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EAN : 9782213686851
96 pages
Fayard (29/04/2015)
3.77/5   15 notes
Résumé :
Pour ceux qui doutent de la poésie des pages saumons du Figaro et ceux qui la goûtent, pour ceux qui ont compris qu'il y a davantage de bénéfices à épouser un milliardaire qu'à travailler pour lui ou acheter ses produits, pour tous ceux-là, une candide fiancée, lors de son enterrement de vie de jeune fille, prodigue quelques conseils, détaille la mécanique du capitalisme mondialisé et de l’explosion des inégalités…

« Comme dit mon futur mari, il faut ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Audrey Vernon, fausse-bimbo infiltrée.

Le 31 juillet 2013. C'était un mercredi après-midi, je venais de rejoindre un ami sur Paris. Nous avions rendez-vous à 20h00 pour voir Audrey Vernon jouer « Marx et Jenny » à la Nouvelle-Seine. Nous étions arrivés un peu en avance, et un peu éméchés par l'alcool aussi. D'ordinaire, les gens bourrés arrivent en retard à leur rendez-vous, ou n'arrivent pas du tout. Nous, nous avions au moins le mérite d'être en avance. La coupable de notre ivresse était une après-midi ensoleillée écoulée à la terrasse d'un bar. Une première partie improvisée, hors scène, du spectacle d'Audrey Vernon : ça fume, ça boit et ça discute politique !
Arrivés sur le Quai de Montebello, dans le 5e arrondissement de Paris, nous attendons l'heure. Là, sur le pont du bateau, j'aperçois Audrey Vernon, toute enmarxisée d'une élégante robe rouge. Magnifique. Une nouvelle ivresse se mêle à la première. Elle fume sa cigarette, admire Notre-Dame de Paris qui embellit l'arrière-fond du paysage, et tourne le dos au looser que je suis qui, malgré l'ivresse, peine à trouver le courage d'aller la saluer. Voir Audrey sur scène ce soir-là, plongés dans l'obscurité de la cale de la Nouvelle Seine avec, j'imagine, quelque part à bord un exemplaire du Capital de Karl Marx, avait quelque chose de l'ordre à la fois du rassemblement politique clandestin et du rendez-vous amoureux : intime, interdit, rouge, ivre.

Le 29 mai 2015, deux ans plus tard. Aux éditions Fayard vient de paraître une adaptation de la première pièce d'Audrey Vernon : « Comment épouser un milliardaire ». La double occasion, d'une part pour les tardifs (comme moi) qui ne connaissaient pas l'artiste à l'époque d'apprécier ce tout premier one-man (ou woman)-show économique, d'autre part d'enrichir Arnaud Lagardère, propriétaire du groupe Lagardère SCA (qui possède plusieurs maisons d'éditions dont Fayard, ainsi que des chaînes de télévision, de radio, des grands noms de la presse écrite) et qui, s'il n'est pas classé dans la liste de Forbes (le pauvre n'est que millionnaire), a néanmoins tout à fait le profil du capitaliste tel que dépeint par Marx : possesseur (et héritier) des moyens de production, qui vit de l'activité seule (production et consommation) des travailleurs. À l'inverse, par exemple, d'un footballeur professionnel qui, comme le fait remarquer l'auteure, s'occupe lui-même à marquer les buts et n'exploite pas un petit Chinois pour le faire à sa place !

« Comment épouser un milliardaire ? » C'est la question que se pose la plus maligne des bimbos, celle qui aurait senti l'arnaque du discours faussement progressiste d'un capitalisme qui se voudrait féministe au motif qu'il encourage les femmes à créer leur propre entreprise, pour lui préférer la fréquentation des aquariums à milliardaires – ces fonds-marins célestes où, pour peu que l'on soit pourvue des hameçons adéquats, on a des chances de pécho dans le top 10 de Forbes. Car on ne s'enrichit pas par le travail, mais par l'héritage ! Question de classe(s). Voilà une autre leçon de ce cher Karl : le travail n'est que la préoccupation du pauvre, et les quelques boursouflés du porte-monnaie qui nagent parmi le banc des prolétaires ne sont que des miséreux qui s'ignorent, des modèles de « réussite » que l'on agite sous le nez des masses afin que celles-ci se mettent en selle sur le dos de dame Compétition. « Chacun sa chance, la mienne d'abord ! » Il faut que les pauvres travaillent, sinon comment vivraient les riches ? Certes, il y a quelques exceptions. Fausses exceptions, qui ne marquent en rien une rupture avec les lois du monde. le pauvre gus qui gagne à l'Euro-millions n'a en réalité le droit qu'à un sursis prolongé, une longue pause cigarette avant de reprendre le travail ou de toucher sa misérable retraite. « Aujourd'hui, si je voulais être aussi riche que Carlos Slim [2e de la liste de Forbes, avec 77,1 milliards] en travaillant, au SMIC français, il me faudrait plus de quatre millions d'années » estime l'auteure, tandis qu'« un ouvrier chinois […] aurait du commencer au Big Bang » !

En fin de compte, dans un système qui, dans ses fondamentaux, associe le principe de liberté à « propriété » (des moyens de production) et à « profit » (ou « droit de maintenir dans un état de sous-humanité la classe inférieure »), il n'est pas étonnant que nous en arrivions à une situation aussi excessive, où l'on voit les cinq premiers individus les plus riches de la planète capitaliser à eux-seuls 350 milliards de dollars. Avec leurs 1821 acolytes capitalistes, sur les 7 milliards d'habitants que supporte la planète – « ce seraient des animaux, ce serait une espèce protégée » remarque l'auteure –, ils sont les rois d'une jungle organisée entièrement à leur avantage, où le risque de les voir « s'appauvrir » est quasi-nul. Quoi que vous fassiez de vos journées, vous ne pouvez que difficilement ne pas contribuer à leur enrichissement. Moi-même, qui ai lu ce livre – acheté sur Amazon.fr (Jeff Bezos, 15e de la liste de Forbes) – dans ma baignoire (bain moussant Sephora, Bernard Arnault, 13e de la liste), en sirotant un petit café (Nespresso, propriété de Nestlé, Liliane Bettencourt, 10e de la liste et 3e richesse de France) et en écoutant des chants révolutionnaires sur Deezer (Google, Sergey Brin, 19e), j'ai participé sans le savoir à la pérennité de la classe capitaliste. En y réfléchissant, les travailleurs consomment des produits en reversant leurs salaires à ceux qui les payent pour les fabriquer, tandis que ces derniers consomment leurs propriétés et, ainsi, se reversent l'argent qu'ils dépensent à eux-mêmes. C'est ainsi que, dans le monde tel qu'il va, les riches sont condamnés à être riches.

Qu'il n'y ait pas de société, seulement des individus (c'est-à-dire pas de commun, seulement des conflits d'intérêts et des arrangements contractuels – ce qui explique que les riches détestent payer des impôts), les Margaret Thatcher et les Jacques Attali nous l'ont suffisamment répété pour que l'on ne puisse pas ne pas voir dans cette sentence un aveu presque inconscient de leur part, de ce que jadis leurs ancêtres de classe tentaient de masquer sous le discours mensonger d'une nation « unie » autour d'un intérêt commun : qu'il existe (toujours) une lutte des classes ! Warren Buffet, 4e de la liste, le dit lui-même, non sans cynisme : « Il y a bien eu une lutte des classes ces vingt dernières années, et c'est ma classe qui a gagné. » Ces gens savent ce qu'ils font. Ils exploitent la condition humaine, organisent nos vies en quadrillant nos emplois du temps comme on quadrille les fenêtres d'une cellule à coups de barres de fer, parfois même à coups de filets anti-suicides que l'entreprise Foxconn, en Chine, a déployés à mi-hauteur des logements loués à ses ouvriers – lesquels, nous le savons bien, décident d'en finir avec la vie (40 suicides recensés à l'époque) par pur esprit de provocation gauchiste !

Le regard que porte l'auteure sur sa propre démarche ne manque pas de profondeur, lorsqu'elle déclare : « j'essaie de faire un truc comique, et je fais un truc marxiste… ». Autrement dit : « J'essaie d'en rire, mais tout cela est trop révoltant. » Evidemment, la bimbo n'était qu'un leurre – de toute manière, tous en conviendront, Audrey Vernon est bien trop belle pour être vulgaire, et trop intelligente pour vouloir épouser un milliardaire. Les cinq « rêvasseries » qui jalonnent le livre et qui reprennent les articles publiés antérieurement par l'auteure dans le journal l'Humanité témoignent de l'engagement politique de l'artiste, et de sa lucidité. Car c'est bien de lucidité dont il s'agit, et on ne saurait en aucun cas prendre une telle déclaration (« je fais un truc marxiste ») pour un aveu. Ce que certains ne manqueront pas de prendre pour de la surenchère – les mêmes qui s'étonneront qu'un ouvrier puisse avoir le mauvais goût de se suicider sur son lieu de travail – est en réalité la réaction appropriée d'une travailleuse qui a acquis sa conscience de classe et chez qui l'humanité est encore intacte. Si l'auteure choisi de rire – et de nous faire rire – d'une si triste réalité, c'est pour répondre aux fortunés qu'ils peuvent bien tout nous prendre ou presque, notre sourire ils ne l'auront jamais !


Comment épouser un milliardaire ; Audrey VERNON. Publié aux éditions Fayard le 29 avril 2015. 96 pages. 10 euros.
Lien : http://www.fayard.fr/comment-epouser-un-milliardaire-9782213686851
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J'ai lu du 19/03/2017 au 20/03/2017.
J'ai lu ce livre à cause de son titre. Donc en le lisant, je pensais que c'était bourré d'humour. Certes, il y en a mais c'est plus une critique des riches et du monde capitaliste avant tout.
De plus, j'ai été curieuse d'en savoir plus sur l'auteure alors Google est mon ami. J'ai appris que ce livre est issue ou a inspiré sa pièce de théâtre (ou plutôt son woman show) mais on sait peu de choses sur le fameux milliardaire (si c'est vrai ou pas).
Enfin, j'ai appris énormément de choses sur les personnes milliardaires. Pour conclure, un livre pour passer un bon moment.

Ma note : 8/10
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J'ai assisté à son spectacle il y a quelques années et je m'étais procurée le livre à ce moment là.
J'ai donc attendu longtemps avant de le lire et quel plaisir d'avoir enfin choisi ce moment pour le découvrir sous format de texte.
Rempli d'humour et de beaucoup de recherches sur le capitalisme.
Cette critique sous-jacente du capitalisme sous la forme humoristique m'a vraiment plus et fait rire tout le long.
Ce regard différent fait du bien et permet d'accentuer les inégalités de 2 mondes différents, celui des ultra-riches et celui des pauvres.
N'hésitez pas à le découvrir.
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Je n'ai pas lu le livre mais j'ai vu plusieurs fois le spectacle correspondant. J'ai ensuite suivi ses billets doux à la radio. J'admire ces interventions sur les plateaux télé. Je suis alors comme un supporter devant un match de foot: "Oui vas-y Audrey!". Je me régale à la voir à la télé, moi qui ne peux supporter la télé et surtout les émissions en général!
Le gros problème avec le fait de s'informer sur l'actualité en générale c'est la dépression qui s'installe en nous inévitablement face à la lourdeur des sujets et à tout le travail qu'il resterait à faire. Avec Audrey on apprend énormément et on rigole juste. C'est beau. Et bien sûr ce rôle qu'elle tient de midinette débordante de sens, d'intelligence! Quel bonheur de voir les présentateurs leurrés par son apparence, ne pas voir venir le propos pertinent qu'elle défendra comme une guerrière. Je suis clairement fan!
Lien : https://laforgedudragon.word..
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Sujet intéressant mais peu développé, je suis resté sur ma faim ...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le travail rend libre et l'histoire se répète.
J'imagine mes petits-enfants qui me demanderont:
"Mais toi tu avais un iPhone?
_ Oui
_ Et tu savais comment c'était fabriqué?
_ Oui, je savais
_ Les camps, les gens détruits physiquement et moralement?
_ Oui je savais
_ Tu savais pour les grilles aux fenêtres, les filets anti-suicides?
_ Oui, je savais
_ Tu savais que certains travailleurs étaient forcés, qu'on ne les payait pas, qu'ils payaient leur logement?
_ Oui, je savais
_ Tu savais que ces objets que vous faisiez fabriquer n'étaient pas recyclables, que des enfants s'empoisonnaient en les démontant, que personne ne se préoccupait de savoir où ils finiraient?
_ Oui, je savais. J'étais occidentale, libérale, capitaliste ; ce n'était pas choquant à l'époque, tout le monde le faisait."
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Un homme qui saurait que ton aspirateur a perdu en aspiration et qui voudrait t’aider à trouver une solution, c’est louche. Normalement, un homme , il ne sait même pas comment un aspirateur aspire, ni même que ça aspire, ni même que ça existe, ni même que ça s’achète, ou que ça s’utilise.
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Comme disent mon futur mari et François Hollande : « Il faut prendre l’argent là où il est, chez les pauvres. Ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres.* »
*Merci Alphonse Allais
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Videos de Audrey Vernon (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Audrey Vernon
Lors de cette masterclass, la comédienne Audrey Vernon viendra présenter son travail engagé d'auteure et comédienne de One Woman Show. Ou comment elle a su mettre en mot et en scène la mondialisation, la crise économique et les dérives de l'économie libérale dans ses spectacles.
Avec : Rossana di Vincenzo, Audrey Vernon
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