L’un des romans les plus farfelus qu’on ait lus au cours des dernières années.
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Je suis dans le noir… On dit qu’il vaut toujours mieux écrire comme si l’on était mort, sans doute afin de mieux se détacher de la particularité de nos vies, en restant seulement sur ce que nous avons en partage, sans pesanteur, comme un courant passant de l’un à l’autre, au travers des autres, sans raisonnement ni jugement, toujours avec le même flux, le même fluide…
Avec cette histoire, j’ai appris que les morts, à bien des égards, étaient plus vivants que nous croyons l’être. S’ils n’aiment pas la lumière naturelle, et répugnent à nous parler en sa présence, c’est tout simplement parce qu’elle ressemble à ce que peut être la nuit pour nous. Le jour, ils ne voient pas grand-chose, et peinent à distinguer le contour des formes, autant que la fluorescence des auras. Ils ont leur lot de superstitions et de traumatismes, comme nous avons les nôtres. Ainsi, la simple lueur d’une allumette peut-elle leur rappeler le mauvais moment où certains d’entre eux durent affronter les flammes de la crémation. Quant à la répugnance qu’ils éprouvent à nous suivre au fond d’un parking, d’un métro, d’une cave, ou même dans les chiottes d’un café, elle se rattache au jour où certains se sont retrouvés, pas toujours au gré de leurs dernières volontés, enfouis profond dans la terre, comme si ceux qui restaient souhaitaient oublier la peine provoquée par leur disparition… L’enfouir, l’enterrer, comme des animaux qui ne savent pas quoi faire de leur douleur.
À plusieurs reprises, et contrairement à une croyance fort répandue chez les vivants, Schoulberg m’assura que les morts éprouvaient finalement bien peu d’intérêt à notre endroit, sauf, bien entendu, pour ceux qui nous avaient connus, et qui désiraient nous rester proches et – parfois – bienveillants. « Il ne s’agit pas de mépris mais, bien davantage, d’une indifférence quelque peu atone et distanciée, voyez-vous, comme lorsqu’un troupeau croise un autre troupeau sur le chemin d’un point d’eau. Ils sont de la même espèce, mais ils ne sont pas sur la même rive. Certes, la source est identique, mais il est aisé de comprendre que les morts ne puissent la considérer du même point de vue que les vivants. La différence, selon moi, c’est que les vivants savent bien peu de choses sur les morts, là où les morts savent toutes sortes de choses sur les vivants. »
J’acquiesçais en évitant de croiser le regard de Schoulberg, car, à cette époque, je pensais qu’il était complètement timbré.
Le Taboo des Cramps était à l’origine une chanson de Gene Summers mais, comme souvent, le groupe se l’était réapproprié de telle façon de telle façon qu’il donnait par rapport à l’original un sentiment plus ample et plus profond. La façon qu’avait Lux Interior de le chanter, tout autant que l’espace tissé par la guitare de Poison Ivy, appelaient en tout cas les mêmes images, les mêmes couleurs, et surtout la même saveur que cette fin d’après-midi dans le quartier juif de Los Angeles. Des pans entiers de fluides orange et rose glissaient lentement dans l’océan… Et toutes ces silhouettes tout en bas de l’image… Sages à longues barbes et costumes noirs filant vers une yeshiva… La voix de Lux, l’air de rien, en retenue, sans jamais l’exprimer, induisait comme une lassitude, un pressentiment sur sa propre fin quelques années plus tard.
… Et pourquoi pas ? Qu’est-ce qu’il y aurait de si terrible à ça ? Être esclave d’une chose aussi fabuleuse que les Cramps ? Esclave de nos caprices ? Nos caprices sont merveilleux, bordel ! Mais on a affaire qu’à des mecs gelés… Alors qu’on cherche quelqu’un qui nous donne son âme, ce qui n’est pas beaucoup demander… (Poison Ivy Rorschach)
Entretien avec Louis-Stéphane Ulysse autour de son nouveau roman "Harold" publié aux éditions du Serpent à plumes...
Hitchcock, Tippi Hedren, JFK, les frères Gianelli, Sinatra, l'Amérique de la fin des années 50 à la fin des années 60... Un roman construit comme un polar noir, comme un making off du film "Les oiseaux" qui nous parle de désir et de mort et nous entraîne à toute vitesse à travers l'Histoire d'une époque qui, sous le masque d'une élégance radieuse cache sans doute déjà le rictus d'une angoisse naissante...