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Critique de christinebrignon


Aux douze vents du monde
Ursula K. le Guin
traductions diverses révisées par Pierre-Paul Durastanti
Le livre de poche 2021

Ce recueil comprend 17 fictions courtes écrites de 1963 à 1974 – dont un prix Hugo et un prix Nebula –, la plupart en lien avec des romans ultérieurs, et présentées par Ursula le Guin elle-même. Suit une bibliographie d'Alain Sprauel, actualisée au printemps 2018.
Le collier de Semlé
Sur Fomalhaut II coexistent plusieurs espèces vivantes hautement évoluées dont les Angyars ou « Seigneurs », à peau foncée et cheveux blonds. Semlé appartient à cette ethnie, mais se désespère de devoir repriser toujours la même robe bleue alors que certains de ses sujets affichent leur richesse. Elle décide alors de retrouver un collier fabuleux appartenant à sa famille, mais perdu bien des générations avant la sienne. Dans cette nouvelle, on rencontre Rocannon, seigneur des étoiles, qui prendra toute sa dimension dans le premier roman d'Ursula : le Monde de Rocannon.
Avril à Paris
Dans une chambre de bonne avec vue sur Notre-Dame de Paris, un rituel magique initie la rencontre d'un alchimiste du Moyen-Âge, d'une anthropologue interstellaire, d'une esclave gauloise et d'un professeur américain du XXe siècle. Ah ! sans oublier la petite chienne perdue Jolie.
Les Maîtres
Comment un homme seul et nu dans l'obscurité, tenant une torche fumante censée représenter l'intelligence humaine, va abandonner ce qu'elle représente pour découvrir le concept du calcul, de l'algèbre, des mathématiques… mais dans un environnement totalement empreint d'obscurantisme.
La boîte d'ombre
Dans cette nouvelle inspirée par une réflexion enfantine, la « boîte d'ombre » rendue par la mer va brouiller les cartes d'un combat entre deux frères ennemis pour la possession de la cité de leur père, réputée imprenable.
Le mot de déliement
Cette nouvelle présage la fin du troisième roman de Terremer : le dernier rivage. On y voit Festin, un mage prisonnier d'un autre mage renégat, Voll, dont le nom s'est imposé à lui mais qui n'apparait jamais. Comment alors le combattre ?
La règle des noms
Monsieur Taupin est un petit magicien, plutôt inefficace qui vit dans une taupinière, sorte de caverne dont il a calfeutré l'entrée par un sort, efficace celui-là. Un jour aborde dans l'île Barbenoire, colporteur assez sûr de lui, qui pose beaucoup de questions. le cas Taupin (ce n'est pas son vrainom, bien entendu) semble beaucoup l'intéresser.
Le roi de Nivôse
Qui a lu La Main gauche de la nuit sait que les habitants de Nivôse n'ont pas de sexe défini, sauf lorsqu'ils entrent en kemma, période qui précède l'accouplement. Depuis l'émergence de la question du genre, on a parfois reproché à Ursula le Guin d'avoir utilisé le pronom personnel générique “il” pour désigner ces personnes en principe neutres. Ne pouvant se faire aux “iel” ou “ille”, elle décide, dans cette nouvelle de remplacer le “il” par “elle”. C'est donc l'histoire d'Argaven, roi de Nivôse, qui va faire preuve d'une grande sagesse pour déjouer un complot visant à faire d'elle un tyran.
Voyage
Cette nouvelle d'août 1970, traduite par Alain le Bussy, est parue en français dans le fanzine L'Aube enclavée N°4 du 2e trimestre 1972 que j'ai justement sous les yeux. À l'époque, elle a été rapprochée du mouvement cinématographique de la Nouvelle Vague qui se faisait le miroir de son temps. Elle raconte l'histoire d'un garçon qui recherche désespérément sa femme disparue, aidé en cela par un stimulateur de l'acuité sensorielle et cérébrale.
Neuf existences
Sur la planète Libra, des équipes de décaclones (dix clones issus de la même souche) sont utilisés pour l'exploitation des mines. Ils sont au top de leur potentiel et la décade forme un tout quasi autosuffisant. Mais qu'arrive t-il lorsqu'accidentellement l'un d'eux se retrouve seul ?
Les choses
Très belle nouvelle métaphorique qui exprime l'incomplétude des « choses » matérielles.
La forêt de l'oubli
Étrange dialogue entre « l'autre » et un homme qui a perdu son nom.
Plus vaste qu'un empire
Le Gum est parti de la Terre pour découvrir une planète lointaine et verdâtre baptisée Monde 4470, avec à son bord, une équipe de dix explorateurs à l'esprit plus ou moins dérangé. Et la cohabitation va se révéler très problématique.
Étoile des profondeurs
C'est l'histoire d'un astronome qui doit se réfugier dans une mine après que des soldats ont brûlé son observatoire. Et là, que découvre-t-il ?
« C'est une chose inimaginable, mais dans la nuit de l'espace règne la lumière : une orgie de lumière solaire. Je l'ai vu. Je l'ai vu nuit après nuit, et j'ai dressé la carte des étoiles, les phares de Dieu sur les rivages de la nuit. Et ici aussi, dans la mine, il y a de la lumière ! Nul lieu au monde n'est privé de la lumière, du bien-être et du rayonnement de l‘esprit créateur. Nul lieu au monde n'est proscrit, banni, abandonné. Nul n'est livré à la nuit. Là où s'est posé le regard de Dieu, la lumière brille. Il faut approfondir les choses. Il y a de la lumière pour qui veut la voir. Ce ne sont pas seulement nos yeux, mais nos mains, notre esprit, notre coeur, notre foi qui nous révèlent l'invisible et lèvent le voile du mystère. Et les ténèbres de la terre brillent comme une étoile dormante. »
Le champ de vision
Dans le cadre de la création d'une ville sous dôme sur Mars, la mission Psyché XIV, contrairement aux précédentes, n'est pas une réussite. À leur retour sur Terre, le commandant de bord est mort et les deux autres membres de l'équipage ont un comportement totalement aberrant. S'agit-il d'un virus martien ? d'une altération des fonctions cérébrales ? et dans cette hypothèse, quelle en serait la cause ?
Le Chêne et la mort
Et si notre perception du monde était fausse. Et si les objets inanimés augmentaient et rapetissaient autour de nous pour nous faire croire que nous nous déplaçons. Partir de cette hypothèse permet d'envisager les choses d'une manière pour le moins saisissante, surtout du point de vue du chêne.
« Voilà donc cinquante ou soixante ans que je m'érige en défenseur de l'Ordre Naturel et que j'entretiens les créatures humaines dans leur illusion d'aller quelque part. »
Ceux qui partent d'Omelas
En guise de variation sur le thème du bouc émissaire, déjà exploité par William James ou Dostoïevski dans Les Frères Karamazov, Ursula le Guin échaffaude une cité utopique dont le bonheur repose sur le malheur d'un seul, un enfant qui plus est !
À la veille de la révolution
Cette dernière nouvelle est en relation directe avec l'un des chefs-d'oeuvre de l'auteure : Les Dépossédés (Sur Anarres, les proscrits d'Urras ont édifié, il y a cent soixante-dix ans, une utopie concrète fondée sur la liberté absolue des personnes et la coopération. Ce n'est pas un paradis, car Anarres est un monde pauvre et dur. Mais cela fonctionne.) Elle se déroule juste avant le roman, alors qu'Odo est encore vivante :
«Odo, qui était Odo ? Une célèbre révolutionnaire qui avait écrit L'Analogie, Communauté, etc. Elle, qui était-elle ? Une vieille femme aux cheveux gris et au visage rougi, assise sur le perron poussiéreux d'un taudis et qui parlait toute seule.»
Ce recueil est idéal pour toute personne qui ne sait comment aborder l'oeuvre d'Ursula le Guin, écrivaine essentielle du XXe siècle, saluée par le National Book Award pour l'ensemble de sa carrière. CB
Chronique parue dans Gandahar 29 en septembre 2021
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