AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,02

sur 3321 notes
Fred Vargas, on l'adore ou on la déteste, c'est selon, mais force est de constater qu'elle est aujourd'hui devenue bien plus qu'une simple auteure de polars : elle est une auteure tout court, qui impose son style, qui suscite la dévotion et l'attente fébrile de ses fans à chaque annonce d'une nouvelle publication, qui est un sous-genre à elle toute seule.
Dès les premiers romans, elle met en place son univers personnel et fantasmé, habité par une galerie de personnages invariablement loufoques et horripilants, mais profondément attachants, évoluant avec une absence de rationalité revendiquée au sein d'enquêtes policières dont le réalisme n'a jamais été le critère prédominant.
Avec cette manière de faire, Fred Vargas prend des risques et entraîne ses lecteurs – presque malgré eux – dans des aventures littéraires au-delà du réel, plus fantasques que fantastiques, dont on accepte volontiers les codes, ce qui confirme un véritable et atypique talent d'écrivain. L'armée furieuse, neuvième enquête du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg n'échappe pas à cette règle.
On retrouve les habituels comparses de la série (Camille exceptée, mais Zerk, le fils de Jean-Baptiste et de Camille, a désormais pris la relève), Adamsberg, Danglard, Retancourt, Veyrenc… très à l'aise et installés dans leur rôle. le commissaire Adamsberg, plus pelleteur de nuages que jamais, mène deux enquêtes à la fois, qui finiront bien entendu par se rejoindre, la première à Paris, la seconde dans le Calvados. Dans les deux cas, il suit ses étranges intuitions et entraîne dans son sillage ses fidèles équipiers, qui lui font une confiance aveugle même, de façon étonnante, lorsqu'il s'agit d'emprunter des sentiers en dehors de toute légalité.
On retrouve les excentricités du commissaire et sa faculté d'observer les détails les plus insignifiants, pour y déceler les incohérences que lui seul peut interpréter, et qui à coup sûr le mèneront à l'identification du coupable.
On retrouve les détails qui tuent, totalement inutiles mais ô combien représentatifs et indispensables au style Vargas : le couple de rats amoureux, les vaches normandes immobiles dans le paysage, le pigeon neurasthénique… le bestiaire improbable de Fred Vargas impose sa présence obsédante et facétieuse dans l'univers des humains, qui ne sont pas en reste.
Car on y trouve également, comme à chaque fois, de nouveaux et invraisemblables personnages, un capitaine de gendarmerie descendant d'un maréchal d'Empire, un comte s'habillant comme un ouvrier agricole, une étrange fratrie de laissés-pour-compte aux pouvoirs quasi surnaturels, rappelant presque Cristal qui songe de Theodore Sturgeon : Lina, qui a révélé par ses visions le retour de l'Armée furieuse, et dont le charme insolite « irradie » littéralement en direction d'Adamsberg, son frère dévoreur d'insectes, son autre frère prononçant les mots à l'envers…
On y retrouve, bien sûr, les légendes ancestrales auxquelles tout le monde semble croire, après les loups-garous et les vampires des récits précédents, voici les spectres moyenâgeux de l'Armée furieuse du Seigneur Hellequin qui apparaissent dans les rêves du « passeur » et désignent de leurs doigts vengeurs leurs prochaines victimes.
Mais il y a plus.
Parallèlement à son aventure normande, Adamsberg enquête sur l'assassinat d'un notable parisien, brûlé vif dans sa voiture. On soupçonne Momo-mèche-courte, un petit délinquant de banlieue, pyromane à ses heures perdues, qui parvient à prendre la fuite dans des circonstances rocambolesques. Comment ne pas penser à l'assassinat d'Aldo Moro (retrouvé mort dans une automobile) ? Comment de pas établir un parallèle entre l'affaire Momo-mèche-courte et l'affaire Cesare Battisti ? Dans les deux cas, un désigné coupable en cavale, au passé accablant, fuyant la police « officielle », le premier ardemment défendu par Jean-Baptiste Adamsberg, le second ardemment défendu par Fred Vargas, qui signe dans le Monde le 13 novembre 2004 un article intitulé : « Et si Battisti était vraiment innocent ? »
Pour revenir au roman, résumons-nous et disons simplement que Vargas continue de faire du Vargas. Avec un risque, car les lecteurs les plus aguerris au style Vargas parviendront mieux, après plusieurs romans, à identifier les codes et décrypter les ressorts cachés de l'intrigue, et les plus perspicaces devineront donc assez rapidement qui sera le coupable. En ce qui me concerne, en appliquant la fameuse devise de Sherlock Holmes citée dans le signe des quatre (« Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité »), et en délaissant les perches un peu grossièrement tendues, je ne me suis pas trompé.
Commenter  J’apprécie          572
« C'est dans les interstices presque immobiles d'une enquête que se logent parfois les perles les plus rares. Comme les petits coquillages se glissent dans les fissures des rochers, loin de la houle de la haute mer. En tout cas, c'était là que lui les trouvait ».

Jean-Baptiste Adamsberg, le commissaire préféré de Fred Vargas, a encore frappé. C'est en Normandie qu'il nous emmène, cette fois, à Ordebec, un village perdu, où un certain sentier, le chemin De Bonneval, draine des fantômes malveillants. Et des morts, il y en a à la pelle. le tout agrémenté d'histoires de familles, d'héritiers, de relations filiales, y compris à Paris (car plusieurs histoires sont mêlées, même celle d'un pigeon dont on a lié les pattes).

C'est avec grand plaisir que j'ai lu ce polar spécial, moi qui n'en lis habituellement pas. La méthode du commissaire est très spéciale, elle fonctionne à coups d'intuitions et de sensations, d'idées incongrues qui fusent de manière tout à fait fortuite. Son équipe de choc l'accompagne, et son fils aussi, dont il a fait la connaissance deux mois avant (je suis incapable de vous en dire plus, je ne connais pas ce commissaire personnellement, n'ayant lu que peu de polars de Fred Vargas).

Tout cela est raconté avec beaucoup d'humour, de feintes, de jeux de mots, d'érudition bien placée, et de surnaturel...explicable.
Oui, c'est agréable, mais à certains moments, je me disais qu'elle en faisait un peu trop, Fred.
N'empêche, je me demande comment je réagirais devant ce type de commissaire, « en vrai ». D'abord, il faudrait que je le rencontre, sur un rocher peut-être ?
Commenter  J’apprécie          527
C'est en Normandie que nous suivons le commissaire Adamsberg qui est lui-même sur les traces de l'armée furieuse. Celle-ci fait partie des croyances populaires de Ordebec - région de Lisieux. L'objectif macabre de cette armée est de décimer quatre personnes dont le point commun est d'avoir quelque chose de grave à se reprocher.
Fidèle à ses habitudes le commissaire va se glisser dans les pas des habitants, les écouter, sympathiser avec certains du village pour humer l'ambiance générale.
Parmi les personnages qui viennent à la rencontre du commissaire il y a la mère Vendermot et ses quatre enfants. Leur héritage est lourd: le père très violent a été assassiné à la hache. L'aîné Hyppolite, qui a la particularité d'avoir inventé son propre idiome en inversant les lettres "roujnob" pour bonjour ou "drannoc" pour connard, est né avec six doigts à chaque main. Après avoir été la risée de ses camarades d'école la tendance s'est inversée et il a acquis la réputation d'un jeteur de sorts. Lina, la fille, a vu à plusieurs reprises l'armée furieuse du Seigneur Hellequin et a reconnu trois des quatre personnes « saisies ». L'avant-dernier passe pour un farfelu; il est passionné par les insectes qu'il cuisine et mange. le plus jeune est fragile car « fait d'argile »; bébé, son père l'a jeté dans les escaliers provoquant quatorze fractures. La mère, dans son coin, ne dit pas grand-chose, elle a dû forcer sa nature en allant à Paris confier ses craintes au commissaire.
On passe un moment aussi en compagnie de Léo l'octogénaire fantasque qui vit seule avec Flem son chien, avec un habile ostéopathe et avec les adjoints d'Adamsberg. Écoutez-le, il vous les présente:
- "Parmi mes hommes, capitaine, il y a un hypersomniaque qui s'écroule sans crier gare, un zoologue spécialiste des poissons, de rivière surtout, une boulimique qui disparaît pour faire ses provisions, un vieux héron versé dans les contes et légendes, un monstre de savoir collé au vin blanc, et le tout à l'avenant. Ils ne peuvent pas se permettre d'être très formalistes.
- Et ça travaille là-dedans ?
- Beaucoup".

Tout est réussi dans l'investigation de Fred Vargas: deux enquêtes qui se croisent, des morts violentes - meurtres ou suicides, un chien futé, du vieux calva millésimé et du porto premier prix, des taches de naissance, un pigeon aux pattes liées, un fils nouvellement arrivé dans la vie d'Adamsberg mais déjà capable de seconder son père. Des adjoints fiers et jaloux qui veulent la jouer perso. Un digne descendant de Napoléon qui entretient la légende et le décor de ses glorieux aïeux. Une solide Rétancourt qui fait office d'intendante pour les besoins de l'enquête.
Et un article de bric et de broc à l'image de la brigade dirigée par un pelleteur de nuages. Il y avait à l'origine quelques bémols mais je les ai oubliés, envolés avec le nom de l'assassin!


Commenter  J’apprécie          524
Depuis le temps que j'attendais un nouveau Fred Vargas, je n'ai pas eu la patience d'attendre sa sortie en poche. Ce que je fais souvent pour les polars. Et je ne suis pas déçue. C'est du très bon Vargas.
On retrouve dans ce roman le duo Adamsberg-Danglard, l'équipe du commissaire que l'on connait bien maintenant - une équipe de bras cassés, à première vue, où chacun a un don particulier, un 6e sens et une haute idée de l'esprit d'équipe – et une écriture intelligente et fine qui sert à merveille un récit aux couleurs moyenâgeuses, poétique et noir à la fois.
Fred Vargas n'a pas son pareil pour peindre des personnages hors du commun, ruraux, un peu rustres et si attachants pourtant. Si ce roman était un tableau, on verrait les personnages de Boch se promener sur les chemins de campagne de Courbet.
Dans une ambiance envoutante de superstition et de légendes, une série de petites anecdotes qui n'ont pas l'air d'avoir de lien entre elles, vont préoccuper le commissaire Adamsberg. Elles vont pourtant tisser la trame de l'intrigue. Et puis, il y a ces morts, inexpliquées, sans témoin, et qui terrorisent tout un village.
Et la magie opère. On se laisse prendre par la main, on éprouve de la tendresse pour l'un, on s'émeut avec l'autre, on suspecte un troisième… L'improbable devient probable, on entre dans son monde avec délectation et on s'y sent bien. Rien de sordide ou de glauque, rien d'outrancier, mais des personnages aux fêlures vraies, extravagants mais réels et un univers onirique qu'on a tôt fait d'adopter.
Un excellent moment de pur plaisir.
Commenter  J’apprécie          512
Lorsque j'ai lu le 1er tome des aventures de JB Adamsberg, je n'ai été conquise ni par l'enquête ni par le personnage. Mais j'ai adoré l'écriture ! Fred Vargas sait manier les mots, les faire chanter, les tourner et les retourner dans tous les sens. Je suis charmée.
Puis les tomes s'enchainant, l'auteure a su faire évoluer son personnage principal, en ajouter d'autres qui sont vraiment attachants, et travailler ses enquêtes jusqu'à en faire de petits bijoux ciselés.
Bref, j'ai encore passé un excellent moment de lecture et j'ai retrouvé avec plaisir Violette, toujours égale à elle même. Une déesse, comme dit Adamsberg. Et j'espère que Hellebaud rejoindra le chat dans ces belles aventures.
Commenter  J’apprécie          452
Pour voir passer l'armée furieuse il faut être un peu médium. C'est le cas de Lina, une jeune femme d'Ordebec, commune imaginaire de Normandie. L'armée furieuse c'est signe de malheur, car le principe est l'annonce de quatre morts violentes dont le nom de trois condamnés nommés et le quatrième non. Evidemment cela déclenche l'hostilité et d'abord pour le devin du fait du nom manquant. Il paraît qu'au 18ème siècle le devin à subi la folie de la populace qui l'a occis.

Adamsberg avec sa curiosité habituelle s'y colle accompagné du fameux Danglard, l'homme qui sait tout et qui nous fait penser à Prévert :
"Papa a la grosse tête
Papa nous fait marrer
Il a réponse à tout
Il est plus fort que je sais tout"
Ce qui, soit dit en passant lasse à force...
On piétine, on piétine, jusqu'à ce que l'éclaircie arrive.
Bref, avec cette chère Fred Vargas et c'est notamment le cas ici, tout part de tous les côtés, l'armée furieuse, l'assassinat d'un capitaine d'industrie dans sa voiture, un pigeon à qui on lié les pattes pour l'empêcher de marcher et donc de se nourrir et une course poursuite entre la police et le fils (c'est nouveau) du commissaire soi-même.
Le lecteur, moi, ne sait plus où donner de la tête à en avoir mal (à la tête).
A mon avis c'est l'éditeur qui doit exiger un nombre de pages minimum. Enfin je n'exagère pas tellement, c'est effectivement fouillis avec, soyons juste, des personnages hauts en couleurs, notamment la vieille Léo et son chien Flem, la campagne normande, sa gastronomie, la Touques, fleuve côtier se jetant dans la mer à Trouville et quelques retournements de situation dus aux visions d'Adamsberg.
Qu'écrire de plus sinon que je n'ai pas eu mon compte avec ce polar, que j'y m'y suis ennuyé dans certains passages et pourtant je ne m'ennuie jamais en Normandie.
Quant à l'écriture, c'est du Vargas...!
Ce qui m'amènera sans doute à réfléchir avant de lire à nouveau cette auteure!

Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          402
Je me suis de nouveau essayée à côtoyer Adamsberg. La chimie ne s'est pas révélée. Nous suivons Adamsberg en Normandie où, apparemment, une armée fantomatique se charge de faire justice et où un pigeon, maltraité à Paris, sera en convalescence. Je crois qu'il y a véritablement quelque chose dans le caractère des personnages de Vargas qui m'énerve. Est-ce les absences et les intuitions du commissaire? L'érudition ou la culture encyclopédique du commandant? La stature ou corpulence du lieutenant ? Ou encore celle qui mange tout le temps ou l'autre qui dort partout ? Je ne sais pas. Ce que je sais c'est que j'ai beau essayer , ce deuxième degré ou cette fantaisie ne me touche pas . Pourtant...
Commenter  J’apprécie          365
Un polar d'humour et de superstitions françaises.

J'aime bien découvrir les légendes et les superstitions d'autrefois, même si elles sont parfois sanglantes et peuvent avoir des conséquences néfastes pour des personnes innocentes. Aujourd'hui, on qualifie ces histoires de « fantastiques », on les classe, comme les contes, dans un genre littéraire mineur, mais ces légendes ont longtemps eu une valeur de croyances religieuses et ont ainsi joué un rôle important dans la vie des gens. Je trouve fascinante la complexité et la richesse de cet imaginaire traditionnel et j'ai bien apprécié que le commissaire Adamsberg croise la route de la Mesnie Hellequin.

J'aime aussi l'humour de Vargas. Elle crée des personnages loufoques, tellement improbables, et les place dans des situations pour le moins incongrues, comme pour ce pigeon blessé par un voyou qui est adopté par l'équipe de policiers. On confiera même à l'expertise scientifique la corde qui liait les pattes du pauvre volatile. (Pour ma part, je crois qu'on ne doit pas faire souffrir inutilement les animaux, mais dans un tel cas, l'euthanasie m'aurait semblé tout à fait appropriée, surtout compte tenu de l'ampleur des dégâts causés par ces détestables oiseaux.)

Un bon polar et une agréable lecture si on accepte de laisser une grande place à l'imaginaire et au farfelu.
Commenter  J’apprécie          363
Une vieille dame étouffée à la mie de pain, un vieillard richissime calciné dans sa Mercédès, un petit voyou flambeur de voitures coupable idéal, un pigeon torturé, une paysanne normande montée à Paris pour voir Adamsberg… Ce dernier qui vient tout juste d'être père d'un fils de 28 ans, a fort à faire. Surtout que le voilà aux prises avec une armée furieuse venue d'un autre temps et d'autres lieux pour annoncer des morts…celles-là bien réelles.

Et le voilà reparti en Normandie, où le soleil d'été s'est fait caniculaire, et le calva bienvenu pour affronter avec son équipe une enquête à hauts risques qui va révéler bien des secrets et non-dits entre fermes et manoirs au pays des pommiers, des chasseurs de sangliers et des vaches immobiles…

Encore une fois Fred nous régale, pas seulement de calvados, de poularde et de fruits de mer, mais de ces savoureux dialogues dont elle a le secret, de ses personnages tous un peu déjantés, et de ses connaissances…encyclopédiques. Un délice.
Commenter  J’apprécie          330
L'univers de Fred Vargas

On ne lit pas un roman de Fred Vargas, on le vit. Attaquer un "Vargas", c'est ouvrir une porte sur un monde à part, un autre univers qui nous propulse gracieusement - mais avec force - dans une ambiance décalée. L'auteur, munie de sa plume aérienne, débordante d'ironie, d'humour pertinent et subtil, plonge le lecteur dans un polar digne d'un conte, un récit peuplé de légendes et de mythes. Un polar atypique avec des personnages totalement atypiques aussi et puissants au niveau de leurs dimensions et de leurs intensités. Fred Vargas nous donne une bonne leçon sur les rapports humains!

Ouvrir un livre de Fred Vargas, c'est faire connaissance avec des personnages remarquablement vivants, attachants et relativement énigmatiques pour certains. le lecteur restera fasciné et séduit par une telle réussite, à savoir apporter une réelle épaisseur, une âme considérable aux protagonistes d'un roman. Fred Vargas, avec ce côté caustique, vif et dégagé, est totalement parvenue à accomplir ce tour de force.

La qualité, la fantaisie et le style des dialogues sont une vraie marque de savoir-faire dans les oeuvres de Fred Vargas. le lecteur ne peut que se retrouver agrippé, emporté et immergé dans l'histoire avec de tels échanges. Toute l'intensité des personnages se retrouve là, lors de ces remarquables conversations perçantes, adroites, incisives et magiques; un défi qui n'est, j'imagine, pas facile à réaliser. Mais Fred Vargas semble très à l'aise pour faire parler ses héros, avec habilité, légèreté et beaucoup d'esprit. L'auteur soigne le dialogue, semble y attacher une importance majeure et offre au lecteur un rendu débordant de finesse et de sagacité. Je pense que l'auteur serait capable d'écrire un roman uniquement composé de dialogues, tout en gardant le lecteur scotché du début à la fin.

Les enquêtes menées par le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg sont un réel régal, un menu complet composé d'intrigues bien ficelées, astucieuses et délurées, aussi dégantées que les personnages qui y évoluent. Beaucoup de morts, de morts violentes bien évidemment - c'est un polar! - mais paradoxalement jamais de douleurs, de deuil ou de souffrance.

Les victimes sont souvent des personnes seules ou sans vraiment d'attaches - je dis "souvent" mais je crois bien que c'est même toujours le cas - et du coup l'auteur arrive à céder au lecteur une histoire avec des faits violents et brutaux, tout en le ménageant d'un point de vue émotionnel. Et il ne faut pas me faire croire que c'est un hasard; bien trop brillant pour être une coïncidence. C'est une sensibilité appréciable de la part de l'auteur, un détail respectable et honorable.

L'évolution de l'intrigue est ponctuée de rebondissements et de contrecoups - autant que dans le cerveau d'Adamsberg d'ailleurs - mais aussi marquée de rencontres atypiques, surprenantes et émouvantes, comme ces fameux trois historiens surnommés "Les Évangélistes", trois personnages puissamment forts en caractère, totalement inclassables, et qu'il faut absolument accoster un jour en ouvrant un Vargas. L'enquête en elle-même se tient bien et suit une logique implacable. Donc pas de place au hasard! Fred Vargas nous achève enfin avec un dénouement souvent bluffant, totalement inattendu et imprévisible. Et c'est souvent à ce moment-là que nous nous rendons compte de l'ingéniosité ahurissante du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg.

Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg... C'est tout une histoire à lui seul! Personnage infiniment humain, simple et complexe à la fois. Il aime tout ce qui l'entoure, il le respecte, l'emmagasine et le vie pleinement. Cet homme s'accroche férocement et parfois même sans le savoir aux détails anodins que personne ne voit et qui échappe à un cerveau ordinaire. Oui car Adamsberg n'est pas ordinaire. C'est un flic qui fonctionne au feeling, sans vraiment de méthodes, qui suit ses intuitions déraisonnées et extravagantes qui le mène toujours - étonnement! - sur la bonne piste. Car Adamsberg observe, explore, se perd, se retrouve, se perd encore pour finalement aboutir. Sa contemplation et son errance le pousse parfois à s'enfermer dans sa bulle pour ne plus y ressortir. du moins, pas avant d'avoir mis de l'ordre dans son cerveau encombré, chaotique et embouteillé. Mais notre homme arrive toujours à démêler les ficelles qui engorgent son esprit, petits bouts par petits bouts, consciencieusement. Car Adamsberg est lent. Efficace mais lent, et ça énerve tout le monde.

Doté d'une grande sensibilité, Jean-Baptiste Adamsberg est aussi une personne qui apprécie les gens, qui prend le temps de les comprendre - de les aimer? - et surtout de les cerner. Allant peut-être même parfois jusqu'à se mettre à leur place. Car pour comprendre les gens il faut inévitablement les connaître, détecter leurs défauts, leurs qualités, comprendre leurs motivations, deviner leurs secrets; et là notre flic excelle et le démontre brillamment. Toujours avec calme et sérénité, bien entendu, car Adamsberg n'avance pas vite, et oui. Pour cet homme, le comportement, l'expression et l'attitude des suspects ne sont pas un élément, mais tout simplement une preuve.

"S'il y avait une chose que Danglard réprouvait plus que tout chez Adamsberg, c'était cette façon de considérer ses sensations comme des faits avérés. Adamsberg rétorquait que les sensations étaient des faits, des éléments matériels qui avaient autant de valeur qu'une analyse de laboratoire. Que le cerveau était le plus gigantesque des labos, parfaitement capable de sérier et d'analyser les données reçues, comme par exemple un regard, et d'en extraire des résultats quasi certains. Cette fausse logique insupportait Danglard."

Adamsberg - je vous l'ai dit - est très respectueux, mais semble avoir du mal à se plier aux directives, aux ordres ou même aux lois. Ses intuitions et ses méthodes ne lui permettent pas de suivre les chemins préfabriqués qu'il serait peut-être censé emprunter. Ce qui compte, c'est de savoir ce qui s'est passé, pourquoi, comment et par qui. le reste suivra son cours... A se demander finalement si c'est vraiment le flic qui choisi sa route ou si c'est elle-même qui se place sous ses pieds, guidée par l'instinct de celui qui y déambule.

Mais les faits et gestes du commissaire ne sont pas cautionnés par tous le monde, par-exemple par son adjoint Adrien Danglard. Très complémentaire, cet homme marié et père de cinq enfants est quant à lui très méthodique et doté d'un savoir immense. Toujours là pour tenter de raisonner Adamsberg, mais cela reste incessamment qu'une tentative qui se heurte contre la fermeté de son chef. Danglard, c'est aussi celui qui cherche constamment des planques dans le commissariat pour... ses bouteilles de blancs.

Il y a aussi Violette Retancourt, celle qui sait tout faire et qui est toujours là quand il faut. Énormément appréciée par Jean-Baptiste Adamsberg, cette femme d'une corpulence hors-norme garde pas mal d'atouts en main. Nous évoluons aussi aux côtés de bien d'autres personnages, tous d'une épaisseur remarquable, dotés d'un caractère bien spécifique, soit des gens du cru!

"L'armée furieuse"

Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg reçoit un jour la visite d'une femme venant tout droit d'un petit village appelé Ordebec, en Normandie. Cette femme visiblement effrayée et peu bavarde a fait le déplacement jusqu'à Paris uniquement pour parler à Adamsberg, et rien qu'à lui. Visiblement, elle ne fait pas confiance à la police de sa région. Mais pourquoi? Voilà la question qui taraude notre commissaire, intrigué face à cette petite personne qui en dit juste assez pour l'intéresser mais bien trop peu pour y comprendre quelque chose. Cette dame semble avoir très peur de parler.

Finalement, un peu rassurée, elle lui explique tout. Mais pour Adamsberg cela n'a aucun sens. Valentine Vendermot lui raconte qu'un homme, Herbier - c'est son nom -, a disparu depuis quelques temps. Plus personne ne l'a vu dans le village. Un homme mauvais, un sale type. Mais alors pourquoi s'en faire? Valentine lui explique alors qu'une nuit, sa fille Lina a vu passer L'Armée Furieuse sur le chemin De Bonneval. Herbier y était aussi, il criait, accompagné de trois autres hommes. L'Armée Furieuse... le commissaire se demande bien ce que cela peut-être. Il se renseigne auprès de Danglard, son adjoint qui sait tout sur tout.

Il lui apprend alors que L'Armée Furieuse, ou "La Mesnie Hellequin" est une troupe maléfique, des chevaliers, qui saisissent des criminelles impunis qui supplient pour qu'une bonne âme répare leurs forfaits immondes pour être sauvés du tourment. Mais le problème est le suivant et il est de taille pour Adamsberg. Il s'agit d'une légende datant du 11ème siècle et les chevaliers en question sont des morts! Mais Lina, la fille de Valentine Vendermot, les a vus emporter Herbier et trois autres hommes du village. Selon elle, Herbier est mort, ou va mourir bientôt, et les autres hommes aussi. C'est L'Armée Furieuse qui veut ça, on ne peut rien contre elle.

Adamsberg, suivant son instinct et son intuition légendaire, va tout de même décider de se rendre dans ce petit village de Normandie, juste pour voir, juste pour se faire une idée... C'est en se promenant sur le chemin De Bonneval qu'il va faire une rencontre intéressante, bouleversante, et c'est surtout à ce moment qu'il va apprendre la mort violente d'Herbier. L'Armée Furieuse? Non.. Quoi que... Une grande aventure semée de morts, de psychoses et de peurs, sur un fond de légendes normande, va débuter pour Adamsberg et son équipe. le commissaire va tenter de faire la lumière sur ces assassinats surprenants, barbares, qui affolent les villageois d'Ordebec, très imprégnés par cette fameuse légende qui refait surface après tant d'années.

Jean-Baptiste Adamsberg sera également occupé sur une autre affaire, à Paris. Une enquête délicate qui suscite l'intérêt des hautes sphères par sa sensibilité. Un homme respecté, puissant et influent dans le domaine économique a été découvert brûlé dans sa voiture. Un acte criminel, cela ne fait aucun doute. Un jeune délinquant, pyromane à ses heures perdues, est rapidement soupçonné et arrêté. Jean-Baptiste Adamsberg, qui connaît bien ce gamin, n'y crois pas et va utiliser ses méthodes peu orthodoxes pour le prouver. Une mise en scène des plus subtiles mais terriblement risquée! C'est le prix de la vérité.

Sans oublier ce fameux pigeon - un vrai, l'oiseau - condamné à mort, qui est retrouvé devant le commissariat, avec les pattes attachées par de la ficelle. Bien entendu, Adamsberg va également s'en occuper, avec autant d'énergie que s'il s'agissait d'un crime commis sur une personne. Car Adamsberg, il aime les gens, mais pas lorsqu'ils commettent des cruautés!

Méfiez-vous de l'Armée Furieuse qui risque de passer une nuit sur le chemin qui passe près de chez vous, surtout si vous avez commis des crimes odieux, impunis jusqu'à ce jour... Bonne lecture.
Lien : http://passion-romans.over-b..
Commenter  J’apprécie          320




Lecteurs (11606) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Armée furieuse, de Fred Vargas

Quel est le nom de la légende à laquelle Fred Vargas fait référence dans l'Armée furieuse ?

La Manie Hennequin
La Mesnie Hellequin
La Vénie Herrequin
La Verrie Herrequin

12 questions
334 lecteurs ont répondu
Thème : L'armée furieuse de Fred VargasCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..