Jean pierre
Vernant tente de retracer les grandes lignes d'une évolution qui, après l'effondrement de la civilisation mycénienne et les « siècles obscurs » qui la suivirent, aboutit à l'émergence d'une mentalité nouvelle, de savoirs rationnels, d'un « miracle grec », associés à des bouleversements sociaux et politiques, à une volonté d'organiser la cité selon des rapports d'égalité, de symétrie et de réversibilité. La parole, l'argumentation, la persuasion deviennent ainsi les véritables instruments du pouvoir. L'espace, autour de l'agora, est devenu public. Dans la civilisation mycénienne qui s'était effondrée au 12ème siècle avant notre ère, suite aux invasions doriennes, tout était organisé autour du palais, d'un roi divin qui, avec une classe de scribes et de nobles guerriers, concentrait tous les pouvoirs. Ce qui apparait au cours du 6ème siècle, d'abord sur la côte ionienne, ce n'est pas seulement la Polis mais aussi une autre vision du monde. Aux cosmogonies anciennes les « physiciens » de Milet substituent un univers perçu selon des schémas géométriques, des éléments qui obéissent, avec des rapports d'égalité et de réciprocité, aux lois de la nature, tandis que dans les cosmogonies, l'ordre du monde, face aux puissances du chaos, dépendait d'un dieu souverain. Une évolution mena donc d'une pensée mythique à la raison et en même temps que l'homme créait au sein de la cité des rapports nouveaux, une image plus profane du monde se construisait.