C'est un petit bouquin passionnant mais difficile parce que le sujet examiné réellement peut échapper au lecteur et devenir confus.
Les grecs ont-ils cru à leurs mythes ? C'est le sujet et si on prend la question au sens littéral on considèrera que le titre borne clairement la question.
Le problème c'est que ce questionnement est infiniment plus vaste qu'il en a l'air. le texte de l'essai de Veynes est aussi très ancré dans l'univers hellénique donc toute conclusion sera fortement subordonnée à ce contexte hellénique.
Dans notre univers largement désacralisé on ne se rend pas compte que énormément de portes ouvertes sont en fait pour nous autres fermées, quant on s'essaye à penser aux effets pratiques du numineux sur les individus, les milieux sociaux et sur les sociétés en général.
La Grèce est un univers profondément religieux ,activement ritualiste, et foncièrement pluraliste avec une liberté importante mais bornée par des règles subtiles.
Le mythe y est au centre de la vie individuelle ,sociale et politique et il s'exprime socialement dans des rituels exigeants et nécessaires. Les mythes sont aussi très inspirants au niveau des individus et des mentalités collectives. le mythe est aussi au centre de l'éducation ,de la poétique et de l'allégorique..
Il est un récit sensible conservé dans des sanctuaires qui sont affiliés à une tradition particulière et qui le conserve et le donne .Les versions sont souvent variées et la lecture et la compréhension du mythe grec est naturellement plural. Il est véridique .il a une portée « historielle » et symbolique .Il est donc bizarrement toujours vrai en fonction du contexte psycho-social et à plusieurs échelles (sourires).
Dans un univers religieux le numineux est tangible , autant qu'une pierre ou que le soleil ,car il est un consensus qui un tel un mortier imprègne toute la société et il fonde et exprime véritablement le réel. La croyance est un bonheur, un prétexte ou/et , un ciment.
La vie politique ,la guerre ,la médecine, les relations internationales ,la vie ,la mort des individus et des groupes sont reliés à une religiosité qui est connectée directement aux mythes qui sont inspirants et répétés réactualisé ,dans des rituels très contraignants à l'efficience notable.
On peut aussi à tort s'imaginer que le verbe croire renvoie à une réalité simple. Or non, la croyance est un espace qui par nature se complait dans la contradiction. La source du mythe actif socialement et de la croyance ,est donc contextuelle ,plurielle et multifactorielle. A ce titre le mythe est au-delà du vrai ou du faux et même hors du champs de la vérité mais non de celui du véritable. le mythe est un savoir qui me fait penser à la psychologie différentielle . Il est insaisissable, relatif et il est soluble dans des contextes différents ,concomitants , contradictoires ou non mais toujours vrai (sourire) .Il est aussi dans une temporalité subjective et littéralement dans un espace /temps variable et différent de celui du monde profane et de tout qu'il contient.
L'auteur examine aussi dans ce travail dense une forme d'incroyance particulière au monde grec. Les mythes étaient de manière admises des tautologies à interroger de manières différentielles en fonction de la variabilité et de la relativité de ce qui est réputé vrai et de ce qui est observable ou non .
En histoire les mythes et leurs contextes sont des sources historiques et donc l'auteur questionne cette matière complexe, riche en contradictions et aux ambigüités liées à la langue et aux formulations .
Bref un livre complexe et un cran au-dessus de la vulgarisation je trouve.
Je conclue en faisant référence à un évènement que Veyne n'exploite pas.
N'oubliez pas que Socrate est mort car accusé d'avoir mis en cause l'existence des dieux (Ce dont il semble s'être défendu cf.
Platon) .Voilà , à bon entendeur salut !
Ps : Je vous recommande la lecture de : ,Les grecs et l'irrationnel, de E.R. Doddes