Directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales,
Georges Vigarello propose ce livre au titre aguicheur. le voyage commence au XVIe siècle pour se terminer vers l'an 2000 et se déroule dans le monde occidental. C'est donc à l'évolution du concept dans notre culture, à partir de la Renaissance, qui s'intéresse l'auteur.
Georges Vigarello place d'une certaine manière la naissance de la notion à l'époque de la Renaissance. Il s'agit surtout de la beauté féminine, et elle est très concentrée sur le visage, les parties hautes du corps. le bas, caché par les vêtements, n'existe pas. L'homme, quand à lui, n'a pas à être beau : il travaille et combat, et la rudesse ne le dépare pas, elle affirme son identité. La beauté de la femme, la douceur des traits, signifie aussi soumission à la force masculine. La différence dit une hiérarchie.
Le XVIIe siècle va polir le langage qui va célébrer la beauté, en mettant l'accent sur certaines de ses parties : bouche, oreilles, genoux ou pieds. le port, la taille, la manière de se tenir, deviennent signifiants, au-delà de l'harmonie ou de la joliesse des traits il s'agit de rentrer dans un jeu social policé, d'exprimer une âme, des sentiments, de communiquer, et signifier son rang, sa place dans le jeu des rapports humains raffinés, aristocratiques. La grâce est essentielle, il s'agit d'assujettir le corps à la raison, quitte à le travailler pour correspondre à cet idéal. C'est donc un corps maîtrisé qui est célébré, opposé aux corps des paysannes, dont le naturel dénote d'un laisser-aller qui n'est pas valorisé.
Le XVIIIe siècle annonce un retour de la volupté : est beau ce qui plaît, ce qui attire. Les sens priment plus qu'une conception normée. La beauté devient relative : « Demandez à un crapaud ce que c'est que la beauté ! » écrit
Voltaire.
Mais en même temps, il y a une tentative d'analyse scientifique : on mesure, on évalue les proportions. le regard médical scrute, adopte une attitude systématique, notamment pour l'armée, pour repérer les mutilés, les infirmes, les inaptes.
La revendication d'une forme de naturel fait son apparition : le corset s'assouplit.
Le XIXe siècle apporte de nombreuses transformations. La gymnastique fait son apparition, la respiration et la musculature sont indissociables de la beauté, qui se traduit notamment par le buste, sa tenue. Pas de beauté féminine sans les hanches, sans une chevelure lourde, opulente. La beauté masculine quand à elle prend différentes formes : l'homme sportif, en pleine forme, mais aussi le dandy. Les glaces se répandent, on peut se scruter, travailler son apparence. Certaines parties du corps se montrent davantage, comme les jambes. Les grands magasins, le commerce qui se développe, se mettent au service de la beauté, les produits se démultiplient, sont promus par la publicité.
Le XXe siècle met l'accent sur la volonté : la beauté se travaille, s'achète aussi, les hommes sont aussi concernés que les femmes. L'androgynie et l'idéologie du bien être affichées, cachent une forme d'injonction, à trouver certes sa beauté propre, mais sans laisser aller. D'où l'explosion du marché des produits, des services.
C'est très intéressant par moments, mais je trouve que c'est tout de même très survolé sur certains points, en particulier au vingtième siècle, au cours duquel des visions différentes existent, sans oublier des aspects idéologiques, assez peu abordés. Il manque peut-être le choix d'un angle d'attaque précis, pour cerner un concept polysémique et très riche, qui ne peut être appréhender dans un livre de cette taille que de manière partielle.