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Critique de Eric75


Eric75
08 septembre 2013
Fred Vargas, on l'adore ou on la déteste, c'est selon, mais force est de constater qu'elle est aujourd'hui devenue bien plus qu'une simple auteure de polars : elle est une auteure tout court, qui impose son style, qui suscite la dévotion et l'attente fébrile de ses fans à chaque annonce d'une nouvelle publication, qui est un sous-genre à elle toute seule.
Dès les premiers romans, elle met en place son univers personnel et fantasmé, habité par une galerie de personnages invariablement loufoques et horripilants, mais profondément attachants, évoluant avec une absence de rationalité revendiquée au sein d'enquêtes policières dont le réalisme n'a jamais été le critère prédominant.
Avec cette manière de faire, Fred Vargas prend des risques et entraîne ses lecteurs – presque malgré eux – dans des aventures littéraires au-delà du réel, plus fantasques que fantastiques, dont on accepte volontiers les codes, ce qui confirme un véritable et atypique talent d'écrivain. L'armée furieuse, neuvième enquête du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg n'échappe pas à cette règle.
On retrouve les habituels comparses de la série (Camille exceptée, mais Zerk, le fils de Jean-Baptiste et de Camille, a désormais pris la relève), Adamsberg, Danglard, Retancourt, Veyrenc… très à l'aise et installés dans leur rôle. le commissaire Adamsberg, plus pelleteur de nuages que jamais, mène deux enquêtes à la fois, qui finiront bien entendu par se rejoindre, la première à Paris, la seconde dans le Calvados. Dans les deux cas, il suit ses étranges intuitions et entraîne dans son sillage ses fidèles équipiers, qui lui font une confiance aveugle même, de façon étonnante, lorsqu'il s'agit d'emprunter des sentiers en dehors de toute légalité.
On retrouve les excentricités du commissaire et sa faculté d'observer les détails les plus insignifiants, pour y déceler les incohérences que lui seul peut interpréter, et qui à coup sûr le mèneront à l'identification du coupable.
On retrouve les détails qui tuent, totalement inutiles mais ô combien représentatifs et indispensables au style Vargas : le couple de rats amoureux, les vaches normandes immobiles dans le paysage, le pigeon neurasthénique… le bestiaire improbable de Fred Vargas impose sa présence obsédante et facétieuse dans l'univers des humains, qui ne sont pas en reste.
Car on y trouve également, comme à chaque fois, de nouveaux et invraisemblables personnages, un capitaine de gendarmerie descendant d'un maréchal d'Empire, un comte s'habillant comme un ouvrier agricole, une étrange fratrie de laissés-pour-compte aux pouvoirs quasi surnaturels, rappelant presque Cristal qui songe de Theodore Sturgeon : Lina, qui a révélé par ses visions le retour de l'Armée furieuse, et dont le charme insolite « irradie » littéralement en direction d'Adamsberg, son frère dévoreur d'insectes, son autre frère prononçant les mots à l'envers…
On y retrouve, bien sûr, les légendes ancestrales auxquelles tout le monde semble croire, après les loups-garous et les vampires des récits précédents, voici les spectres moyenâgeux de l'Armée furieuse du Seigneur Hellequin qui apparaissent dans les rêves du « passeur » et désignent de leurs doigts vengeurs leurs prochaines victimes.
Mais il y a plus.
Parallèlement à son aventure normande, Adamsberg enquête sur l'assassinat d'un notable parisien, brûlé vif dans sa voiture. On soupçonne Momo-mèche-courte, un petit délinquant de banlieue, pyromane à ses heures perdues, qui parvient à prendre la fuite dans des circonstances rocambolesques. Comment ne pas penser à l'assassinat d'Aldo Moro (retrouvé mort dans une automobile) ? Comment de pas établir un parallèle entre l'affaire Momo-mèche-courte et l'affaire Cesare Battisti ? Dans les deux cas, un désigné coupable en cavale, au passé accablant, fuyant la police « officielle », le premier ardemment défendu par Jean-Baptiste Adamsberg, le second ardemment défendu par Fred Vargas, qui signe dans le Monde le 13 novembre 2004 un article intitulé : « Et si Battisti était vraiment innocent ? »
Pour revenir au roman, résumons-nous et disons simplement que Vargas continue de faire du Vargas. Avec un risque, car les lecteurs les plus aguerris au style Vargas parviendront mieux, après plusieurs romans, à identifier les codes et décrypter les ressorts cachés de l'intrigue, et les plus perspicaces devineront donc assez rapidement qui sera le coupable. En ce qui me concerne, en appliquant la fameuse devise de Sherlock Holmes citée dans le signe des quatre (« Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité »), et en délaissant les perches un peu grossièrement tendues, je ne me suis pas trompé.
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