par l'humilité. » Tu n'as jamais condescendu à lutter pour moi (ni pour quoi que ce soit d'autre !), car toute ta lutte contre Dieu, ce n'était qu'une lutte pour défendre ta solitude, qui est la seule vraie puissance.
Tu es l'auteur de ma devise de vie et de l'inscription sur ma tombe :
𝘕𝘦 𝘥𝘢𝘪𝘨𝘯𝘦 —
quoi ? Mais rien : 𝘯𝘦 𝘥𝘢𝘪𝘨𝘯𝘦 rien faire — ni surtout condescendre jusqu'à la dépouille qui gît ici.
Et lorsque, du fond de ce trou noir d'yeux étrangers et d'un confessionnal étranger, il m'a été dit, pour tous les péchés de mes onze ans de vie :
« 𝘜𝘯 𝘣𝘦𝘢𝘶 𝘣𝘭𝘰𝘤 𝘥𝘦 𝘮𝘢𝘳𝘣𝘳𝘦 𝘴𝘦 𝘵𝘳𝘰𝘶𝘷𝘦 𝘦𝘯𝘧𝘰𝘯𝘤𝘦́ 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘢 𝘣𝘰𝘶𝘦 𝘥𝘶 𝘨𝘳𝘢𝘯𝘥 𝘤𝘩𝘦𝘮𝘪𝘯. 𝘜𝘯 𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘷𝘶𝘭𝘨𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘮𝘢𝘳𝘤𝘩𝘦 𝘥𝘦𝘴𝘴𝘶𝘴 𝘦𝘵 𝘭'𝘦𝘯𝘧𝘰𝘯𝘤𝘦 𝘦𝘯𝘤𝘰𝘳𝘦 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘱𝘳𝘰𝘧𝘰𝘯𝘥𝘦́𝘮𝘦𝘯𝘵. 𝘜𝘯 𝘯𝘰𝘣𝘭𝘦 𝘤𝘰𝘦𝘶𝘳 𝘭𝘦 𝘥𝘦́𝘨𝘢𝘨𝘦, 𝘭𝘦 𝘭𝘢𝘷𝘦 𝘦𝘵 𝘦𝘯 𝘧𝘢𝘪𝘵 𝘶𝘯𝘦 𝘴𝘵𝘢𝘵𝘶𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘥𝘶𝘳𝘦 𝘦́𝘵𝘦𝘳𝘯𝘦𝘭𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵. 𝘚𝘰𝘺𝘦𝘻 𝘭𝘦 𝘴𝘤𝘶𝘭𝘱𝘵𝘦𝘶𝘳 𝘥𝘦 𝘷𝘰𝘵𝘳𝘦 𝘢̂𝘮𝘦, 𝘱𝘦𝘵𝘪𝘵𝘦 𝘚𝘭𝘢𝘷𝘦... »
— de qui étaient ces paroles ?

C'est à toi que je suis redevable du cercle enchanté de ma solitude, qui m'accompagne partout, naît sous mes pieds, m'enlace comme des bras, mais s'étire comme un souffle, qui embrasse toute chose et exclut toute personne.
Et si tu es descendu naguère sous la forme d'un chien gris-bonne d'enfants, auprès de la petite fille que j'étais, ce n'était que pour qu'elle sache ensuite, sa vie durant, rester seule : ni bonnes d'enfants, ni amants.

Ô Grison — le dogue terrible de mon enfance ! Tu es seul, tu n'as pas d'églises, on ne te célèbre pas en communauté, on ne bénit pas de ton nom l'union de la chair ou celle des intérêts. Ton image n'est pas suspendue aux murs des salles de justice, là où l'indifférence condamne la passion, où la satiété condamne la faim, où la bonne santé condamne la maladie : la même forme d'indifférence contre toutes les formes de passion, la même satiété contre toutes les faims, la même santé contre toutes les formes de maladie, le même bonheur prospère — contre toutes les formes de malheur.
On ne baise pas ton image sur la croix en prêtant serment par contrainte ou en portant un faux témoignage. Ce n'est pas ton image, sous la forme du crucifié, que prend le prêtre — serviteur et complice de l'État assassin, pour la presser contre les lèvres de sa victime. Ton nom ne sert pas à bénir les batailles et les carnages. Dans les lieux administratifs où la 𝘱𝘳𝘦́𝘴𝘦𝘯𝘤𝘦 est obligatoire — tu es absent.
Tu n'assistes pas non plus aux célèbres « messes noires » — ces réunions choisies où des gens accomplissent une sottise — celle de t'adorer tous ensemble — toi dont le premier et le dernier hommage est la solitude. S'il faut te chercher, c'est dans la cellule du prisonnier de la Révolte et dans les greniers de la Poésie lyrique.
Non, Toi qui es — le Mal, non, non, la société n'a pas abusé de toi.
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Les maîtresses de mes multiples écoles qui commençaient à se lamenter cessaient vite de le faire, puis se lamentaient autrement. Moi, sans un mot et avec obstination, je réduisais ma musique à néant . C’est ainsi que la mer, en se retirant, laisse des creux très profonds puis de moins en moins, puis tout juste humides. Ces creux de musique, ces traces des mers maternelles sont restés en moi pour toujours.
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Nous ne saurons jamais à quel point les pièces des vieilles maisons, devant lesquelles nous passons sans les remarquer ne nous remarquent pas non plus, dans leur propre avance, et passent devant nous, telles les vagues d’une mer ancienne. Parfois seulement, par un caprice imprévisible , les vagues de la mer et de l’espèce rapportent sur le rivage notre anneau ou notre visage à un arrière-petit-fils, cent ans plus tard.
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Ma mère était pressée (...) comme si elle savait qu'elle n'aurait pas le temps, que de toutes façons elle n'aurait pas le temps pour tout, que de toute façon elle n'aurait du temps pour rien; alors voilà, il fallait au moins cela et encore juste cela, et encore cela, et cela aussi... Afin que nous ayons ce qu'il faut pour l'évoquer ! Afin de nous nourrir en une fois pour toute la vie. De sa première à sa dernière minute, elle n'a cessé de donner, de nous gaver, sans rien laisser reposer ni se tasser (sans nous laisser nous apaiser), elle nous a inondées, remplies à ras-bord - impression sur impression et souvenir sur souvenir- comme on bourre une malle déjà trop pleine (la malle s'avèrera être sans fond du reste), sans y prendre garde ou exprès ? Enfonçant au plus profond le plus précieux, afin qu'il se conserve plus longtemps, loin des yeux, en réserve, pour la dernière extrémité lorsque tout "a été vendu" et qu'à la recherche de quelque chose encore, on fait un dernier plongeon dans la malle, et là il y a encore -tout.
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Savez-vous quelle femme a écrit quelques-uns des plus beaux poèmes d'amour ? Elle était russe et voulait tout embrasser.
« Les poésies d'amour », de Marina Tsvetaïeva, c'est à lire aux éditions Circé.
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