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EAN : 9782070279135
154 pages
Gallimard (22/09/1978)
3.75/5   110 notes
Résumé :
«La bêtise n'est pas mon fort.» Le narrateur, qui commence par cette affirmation, est un homme qui a vécu. Il aurait pu être valablement célèbre. Mais, dit-il, «je me suis préféré». Il rêve «que les têtes les plus fortes, les inventeurs les plus sagaces, les connaisseurs le plus exactement de la pensée devaient être des inconnus, des avares, des hommes qui meurent sans avouer.» Monsieur Teste, qu'il rencontre dans un café, est un de ces héros silencieux.
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UNE BOUFFISSURE.

Publié en 1929, Monsieur teste de Paul Valéry comprend: "La soirée avec M. Teste" (1896), "Lettre d'un ami", "Lettre de Madame E. Teste", "Extraits du Log-book de M. Teste". Paul Valéry a écrit une préface à "La soirée" à l'occasion d'une traduction de cette oeuvre en Anglais. "La soirée avec M. Teste" se présente sous les aspects d'un conte philosophique, d'une note hypertrophiée qui aurait pu devenir un roman. Tout aussi bien une autobiographie intellectuelle.

Les premières pages sont traitées dans un style volontairement rèche, expéditif, avec, comme par défi, tout le matériel brut du genre: confessions. La vie sentimentale sociale, mentale, du narrateur y est exposée à la hâte et sur un rythme exemplaire: "La bêtise n'est pas mon fort. J'ai vu beaucoup d'individus; j'ai visité quelques nations; j'ai pris ma part d' entreprises diverses sans les aimer; j'ai mangé presque tous les jours; j'ai touché à des femmes. Je revois maintenant quelques centaines de visages, deux ou trois grands spectacles, et peut-être la substance de vingt livres. Je n'ai pas retenu le meilleur, ni le pire de ces choses: est resté ce qui l'a pu". Puis nous apprenons que l'auteur rêve "que les têtes les plus fortes, les inventeurs les plus sagaces, les connaisseurs le plus exactement de la pensée devaient être des inconnus, des avares, des hommes qui meurent sans avouer". A partir de là, il s'agit donc de se donner par coup d'Etat, par effet de dictature sur sa propre liberté, l'image possible d'un homme de cet ordre, d'un de ces "solitaires qui savent tout avant le monde". Cette gageure nous est présentée sous les traits familiers et quotidiennement relevés, d'un certain M. Teste, auquel Valéry prête le comportement le moins visible, le plus banal qui soit. Il nous donne quelques renseignements sur le physique de cette créature: "M. Teste avait peut-être quarante ans. Sa parole était extraordinairement rapide, et sa voix sourde. Tout s'effaçait en lui, les yeux, les mains. Il avait pourtant les épaules militaires, et le pas d'une régularité qui étonnait. Quand il parlait, il ne levait jamais un bras, ni un doigt: il avait "tué la marionnette". Il ne souriait pas, ne disait ni bonjour ni bonsoir; il semblait ne pas entendre le "comment allez-vous?" M. Teste opère tout ce qui se pense et se sent chez un homme, sans autre but que de résoudre la question: "Que peut un homme?". Il parle:"Il y a vingt ans que je n'ai plus de livres. J'ai brûlé mes papiers aussi. Je rature le vif... Je retiens ce que je veux. Mais le difficile n'est pas là. "Il est de retenir ce dont je voudrais demain"... J'ai cherché un crible machinal..." Nous le voyons à l'opéra, tournant le dos au spectacle, et seulement intéressé par les éléments contagieux qui composent la salle. Dans la rue, dans sa chambre, couché, aux prises avec "un dixième de seconde qui se montre". Avec son angoisse, et sa certitude: "Je suis étant, et me voyant. Me voyant me voir, et ainsi de suite." Enfin: "Il ronflait doucement. Un peu plus doucement je pris la bougie, je sortis à pas de loup".

M. Teste est une mécanique extraordinairement bien réglée, sans transcendance possible, puisqu'il est cette transcendance. Sa puissance est réduite à rien par l'absolu qu'elle implique. S'il voulait, il ferait sauter le monde. Mais que peut-il vouloir? Il a prévu tout acte, par l'opération systématique qui l'annule de lui-même. "Pourquoi M. Teste est-il impossible? -C'est son âme que cette question. Elle vous change en M. Teste", dit Valéry dans la préface. On peut se laisser aller à imaginer ce qu'eût fait l'âme allemande -ou Edgar Poe- de ce héros, de cette idole de l'esprit, placé chez Valéry sous le signe cartésien. Dans quelle nuit fantastique elle l'eût égaré pour en tirer les sons les plus inouïs!

Une fois achevée, que reste-t-il cependant de cette lecture ? On n'aura sans doute pas ajouté grand chose en rappelant, une fois de plus, que le surréaliste André Breton était capable de dire "La Soirée" par coeur, ou encore qu'André Gide y voyait une éthique, que des auteurs aussi importants que Jorge-Luis Borges y voyaient «la plus extraordinaire invention des lettres contemporaines», qu'un lecteur à la critique aussi acérée et judicieuse qu'un Georges Perros en faisait l'un de ses livres de chevet, etc.

Cette oeuvre est très certainement l'une des plus lue et appréciée des grands écrivains d'une large première moitié du XXème siècle. Pour autant, il est apparu plus sec et abrasif qu'un vent de sirocco, plus prétentieux qu'un vieux professeur polymathes dispensant son savoir universel du haut de sa chaire, plus aride et stérile que le désert d'Atacama, plus bouffi qu'un lupus mal soigné...

Nul doute que le créateur de "Le Cimetière marin" était un homme d'une intelligence en tout point supérieure au commun des mortel, qu'il créa une oeuvre singulière marquant son époque et les décennies qui suivirent, il n'en demeure pas moins que son Monsieur Teste, dans lequel d'aucuns auront cru reconnaître une sorte d'autoportrait de son démiurge, est d'un ennui total, d'une arrogance rare, d'une sécheresse pénible et d'une bouffissure insupportable. Une leçon à retenir, peut-être : que cet heureusement bref objet littéraire inclassable fut appelé à devenir un livre culte de bien des auteurs -et pourtant de très bon - de ce vingtième siècle révolu en dit sans doute long de ce qu'il fut dans ses aspects les plus intellectualisant et présomptueux.

Mais plus assurément votre serviteur sera-t-il passé totalement à côté de ces rivages inhospitalier des lettres moderne ? C'est bien possible, et sans le moindre regret !
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Pas facile de lire Monsieur Teste, de comprendre ses mots au moment de l'endormissement. C'est compliqué un Monsieur Teste. Vous n'imaginez pas... Mais pour autant quel bonheur de vivre avec lui. On ne sait jamais ce qu'il va dire, ni s'il va dire quelque chose. On le voit plonger dans ses pensées, entrer dans son moi intérieur et on imagine toutes ces bulles de pensées s'entrechoquer ou s'élever vers ...un horizon qui ne m'est pas accessible. Parce qu'il est unique et seul. Il n'apprécie pas sa propre pensée d'après « l'expression de celle des autres ». Mais chez moi, « il y a une belle partie de l'âme qui peut jouir sans comprendre ». Ma vie est « nulle et utile ; la sienne, toute en habitudes et en absence. »

« Mais je vous avoue que rien ne m'attache plus à lui que cette incertitude de son humeur. Après tout, je suis bien heureuse de ne point trop le comprendre, de ne point deviner chaque jour, chaque nuit, chaque moment prochain de mon passage sur la terre. Mon âme a plus de soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, l'exaltent et la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain. »

Si vous rencontrez Monsieur Teste, ne faites pas le détour, foncez et lisez la Lettre de Madame Émilie Teste, des mots que je trouve si beaux.

Mais que dis-je ? ...je me laisse aller... « L'expression d'un sentiment est toujours absurde. »

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En parlant de Monsieur Teste, me revient à l'esprit une anecdote parmi tant d'autres. Ça se situe au niveau du cours d'étymologie, et ça nous permettra peut-être de comprendre l'évolution de l'espèce humaine.


En latin, deux mots se faisaient concurrence pour désigner la tête : « caput » et « testa ». Caput s'est spécialisé dans les éléments pleins et on le retrouve encore rescapé dans le mot « couvre-chef ». Testa s'est quant à lui dévoué pour désigner nos petites têtes sous le signe de la vacuité car, dans son sens latin, ce mot servait également à désigner les cruches vides que l'on n'emplit jamais sans finir par se retrouver avec un marais de moustiques écrasés et de crapauds copulants.


Pourquoi cette anecdote ? Peut-être parce que Monsieur Teste, sous ses abords de grand homme nietzschéen, s'embourbe en fait dans un complexe d'infériorité qui le rend pompeusement emmerdant.


Moi, je faisais pleinement confiance à Walter Benjamin et si j'en suis venue à lire ce Monsieur Teste, c'est parce que les quelques extraits que j'avais pu lire m'avaient semblé brillants. Je dois en fait le reconnaître : ils l'étaient surtout dans l'oeuvre de Benjamin car ils étaient entourés des commentaires de ce dernier. Walter Benjamin, en voilà un, au moins, qui ne se donne pas des airs de vouloir gagner le prix Nobel à chaque point-virgule.


Les points positifs que je soulignerais dans ce livre sont les suivants :
- Lecture rapide : peu de chapitres, pensée peu profonde malgré des tournures parfois empruntées, peu de surprises.
- Ne nécessite aucune mémoire et, partant, aucune méthode : je vous conseille même une lecture décousue et incohérente. C'est en butinant que l'on pourra éventuellement apprécier cette daube, plutôt que de se la farcir d'un coup comme une botte de poireaux.


J'ai beau me creuser la tête, je trouve pas d'autres raisons mais enfin, puisqu'elle est vide et que nos ancêtres ont décidé de la réduire à une cruche, ceci s'explique peut-être aisément.
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La préface de Paul Valery annonçant un personnage de fantaisie pousse à faire une lecture amusée et amusante de la soirée avec Monsieur Teste écrit quand son auteur était un tout jeune homme et bien longtemps avant qu'il n'atteigne les sommets de la réputation littéraire. Sous le titre Monsieur Teste sont regroupés plusieurs textes dont la soirée, formant le cycle Teste ainsi nommé par l'éditeur, écrits à différentes périodes. le contexte de création de la soirée avec Monsieur Teste semble baigner dans le parfum d'absolu mêlé d'impertinence dont raffole la jeunesse de l'époque. Et l'auteur de confier : "Teste fut engendré [...] pendant une ère d'ivresse de ma volonté et parmi d'étranges excès de conscience de soi". Plus loin encore : "tout ce qui m'était facile m'était indifférent et presque ennemi". C'est au jeune Valéry pénétré de ses propres potentialités que Teste renvoie avec plaisir dans les notes de la pléïade. À la fois son alter ego et une tentative, un "germe", "une chimère de la mythologie intellectuelle". La créature impossible au-delà de "quelques quarts d'heure" dans la vie réelle, et dont le modèle a pu (entre autres) être Degas.

Trois moments à cette soirée : le narrateur (pas mal non plus, voir pour un avant goût la quatrième de couverture) se dépeint puis parle de Teste qu'il n'a connu que la nuit, dont l'âge est approximatif. Des détails déroutants de leurs échanges lui font dire : "Je sentais qu'il était le maître de sa pensée", Ou encore : "M. Teste n'avait pas d'opinions". Plus loin on apprend qu'avec lui les mots perdent leur sens, prennent une valeur nouvelle, certains sont bannis. Ses facultés de mémoire dépassent tout. Mais... comment souffre-t-il, comment est il amoureux, a-t-il peur, autant de questions ? Vient ensuite le souvenir de la soirée au théâtre. le spectacle est dans la salle sur laquelle Teste reste concentré. L'assemblée se géom(aî)trise. Cube de la salle, cercles du rire. Masses des choses intimes. Ensembles d'hommes liés par des relations de maladie ou de vice. Lumière. Fin du spectacle.

En sortant, Teste déclare à son ami qu'il n'en a que faire du talent (p. 27) et l'invite chez lui à fumer un cigare. On découvre le "garni" de Teste : une chambre verdâtre qui sent la menthe. le mobilier est abstrait. le lieu quelconque. L'abandon nocturne saisit Teste qui continue a manier cependant la musique des chiffres. "Tout à coup, il se tut. Il souffrit." (p. 29). Teste se met au lit sous l'oeil de son ami. La géométrie de la souffrance lui apparaît. "Car souffrir c'est donner à quelque chose une attention suprême". Phrase superbe sortie de nulle part après laquelle Teste s'endort sur cette autre : " le sommeil continue n'importe quelle idée". La musique de son ronflement Clôt l'exercice. Que voulez-vous moi tout ça me détend, m'égaie, et je relis souvent la soirée avec Monsieur Teste pour ces excellentes raison.
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Valéry écrit La soirée avec Monsieur Teste « pendant l'octobre 93 ». Il a 22 ans. Il vient de rentrer à Montpellier après quelques mois à Paris où il a rencontré Louÿs et Mallarmé et fréquenté l'Opéra (« Une immense fille de cuivre nous séparait d'un groupe murmurant au-delà de l'éblouissement. Au fond de la vapeur brillait un morceau nu de femme, doux comme un caillou »).

Edmond Teste, c'est à dire lui-même, a la quarantaine — on ne peut pas être revenu de tout en sortant de l'adolescence. Il est fantomatique (« tout s'effaçait en lui, les yeux, les mains »), boursicoteur, vivant dans un petit garni : « Je n'ai jamais eu plus fortement l'impression du quelconque ». « Il mangeait comme on se purge, avec le même entrain ». Il n'a pas d'opinions. Il est l'esprit libre « qui fait tuer ses joies par ses joies, la plus faible par la plus forte, — la plus douce, la temporelle, celle de l'instant et de l'heure commencée, par la fondamentale — par l'espoir de la fondamentale ».

Valéry/Teste est dépressif. « Je me suis rarement perdu de vue ; je me suis détesté, je me suis adoré ; — puis nous avons vieilli ensemble. Souvent, j'ai supposé que tout était fini pour moi, et je me terminais de toutes mes forces ».
Teste/Valéry lui ouvre le temps, l'emploi du temps, la patience : « L'art délicat de la durée, le temps, sa distribution et son régime, — sa dépense à des choses bien choisies, pour les nourrir spécialement, — était une des grandes recherches de M. Teste ». Il n'y a pas de système Teste, plutôt une humeur, une prise de distance, la tentation d'une maitrise démentie par la porosité de l'intellect et du sentiment : « Et je sentais qu'il était le maître de sa pensée : j'écris là cette absurdité. L'expression d'un sentiment est toujours absurde. » le poète (qui a écrit La fileuse en 91) se révolte contre le solipsisme, la sécheresse de son modèle : « Pourtant, répondis-je, [sortant de l'Opéra] comment se soustraire à une musique si puissante ! Et pourquoi ? J'y trouve une ivresse particulière, dois-je la dédaigner ? J'y trouve l'illusion d'un travail immense, qui, tout à coup me deviendrait possible… Elle me donne des sensations abstraites, des figures délicieuses de tout ce que j'aime, — du changement, du mouvement, du mélange, du flux, de la transformation… Nierez-vous qu'il y ait des choses anesthésiques ? Des arbres qui saoulent, des hommes qui donnent de la force, des filles qui paralysent, des ciels qui coupent la parole ? ».

Valéry tue Teste symboliquement dans cette étrange et longue scène où son mentor l'invite chez lui, se déshabille, se met au lit et lui dévoile sa douleur physique et morale : « Il se dévêtit tranquillement. Son corps sec se baigna dans les draps et fit le mort. Ensuite il se tourna, et s'enfonça davantage dans le lit trop court » […] « Je n'attends que mon cri,… et dès que je l'ai entendu — l'objet, le terrible objet, devenant plus petit, et encore plus petit, se dérobe à ma vue intérieure… ». Quel objet ? Je pense à l'objet désagréable de Giacometti mais il est de 1931.

La suite de ces vingt pages est tardive, écrite en 1926 quand Valéry est devenu le poète officiel de la Troisième République. Rien d'aussi sincère et personnel que la Soirée, publiée 30 ans plus tôt. On y trouve la lettre de Madame Émilie Teste, bien surprenante car M Teste est célibataire et proche de sa fin dans la Soirée, bonne à lire comme exemple de l'emprise. On y trouve encore un bric-à-brac qui contient quelques pépites, certaines ajoutées post mortem dans l'édition Gallimard de 1946. Par exemple une brève mention de « ceux qui veulent me traduire en français », allusion au colonel Godchot qui publia en 1933 son « Essai de traduction en vers français du Cimetière marin de Paul Valéry ».
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"Vous savez quels noms ridicules échangent les amants : quelles appellations de chiens et de perruches sont les fruits naturels des intimités charnelles. Les paroles du cœur sont enfantines. Les voix de la chair sont élémentaires. M. Teste, d’ailleurs, pense que l’amour consiste à pouvoir être bêtes ensemble, — toute licence de niaiserie et de bestialité."
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Paris enferme et combine, et consomme ou consume la plupart des brillants infortunés que leurs destins ont appelés aux professions délirantes… Je nomme ainsi tous ces métiers dont le principal instrument est l’opinion que l’on a de soi-même, et dont la matière première est l’opinion que les autres ont de vous. Les personnes qui les exercent, vouées à une éternelle candidature, sont nécessairement toujours affligées d’un certain délire des grandeurs qu’un certain délire de la persécution traverse et tourmente sans répit. Chez ce peuple d’uniques règne la loi de faire ce que nul n’a jamais fait et que nul jamais ne fera. C’est du moins la loi des meilleurs, c’est-à-dire de ceux qui ont le cœur de vouloir nettement quelque chose d’absurde… Ils ne vivent que pour obtenir et rendre durable l’illusion d’être seuls, - car la supériorité n’est qu’une solitude située sur les limites actuelles d’une espèce. Ils fondent chacun son existence sur l’inexistence des autres, mais auxquels il faut arracher leur consentement qu’ils n’existent pas…
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Luttes, factions, triomphes, exécrations solennelles, exécutions, émeutes, tragédies autour du pouvoir !… Il n’était bruit dans cette République que de scandales, de fortunes foudroyantes ou foudroyées, de complots et d’attentats. Il y avait des plébiscites de chambre, des couronnements insignifiants, beaucoup d’assassinats par la parole. Je ne parle point des larcins. Tout ce peuple « intellectuel » était comme l’autre. On y trouvait des puritains, des spéculateurs, des prostitués, des croyants qui ressemblaient à des impies et des impies qui faisaient mine de croyants ; il y avait de faux simples et de vraies bêtes, et des autorités, et des anarchistes, et jusqu’à des bourreaux dont les glaives dégouttaient d’encre. […] Les plus ridicules étaient ceux qui se faisaient de leur chef les juges et les justiciers de la tribu. Ils ne paraissaient point se douter que nos jugements nous jugent, et que rien plus ingénument ne nous dévoile et n’expose nos faiblesses que l’attitude de prononcer sur le prochain.
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Nous allons, à la fin, où vous aimeriez d’aller si vous étiez ici, à cet antique jardin où tous les gens à pensées, à soucis et à monologues descendent vers le soir, comme l’eau va à la rivière, et se retrouvent nécessairement. Ce sont des savants, des amants, des vieillards, des désabusés et des prêtres ; tous les absents possibles, et de tous les genres. On dirait qu’ils recherchent leurs éloignements mutuels. Ils doivent aimer de se voir sans se connaître, et leurs amertumes séparées sont accoutumées à se rencontrer. L’un traîne sa maladie, l’autre est pressé par son angoisse ; ce sont des ombres qui se fuient ; mais il n’y a pas d’autre lieu pour y fuir les autres que celui-ci, où la même idée de la solitude attire invinciblement chacun de tous ces êtres absorbés. Nous serons tout à l’heure à cet endroit digne des mots. C’est une ruine botanique. Nous y serons un peu avant le crépuscule. Voyez-nous, marchant à petits pas, livrés au soleil, aux cyprès, aux cris d’oiseau. Le vent est froid au soleil, le ciel trop beau parfois me sert le cœur.
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La bêtise n’est pas mon fort. J’ai vu beaucoup d’individus, j’ai visité quelques nations, j’ai pris ma part d’entreprises diverses sans les aimer, j’ai mangé presque tous les jours, j’ai touché à des femmes. Je revois maintenant quelques centaines de visages, deux ou trois grands spectacles, et peut-être la substance de vingt livres. Je n’ai pas retenu le meilleur, ni le pire de ces choses: est resté ce qui l’a pu.
(incipit)
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Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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