Après avoir beaucoup lu et apprécié l'oeuvre poétique de
Verlaine, je continue d'explorer sa prose en grande partie autobiographique.
Ici, je n'ai pas retrouvé l'humour, la légèreté, voire l'ironie, qui m'avait séduite
dans ses
Confessions, où
Verlaine se moquait du lecteur en ne disant pas tout, pas toute sa vie. Il est vrai que le thème est grave, celui de l'enfermement. Je choisis ce mot à dessin plutôt que celui de prison, car il n'y a pas que des prisons au sens strict dans le texte : le cachot où l'écolier doit réviser sa grammaire latine, le panier à salade de la police ; plus largement, on pourrait parler d'enfermement social dû à la consommation d'absinthe, d'enfermement dans un mariage bourgeois dont vient le délivrer en quelque sorte
Rimbaud, "l'homme aux semelles de vent" puisqu'ils abandonnent Paris pour partir ensemble, "férus tous deux d'une mâle rage de voyage". Il y aurait même un enfermement spirituel d'un homme qui n'a pas encore reçu la Révélation. Ainsi, de façon significative, après sa conversion religieuse,
Verlaine supporte la prison, il n'attend plus sa libération avec impatience, son âme ayant déjà été libérée.
C'est donc un passage central dans sa vie même, le tir au pistolet sur
Rimbaud, l'accusation et le procès pour tentative d'assassinat, la prison belge où il se convertit - ce qui l'amènera à écrire Sagesse. C'est justement ce passage qui n'était pas présent dans
Confessions. C'est sûrement la partie la plus intéressante, car vraiment importante pour
Verlaine, il n'écrit pas que ces chapitres pour l'argent, pour en faire une oeuvre commerciale, mais pour lui.
Ainsi, d'autres chapitres sont moins intéressants, plus répétitifs,
Verlaine devant prendre plaisir à choquer par des détails triviaux sur les pots de chambre qui débordent dans les prisons ou sur les pets de ses compagnons de cellule... La fin aussi ne m'a pas vraiment plu, il apparaît comme un ivrogne violent, insultant, martyrisant sa pauvre mère pourtant dévouée. Oui, ce n'est pas un portrait flatteur de lui-même qu'il nous donne, comme dans
les Mémoires d'un veuf ou les
Confessions : c'est un sensuel, un jouisseur, un planqué, un menteur, un lâche, un égoïste - il mange seul son pâté garni en plein siège de Paris au milieu de soldats affamés de la garde nationale pendant la Commune...
Et, contrairement aux deux autres oeuvres que je connais et que je viens de citer, la vocation poétique, l'importance de l'écriture dans sa vie, apparaît quasiment peu. L'Art n'est donc pas présent pour racheter cet ivrogne. Il cite à peine quelques uns de ses vers, insiste peu sur l'importance de la lecture pour lui - lors de sa conversion, il abandonne Hugo et
Shakespeare pour des commentaires des Évangiles, en précisant que, même si leur valeur littéraire est médiocre, c'est le message qui le frappe au coeur.
Une oeuvre plus sombre, glauque même, ce n'est sûrement pas par celle-ci qu'il faut commencer pour connaître la prose de
Verlaine, ni même sa prose.