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Jacques Borel (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070320530
192 pages
Gallimard (17/05/1973)
4.1/5   691 notes
Résumé :
" J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser. "

Verlaine
Que lire après Fêtes galantes - Romances sans paroles (précédé de) Poèmes saturniensVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Il s’agit là d’une nouvelle expérience poétique pour Verlaine. Le titre annonce le ton. "Fêtes", joie et allégresse ; "galantes", badinages et cajoleries. De la poésie qui nous rappelle les amours des bergères et des bergers, naïves, folâtres et sincères. De plus, les "Fêtes galantes" sont inspirées des tableaux de Watteau et de ce genre de peinture qui naît de son initiative. Cette œuvre nous rappelle ce lien étroit entre la poésie et la peinture, cette alchimie qui a existé entre Baudelaire et Delacroix ou entre Valéry et De Vinci.

Tout cela est gai de prime abord. Or, ce n’est pas vrai. Lorsqu’on lit ces "Fêtes galantes", on ressent un goût de la mort, du malheur derrière tout cela :

Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
(…)
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,

Ou

Là ! Je me tue à vos genoux !
Car ma détresse est infinie,

Verlaine, en véritable autocritique, a souvent livré des éclaircissements de ses œuvres dans des recueils ultérieurs comme dans une œuvre posthume intitulée "Varia". On y trouve ce poème qui représente cette tristesse intrinsèque déguisée d’une joie éphémère, lunaire (permettez que je l’introduise dans son intégralité) :
En 17...
Le parc rit de rayons tamisés,
De baisers, d'éclats de voix de femmes...
L'air sent bon, il est tout feux tout flammes
Et les cœurs, aussi, vont embrasés.

Une flûte au loin sonne la charge
Des amours altières et frivoles,
Des amours sincères et des folles,
Et de l'Amour multiforme et large.

Décor charmant, peuple aimable et fier ;
Tout n'est là que jeunesse et que joie,
On perçoit des frôlements de soie,
On entend des croisements de fer.

Maintes guitares bourdonnent, guêpes
Du désir élégant et farouche :
- « Beau masque, on sait tes yeux et ta bouche. »
Des mots lents flottent comme des crêpes.

Pourtant, c'est trop beau, pour dire franc...
Un pressentiment fait comme une ombre
À ce tableau d'extases sans nombre,
Et du noir rampe au nuage blanc !

Ô l'incroyable mélancolie
Tombant soudain sur la noble fête !
De l'orage ? ô non, c'est la tempête !
L'ennui, le souci ? — C'est la folie !


Verlaine avait vécu un drame en 1867, à l’époque où il écrit "Fêtes galantes". Son grand amour de jeunesse, sa protectrice qui l’a aidé à publier "Les Poèmes saturniens", sa cousine Élisa Moncomble est morte. Et ainsi l'incroyable mélancolie tomb[e] soudain sur la noble fête. Cette fête et ces masques sont des paradis artificiels pour ce pauvre Lélian au cœur déchiré.

Par ailleurs, la composition de ces poèmes ressemble à la création des fêtes galantes de Watteau. On sait que la représentation des scènes de la vie quotidienne et partant, de scènes de fêtes champêtres et de jeux empruntés à la commedia dell’arte était considérée par l’Académie royale de peinture et de sculpture comme inférieure à la représentation de scènes mythiques et historiques. Watteau a essayé de marier fêtes champêtres et cadres mythiques. Pour Verlaine, le sujet des fêtes galantes (déjà présent chez des poètes comme Hugo ou Banville mais aussi Gautier, dans certains de leurs poèmes) est exploité d’une manière originale -on y voit souvent le chef-d’œuvre de Verlaine- avec musicalité et préciosité, dans un style souple (des vers courts, de petites strophes). Verlaine lui consacre tout un recueil et le mène à la perfection. En pleine possession de ses outils de poète, il a su varier les rythmes et le vocabulaire et teinter l’atmosphère du recueil d’une mélancolie douçâtre qui nous amuse, nous emmène, nous touche.
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Lorsque j'ai passé mon bac de français, il y a pas mal de temps, nous avions une liste imposée par notre professeur de français avec laquelle j'entretenais des rapports assez conflictuels (je n'étais pas facile, elle non plus...) et elle nous laissa la latitude d'ajouter deux ou trois oeuvres de notre cru. Je choisis "Fêtes galantes" de Paul Verlaine, ce qui ne manqua pas d'attirer une remarque ironique de sa part. le jour de l'oral, l'examinateur me proposa de choisir le texte que je désirais. Me voilà partie à disserter sur Verlaine, Debussy, Ravel, la correspondance des arts, la musique, la poésie... Je ne sais si c'est mon enthousiasme brouillon ou la pertinence de ce que j'ai dit qui m'a valu la meilleure note de toute mon année scolaire... et l'étonnement sceptique de mon professeur l'année suivante.
"Fêtes galantes", au-delà de l'anecdote scolaire, est une musique impaire, nostalgique et précieuse, raffinée, qui fredonne aujourd'hui encore à ma mémoire. Une poésie passeport pour la liberté, la beauté, une déclaration d'amour à la langue française.
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N° 1459- Avril 2020.

Fêtes galantes. Paul Verlaine.

C'est le deuxième recueil officiel de Verlaine (1844-1896) publié en 1869 chez Lemerre à compte d'auteur. Il y aura trois autres rééditions chez Vanier en 1886, 1891 et 1896. Il n'a rencontré que peu d'écho dans le public comme beaucoup de ses écrits, à sa publication initiale, même si dans les dernières années de sa vie, cet ouvrages sera considéré comme son meilleur et que Claude Debussy mettra en musique certains textes. Il fait suite aux « Poèmes saturniens » datés de 1866, déjà empreints de mélancolie et de malheur et à une autre plaquette « Les amies » publiée en 1867 sous le pseudonyme de Pablo-Maria de Herňales et qui traite des amours saphiques. L'ambiance générale de cet ouvrage fait un peu illusion. Elle est légère, raffinée, inspirée par les toiles de Watteau qui font l'objet une exposition au Louvre, et qui sont à la mode à cette époque dans la bonne société. Les scènes sont bucoliques ou galantes et insouciantes comme dans une Cour royale où l'ont pratique le badinage amoureux. Apparemment Verlaine, en voulant ici évoquer le XVIII° siècle, a souhaité accompagner l'engouement général du public pour cette période et la Cour impériale avait presque officiellement consacré ce style. D'autres poètes contemporains ont d'ailleurs fait de même, mettant à l'honneur la poésie et la comédie italiennes.
L'ambiance générale du recueil est légère. Ce sont vingt-deux poèmes à la métrique variée et rapide avec des strophes courtes, écrits dans une langue simple et qui évoquent la futilité et la désinvolture des scènes. Certains personnages, Colombine, Pierrot et Arlequin(« Pantomime », « Colombine »), rappellent la Commedia dell'arte et dans ce contexte des plaisirs amoureux, les hommes et les femmes jouent le jeu de la séduction, qui n'est qu'un jeu frivole et même sensuel, puis passent à autre chose avec silence, oubli et inconstance comme dans le théâtre de Marivaux. C'est un univers précieux et superficiel où l'on rencontre un abbé galant, un marquis à la perruque de travers, des femmes déguisées en bergères (« Sur l'herbe »). Verlaine évoque même quelques souvenirs personnels (« En bateau »), c'est ainsi que « Lettre » semble s'adresser à Mme de Villard en des termes convenus et quelque peu artificiellement précieux. L'ambiance est insouciante ainsi qu'il convient à cette société, même si, à bien y regarder, il y a une sorte d'impression de l'échec amoureux (« l'amour par terre »), de la mélancolie derrière un masque rieur(« Claire de lune ») et il est difficile de ne pas voir l'émotion à peine voilée de Verlaine qui évoque Élisa et leur funeste destin commun (« A Clymène », « Colloque sentimental ») et son obsession de la mort. Il semble avoir voulu exorciser son désespoir dans le souvenir confié l'écriture poétique (« Dans la grotte »).
C'est un recueil d'inspiration parnassienne, c'est à dire rejetant le lyrisme sentimental du romantisme, privilégiant l'impersonnalité par le refus du « je », mettant en exergue la théorie de « l'art pour l'art », refusant le présent et l'engagement politique pour se réfugier dans le passé (« Claire de lune », »Mandoline »).
Et pourtant malgré tout ce décor patiemment tisé par l'auteur, ce dernier est dans une phase difficile. Son père est mort en 1865, Élisa, la cousine élevée par les Verlaine et dont était follement mais platoniquement amoureux, s'est mariée en 1861 et meurt en couches en 1867 ; l'absinthe est déjà entrée dans sa vie et fait de lui un être violent qui s'attaque à sa mère qui pourtant l'a soutenu toute sa vie. Il n'a peut-être pas encore rencontré Mathilde qui deviendra son éphémère épouse. Pourtant, malgré les critiques parfois dithyrambiques de certains de ses amis, le recueil n'a pas vraiment été un succès à sa sortie.

C'est donc un recueil à la double inspiration, parnassienne et personnelle où son auteur s'exprime comme on le fait à cette époque friande de légèreté mais dévoile à la fois ses sentiments de tristesse, ses vers impairs et leur musique si caractéristique.




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Je n'ai pas vraiment été séduit par ces Fêtes Galantes. Pourtant, Verlaine est un excellent versificateur ; c'est incontestable. Mais, je n'y ai pas retrouver ce que je cherche en poésie : la puissance évocatrice du vers, notamment. Ce que je trouve dans le Spleen de Paris ou dans Les Chimères a manqué aux Fêtes Galantes. Ce sont de beaux vers, mais je n'en ait pas été ému ; je me suis même ennuyé à lire ces vers beaux, esthétiques, travaillés ; il a manqué l'alchimie qui fait aimer un bon poème, l'alchimie qui crée le contact entre le lecteur et un poème, la sensibilité, l'émotion, il n'y a que le bon vers et il n'y a pas l'émotion. Je n'ai pu être subjugué par aucun de ces poèmes. J'ai eu le poème, je n'ai pas eu la poésie ; j'ai eu le vers qui caractérise le poème, mais non sa poésie. La poésie, la capacité du poème à me bouleverser, à m'évoquer quelque chose, à m'enchanter m'a manquée.
Une rencontre ratée pour moi, donc.
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Jusqu'à ce jour, le seul poète qui a vraiment su me toucher, me parler, n'était autre que le célèbre et talentueux Charles Baudelaire. Un homme qui connaît souvent l'unanimité auprès de ses lecteurs, qu'ils soient amateurs ou non. Mais à l'instant où j'écris ces mots, voilà que Paul Verlaine vient s'installer dans un petit coin de mon coeur poétique.

Sa douceur, à la fois discrète mais tellement évidente, s'impose à la lecture comme son mélange de la rêverie arrive à taquiner la réalité. Les tonalités musicales, automnales et mélancoliques s'accordent dans une harmonie qui s'inscrit pas forcément dans la composition des vers. Ce tournoiement des sons, des couleurs et des sentiments n'ont pu que me toucher et me saisir par cette beauté poétique qui m'a toujours semblé inaccessible.
Et voilà qu'aujourd'hui, journée ensoleillée, je me réconcilie avec la poésie.
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Colloque sentimental

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.


Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.


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Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.

Fondons nos âmes, nos coeurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.

Ferme tes veux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton coeur endormi
Chasse à jamais tout dessein.

Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient à tes pieds rider
Les ondes de gazon roux.

Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.
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Marco.

Quand Marco passait, tous les jeunes hommes
Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes
Où les feux d'amour brûlaient sans pitié
Ta pauvre cahute, ô froide Amitié;
Tout autour dansaient des parfums mystiques
Où l'âme en pleurant s'anéantissait;
Sur ses cheveux roux un charme glissait;
Sa robe rendait d'étranges musiques
Quand Marco passait.

Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire,
Évoquaient souvent la profondeur noire
Des airs primitifs que nul n'a redits,
Et sa voix montait dans les paradis
De la symphonie immense des rêves,
Et l'enthousiasme alors transportait
Vers de cieux connus quiconque écoutait
Ce timbre d'argent qui vibrait sans trêves,
Quand Marco chantait.

Quand Marco pleurait, ses terribles larmes
Défiaient l'éclat des plus belles armes;
Ses lèvres de sang fonçaient leur carmin
Et son désespoir n'avait rien d'humain;
Pareil au foyer que l'huile exaspère,
Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait
Dit d'une lionne à l'âpre forêt
Communiquant sa terrible colère,
Quand Marco pleurait.

Quand Marco dansait, sa jupe moirée
Allait et venait comme une marée,
et, tel qu'un bambou flexible, son flanc
Se tordait, faisant saillir son sein blanc :
Un éclair partait. Sa jambe de marbre,
Emphatiquement cynique, haussait
Ses mates splendeurs, et cela faisait
Le bruit du vent de la nuit dans un arbre,
Quand Marco dansait.

Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre
Et de chairs mêlés opprimaient la chambre !
Sous les draps la ligne exquise du dos
Ondulait, et dans l'ombre des rideaux
L'haleine montait, rhythmique et légère;
Un sommeil heureux et calme fermait
Ses yeux, et ce doux mystère charmait
Les vagues objets parmi l'étagère,
Quand Marco dormait.

Mais quand elle aimait, des flots de luxure
Débordaient, ainsi que d'une blessure
Sort un sang vermeil qui fume et qui bout,
De ce corps cruel que son crime absout;
Le torrent rompait les digues de l'âme,
Noyait la pensée, et bouleversait
Tout sur son passage, et rebondissait
Souple et dévorant comme de la flamme,
Et puis se glaçait.
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Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité.

L’un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos cœurs
Quand je brûle et que tu t’enflammes ;

Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m’en veux de mes yeux moqueurs ;

Celui-ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse ;

Mais un, entre autres, me troubla.
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les ingénus.

Les hauts talons luttaient avec les longues jupes ,
En sorte que , selon le terrain et le vent ,
Parfois luisaient des bas de jambes , trop souvent
Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes.

Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches ,
Et c'étaient des éclairs soudains de nuques blanches ,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous .

Le soir tombait , un soir équivoque d'automne :
Les belles , se pendant rêveuses à nos bras ,
Dirent alors des mots si spécieux , tout bas ,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s'étonne .
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