Ecrit avec une bonne dose d'humanité mais certaines années sont néanmoins passées sous silence.
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Hippocrate disait du médecin qu’il ne soigne pas la maladie, mais le malade. De même, l’avocat ne défend pas le crime, mais celui qui l’a commis. Bien compris, notre métier consiste à éclairer le chemin tortueux qui a conduit un tel homme à commettre l’irréparable. Ce faisant, nous ne l’aidons pas seulement à déchiffrer le mystère de son geste, nous aidons aussi la société en l’incitant à prendre dans le futur les dispositions nécessaires pour que d’autres ne soient pas tentés d’en faire autant.
Soyez ma voix ! Allez témoigner parmi les vivants, allez leur dire notre triste condition, criez-leur au besoin, à tous, aux puritains sans reproche, aux pharisiens bornés, aux réalistes borgnes ! Oui, adressez-vous à eux, à leur vertu hypocrite qui se voile pudiquement la face, se pare de bonne conscience et s’acharne à ne rien comprendre. Êtres de pierre qui ne savent ni sentir ni pleurer ni réparer ni pardonner, n’ayant ni joie ni bonté ni humanité. C’est seulement en témoignant que l’on parviendra un jour à faire cesser les crimes silencieux qui se commettent derrière ces murs et accroissent le malheur du monde.
Rien de plus pathétique, en effet, que ces hommes et ces femmes abandonnés, se battant dans l’indifférence pour sauver ce qui leur reste d’honneur et de dignité. Rien, ni l’amour, ni la guerre, ne nous met en demeure avec autant de force de dire qui nous sommes.
Qui que nous soyons, nous portons tous un masque, celui du personnage que nous aspirons à être.
Défendre n’est pas excuser ; défendre, fondamentalement, c’est comprendre ; remonter la chaîne des causes et des effets qui a conduit un homme, en tous points semblable à nous, à perpétrer un acte que nous avocats sommes (dans la plupart des cas) les premiers à réprouver.
Le cœur humain est pareil à la terre : théâtre d’ombre et de lumière, il y fait jour et nuit en même temps.
Interview de Roschdy Zem, pour son film "Omar m'a tuer" (2011), d'après le fait divers et le livre de Jacques Vergès.