Le Colosse anarchique

J'ai toujours du mal quand une oeuvre se base sur un fait faux présenté comme réel et s'appuyant sur une croyance réellement partagée: une partie de mon cerveau reste entrain de râler dans un coin au lieu de suivre l'histoire. [C'est le cas quand Sherlock Holmes s'appuie sur la phrénologie, dans Lucie (que je n'ai pas voulu voir à cause de ça) avec les 10% de cerveau utilisé, et ici avec l'effet Kirlian (c'est un effet de halo).]
L'idée de départ semblait toutefois assez originale.

Une fois dépassé ce soucis, il en restait plusieurs:
Peut-on vraiment qualifier la société présentée d'anarchique?
Le livre ne m'a pas fait l'effet d'être clair, c'était assez lourd, je me demandais où il voulait en venir.
J'avais l'impression que c'était une pub politique ratée ou le contraire.
En fait ce n'est pas l'anarchisme qui sauvera la Terre (4ème de couverture), mais le désir de révolution des extra-terrestres. J'ai trouvé l'idée de prendre l'humanité en modèle, alors que même l'auteur reconnait ce qu'il appelle notre "folie", assez étrange.

De plus, si la condition des hommes est réfléchie on ne peut pas en dire autant de celle des femmes. Les rares femmes mentionnées sont des objets de désir ou au service des hommes, on trouve encore la menace de viol alors que cela ne cadrerait même pas avec l'univers crée... Une absence de réflexion sur la question de la place des femmes assez lamentable vu la réflexion abordée.
L'auteur peut démonter tout un système politique de domination à un niveau mondial, mais pas le patriarcat: ni dans l'univers crée, ni dans son oeuvre où se succèdent des mâles, après des mâles et encore des héros mâles.

Dans l'ensemble j'ai trouvé le colosse anarchique assez bof, il y a mieux, il y a pire.

Un roman que j'ai lu il y a bien longtemps, et qui m'a laissé une impression assez étrange à l'époque. Sans être grandiose, ce roman m'a marqué, mais pas par ses qualités littéraires (ce n'est pas le point fort de van Vogt, à mon goût), plutôt par les hypothèses qu'il explore. En posant la question de la "transparence" publique de chacun, il me semble qu'il touche à un thème qui est parfaitement d'actualité.

Le colosse anarchique est un roman tardif, dans lequel Van Vogt revient sur au moins quatre thèmes qu'il avait exploré avec le fameux "Monde des non-A" : l'amélioration des individus, la complexité du cerveau humain, l'utopie anarchique, et la réaction d'une société à une menace immédiate. C'est surtout l'utopie qui m'a intéressée.

C'est avec ce livre que j'ai redécouvert le fameux "effet Kirlian", un étrange procédé photographique sur lequel j'avais lu un article dans ma prime jeunesse. Cet effet Kirlian c'est une étrange aura que l'on peut photographier sur n'importe quel conducteur électrique (et donc n'importe quel être vivant) exposé à un champ électrique alternatif suffisamment fort.
Fixé sur la pellicule, le sujet photographié est cerné par une aura lumineuse de quelques centimètres. Bien qu'expliquées par la théorie de la physique actuelle, les auras des photographies Kirlian ont des propriétés pour le moins troublantes : elles seraient variables en fonction des émotions ou du stress (pour les animaux), de l'état de santé (pour les animaux comme les plantes) ; et surtout elles auraient une sorte de mémoire, illustrée par les fameuses feuilles fantômes (une feuille coupée garderait brièvement une aura de feuille entière). Voilà qui est une porte idéale pour plonger dans la SF, juste à la charnière de la science et du rêve.

Un levier puissant, mais que Van Vogt utilise à contre pied, pour un drôle de dessein : la surveillance à tout crin. La société humaine qu'il décrit est à la fois une anarchie et une sorte de dictature qui s'appuie un système de contrôle public puissant, un maillage à la Big Brother de caméras à effet Kirlian installées sur des robots de maintien de l'ordre...
Avec ce dispositif, les émotions humaines seraient perceptibles, et auraient un effet mémoire. Un peu le nec plus ultra du flicage de la vie public : l'individu, ses intentions, son passé deviennent parfaitement transparents aux yeux des machines. Un rêve de ministre de l'intérieur, un cauchemar pour citoyen, que Van Vogt atténue par une sorte de bénévolence neutre des automates : c'est pour notre bien ...

En mêlant de manière cohérente anarchie et autoritarisme, il m'a plongé dans une perplexité qui dure encore.

Le colosse, c'est la terre. Anarchique car il n'y a plus de gouvernement. C'est la définition première de l'anarchie. Mais ce gouvernement est remplacé par des ordinateurs à chaque coin de rue, avec des algorithmes clairs qui doivent empêcher toute tentative d'agression, de manipulation, d'extorsion... en réagissant de manière graduelle aux comportements humains empiétant sur autrui.

On n'est pas loin de 1984, en fait. Déterminisme et société hyper policée, sous le couvert du libre-arbitre et de l'auto-détermination. Bien sûr, il est possible de tromper l'ordinateur Kirlian, et on en aura quelques exemples, en disant calmement et avec le sourire des choses horribles qui vont passer sous le radar des algorithmes.

Dès lors, pour un observateur extérieur, la terre semble une proie facile. Un terrain de jeu idéal pour un Slua-Ig, un noble Ig, dont le rôle (de caste) est de jouer à détruire d'autres planètes. En suivant un humain de retour sur terre, le Slua-Ig va mener à bien son plan, qu'il pense imparable...

La 4è de couverture nous dit que l'anarchie sauvera la terre, en se retournant contre l'envahisseur. C'est inexact et on peut se demander (comme souvent) si la personne qui rédige une 4è de couverture a bien lu (et compris) le roman. Au contact des humains, les subordonnées Ig trouvent les ordinateurs Kirlian très à leur goût pour pouvoir se débarrasser de l'autoritarisme des nobles Ig. Et c'est en se dotant d'ordinateurs Kirlian que la planète Ig renoncera à l'invasion terrestre.

Baser un roman de 260 pages sur une seule demi-trouvaille technologique, c'est léger. Cela se faisait dans les années 50 ou 60, mais ce roman date des années 70... de plus, Van Vogt a un style assez rébarbatif. Il nous fait suivre Chip (l'humain qui sert de taupe) et le Slua-Ig pendant 220 pages. Cela ne rime à rien. Et ce n'est que dans les 40 dernières pages que le lecteur apprend le mécanisme réel des ordinateurs Kirlian et le pot-aux-roses. Cela n'a pas de sens. Je faisais référence à 1984 plus haut. Dans ce roman, le héros est confronté au système. Ici, le système anarchique est au centre de tout et n'est jamais réellement mis en scène, alors qu'il est clairement le personnage central du roman.

Par ailleurs, je ne suis pas assez calé en philo, mais il y a un abus de langage à parler d'anarchie. On a plutôt une société hyper-rigide, où le libre-arbitre est un leurre. D'ailleurs, au moment fatidique, ce n'est pas Chip qui sauve la terre par ses propres décisions.

Décevant.

Van Vogt est un grand de la SF, mais là il se prend le doigt dans le transmuteur de particules...

Ce roman, assez pessimiste de van Vogt, pose la question de savoir quel degré de technicité serait nécessaire à l'homme pour maintenir un système d'anarchisme tout en sachant que sa nature, elle, ne tend pas à s'améliorer.
Car le pessimisme de l'auteur réside à penser que la conduite humaine est incorrigible dans son éternelle folie dangereuse.
Van Vogt extrapole, dans ce livre, un futur possible grâce à l'effet Kirlian, une invention faite en 1967 mais qui ne fut jamais exploitée car impossible sans une humidité saturée.
La terre est, ici, organisée grâce à un système d'ordinateurs "Kirlian" qui rend possible un mode de vie original et anarchique.
Mais la Terre doit affronter, soudain, une race d'extra-terrestres, qui joue à l'envahir. le grand joueur Slua-Ig a presque gagné la partie, ses vaisseaux spatiaux de combat menacent déjà notre planète.
Seul le cerveaux humain, complexe et anarchique, peut faire voler les règles du jeu en éclats et en modifier l'épilogue.
Ce roman de science-fiction, magnifiquement écrit, est un ouvrage intelligent et malin car il se place par la réflexion qu'il provoque à la frontière de plusieurs genres.

Oeuvre anarchique.

Des policiers-robots - système kirlian - contrôlant les actions humaines, un système politique dominant - l'anarchie - d'ailleurs en contradiction avec les robots-policiers qui le servent, une race extra-terrestre - Ig - destructrice de mondes dans le cadre de son plus grand plaisir du wargame, des vétérans post-pubères en charge de la destinée terrienne...: bon tout ça bien mélangé, donne un imbroglio insondable et indigeste!
Quant à l'écriture de plus, de nombreux passages sont tout simplement incompréhensibles !: une part sûrement à attribuer à une traduction faillible...