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EAN : 9782757834435
362 pages
Points (06/06/2013)
4/5   13 notes
Résumé :
Des formes luxuriantes des Vénus de Titien aux mannequins exsangues du XXIe siècle, de la valorisation des chairs à l'apologie de la maigreur, Georges Vigarello retrace la genèse de l'obsession contemporaine du corps mince et sain, libéré de la pesanteur du gras, et met au jour l'ancienneté de la préoccupation féminine de la minceur-sous de multiples formes au cours des âges. Des gros en majesté, des gloutons méprisés jusqu'à la stigmatisation récente de l'obésité, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Parce que le gras semble doté d'une vie à part, qui lui permettrait de se mouvoir, de croître ou de dépérir au gré des apports lipidiques de chacun, cet essai de George Vigarello porte bien son titre. Les métamorphoses du gras, suivi de la mention presque anecdotique de ce qui constitue pourtant le sujet de recherche principal de l'auteur -Histoire de l'obésité-, s'inscrit dans un paradigme contemporain de dénonciation et de matraquage lipidique, en face desquels la maîtrise de son poids de forme apparaît au contraire comme une obole promise à tout bon élève.


En fait d'histoire, George Vigarello distingue six périodes qui se suivent de près au cours des derniers siècles écoulés. de plus, il faut peut-être le préciser, cette histoire ne concerne que notre bonne vieille Europe occidentale. Au-delà de ces frontières, l'étude de la thématique aurait peut-être nécessité une somme trop importante pour être finement analysée. Nous nous contenterons donc d'une vision du gras ciblée et précise –à l'ère de son observation minutieusement médicale, cela ne saurait plus surprendre.


Avant le Moyen Âge, le gros semble surtout briller par son absence. Pas qu'une gestion déficitaire des denrées alimentaires n'empêchât la population d'alors de s'empâter à loisir dans ses chaumières, mais parce que si la gloutonnerie ou le bon appétit existaient bien dans les textes, les vignettes et autres fresques de l'époque semblaient se refuser à exprimer les variations de silhouette.


« le « gros » s'impose d'emblée dans l'intuition ancienne. Il impressionne. Il séduit. Il suggère aussi : incarnant l'abondance, désignant la richesse, symbolisant la santé. Signes décisifs dans un univers où règne la faim, sinon la précarité. »


Au Moyen Âge, commencent à se développer des associations encore relativement discrètes entre l'appétit et la corpulence. On retient en priorité l'image gargantuesque du bon vivant, telle que développée par Rabelais : bon mangeur et gai luron, sachant reconnaître dans la profusion des banquets et des ripailles une manne qu'il serait honteux de mépriser dans des temps où la disette pouvait menacer tout un chacun, c'est un personnage joyeux et sensuel –ce que l'Eglise ne tardera pas à condamner- à condition de ne pas dépasser les limites de la bienséance visuelle. Entre le « gros » et le « très gros » monstrueux et morbide, aucune échelle n'est encore établie. Dans le texte, on passe de l'un à l'autre comme de la joie à la frayeur. C'est qu'aucun moyen de mesure ou de détermination n'a encore été instauré pour jauger la corpulence.


Avec la Renaissance, les progrès des connaissances dans la médecine, la peinture et dans le développement de la vie intellectuelle en générale font émerger une image du gros plus singulière, que les nouveaux arts ne tarderont pas à étudier. La perspective en peinture fait naître un intérêt croissant pour la représentation des silhouettes. Si ce détail, jusqu'alors, avait pu être négligé, l'observation croissante, accrue, permet de découper plus finement la population en tranches de corpulences distinctes. La médecine tente d'expliquer ces variations par la théorie des humeurs –le gras est alors fluide qui se déplace dans les réseaux lymphatiques-, ou comment les théories médicales héritées de l'Antiquité se mêlent aux découvertes des premières dissections humaines. Surtout, dans cette période de grande stimulation intellectuelle et d'ouverture sur le monde, le gros représente le flegmatique repu –l'absence de curiosité-, la mollesse, l'indolence, tous caractères moraux qui s'opposent à la marche en avant de ce siècle.


« La graisse fabriquerait de l'impuissance. La carence du gros devient, avec la modernité, celle des dynamiques et des capacités. Elle avive aussi des dénonciations collectives, où l'embonpoint des nantis traduirait leur rapine autant que leur sourde inefficacité : nobles et abbés de la fin du XVIIIe siècle, aux ventres rebondis et aux corps affaissés, en sont l'exemple, « profiteurs » que les images révolutionnaires livrent au « pressoir réducteur » tout en dévoilant leur inutilité. »


De même avec le siècle des Lumières, le gros représente la réaction d'une époque en tant qu'il se retrouve en majorité chez les plus aisés de la société, en opposition à un monde rural moins favorisé –les germes d'une remise en question des castes apparaissent déjà. On retiendra surtout une métamorphose inédite dans le monde du gros avec l'apparition du mot « obésité » non plus pour désigner une corpulence mais pour définir une maladie –un ensemble de symptômes dont on essaie d'expliquer les causes, de mesurer les degrés, mais qu'on cherchera également à traiter. du plus barbare au plus modéré, le traitement se diversifie : chocs électriques et corsets pour les plus douloureux, régimes préventifs ou curatifs pour les plus modérés –mais les connaissances nutritionnelles sont infondées et nous paraissent aujourd'hui aberrantes.


« Autre recours excitant, enfin, celui de l'électricité : le fluide et ses commotions, les chocs « expérimentés » au milieu du XVIIIe siècle par quelques amateurs et savants. Schwilgué propose un bain froid doté de courant électrique dont il attend resserrements et sécrétions. »


L'association du gros avec le repu bourgeois s'accentue encore au 19e siècle, occasion d'éprouver la force symbolique du gras et ses rapports avec la société. Surtout, ce sera le siècle des révolutions médicales. Industrialisation oblige, l'homme devient à son tour objet quantifiable et mesurable. Les statistiques font apparaître des moyennes, précurseurs des normes, et la chimie permet à certains scientifiques tels Lavoisier de mettre à jour un procédé de « combustion » qui rapproche l'homme de la machine dans son fonctionnement intrinsèque. Les apports et dépenses caloriques sont mesurés, des croyances s'effondrent : non, les biscuits et pâtisseries, dont le goût fin étaient supposés jusqu'alors gages de légèreté, ne doivent pas être consommés dans le cadre de régimes amincissants ; non, les obèses ne souffrent pas d'un défaut de la combustion


Le 20e siècle est celui de toutes les métamorphoses. La maîtrise du poids devient objet de volonté personnelle. L'impossibilité de changer traduit un échec qui stigmatise le gros en le figeant dans une image d'impuissance d'autant plus injustifiable que les progrès du commerce et de la société de service profitent du créneau pour multiplier leurs offres de produits amincissants, de cures thermales ou de livres de développement personnel. le « martyre » du gros, déjà énoncé dans le livre éponyme de Henri Béraud, récompensé par le prix Goncourt en 1922, s'inscrit alors dans le paradoxe d'une société qui stigmatise d'autant plus qu'elle veut faire croire à chacun qu'il dispose des moyens de contrôler son existence et son apparence.


Cette Histoire de l'obésité est décrite dans toutes ses nuances. Evoluant en parallèle avec les croyances et valeurs de chaque époque, la signification du gras entre en répercussion avec une certaine conception de la vie culturelle, sociale, économique, politique et industrielle. Des rapports souvent inattendus apparaissent, des origines se dévoilent. On remonte par exemple aux sources de la dénonciation de la consommation d'aliments carnés, bien plus ancienne que l'apparition des mouvements écologistes :


« L'originalité […] tient à un débat nouveau au XVIIIe siècle : la présence de la viande dans le régime lui-même. […]
Le débat se double d'un enjeu culturel déjà cent fois étudié : la critique du luxe et de l'artifice, des modes urbaines et des excès de raffinement, l' « amollissement » dont l'abondance de viandes serait une des causes. […] La menace de « dépérissement » collectif se dit ici bien autrement que se disaient les vieilles craintes de recul moral ou d'abandon religieux. L'inquiétude porte sur l'amoindrissement physique, l'atteinte organique, les conséquences présumées des techniques et des préciosités. Un mal censé inverser le progrès, convertir la modernité en faiblesse, altérer des santés collectives pour la première fois clairement désignées : voie déclinante où « les races périssent ou dégénèrent au bout de quelques générations ». L'humanisme des Lumières peut alors condamner les tueries animales, les « massacres », la « voracité » des peuples, l'installation de « vastes boucheries » couvrant l'univers. »


George Vigarello permet également de s'interroger sur l'origine de l'intérêt accru porté sur la silhouette, apparu avec la civilisation moderne. Des hypothèses sont proposées, qui continuent de renforcer le lien entretenu entre le corps et la civilisation :


« L'évaluation renouvelée de la silhouette au début du XIXe siècle ne vient pas seulement de la présence du chiffre. Elle vient aussi d'exigences sociales, du brouillage que la révolution est censée avoir introduit dans les codes de l'apparence physique. Voyageurs et observateurs des années 1820-1830 se disent brusquement confrontés à un monde plus confus. Les « castes » auraient disparu. Les vieilles frontières s'effaceraient. Les ressemblances se multiplieraient, une fois la société d'ordres abolie. »


La métamorphose du gras s'inscrit jusque dans le langage, qui bénéficie lui aussi d'une analyse pointue :


« […] les récits De La Renaissance inventent des termes : « rondelet » au milieu du XVIe siècle, pour désigner quelque rondeur toute « naturelle », celle « remplie de gentillesse », d'une jeune Baloise évoquée par Platter dans les années 1530, ou celle, plus sensuelle, de la « jeune pucelette » évoquée par Ronsard en 1584 ; « grasselet » et « grasset » surabondants dans les chansons d'amour du XVIe siècle, avec leur volonté « diminutive » ; « dodu » aussi, accompagnant au même moment les références au douillet ; « ventripotent », encore, inventé par Rabelais pour spécifier ballonnement et pesanteur du ventre ; et même « embonpoint », banalisé après 1550 pour désigner la « corpulence ni trop grasse, ni trop maigre ».


Pour étayer toutes ces considérations, George Vigarello s'appuie sur un corpus de textes et d'images dense voire –pour s'inscrire dans la continuité du champ lexical du gros- lourd, étouffant, dévorant. Une grande majorité des thèses développées ne sont que citations et mises entre guillemets. On peine à apercevoir, entre toutes ces références, la voix de l'auteur. Un épuisement de lecture apparaît, provoqué par le rythme discordant qui s'établit entre ces citations effrénées et la voix timide de George Vigarello. Une impression de redondance imposée par le découpage du livre se fait également ressentir. Chaque période s'ouvre par une introduction, se suit avec des développements et se termine par une conclusion. Souvent, l'introduction synthétise déjà les développements, lorsqu'elle ne laisse pas s'échapper les prémisses de la conclusion. La lecture se fait donc de manière un peu laborieuse mais il faut bien reconnaître que le manque de fluidité littéraire ne devient qu'un détail une fois le livre refermé. le gras a subi sous nos yeux une métamorphose multiforme et imprévisible et s'est doté de significations insoupçonnées, preuve que George Vigarello n'a pas chômé pour nous fournir les résultats d'une recherche qui se veut la plus exhaustive possible, sur la période et l'espace concernés.


Cette Métamorphose du gras comme essai d'analyse des représentations de l'obésité s'inscrit à son tour dans un paradigme singulier –celui du 21e siècle. Quel est son sens ? Pourquoi cherche-t-on aujourd'hui à prendre à nouveau du recul sur les images et les conceptions imposées par les siècles derniers ? Voici une question à laquelle les années suivantes se chargeront peut-être de répondre…

Lien : http://colimasson.over-blog...
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"Gras", "gros", "glouton", "gourmand", "bien-portant", "obèse"... Autant de mots différents, qui changent de signification au court du temps, et qui décrivent ces "métamorphoses du gras".
Georges Vigarello, spécialiste de l'histoire du corps, livre ici une étude sur l'évolution de la perception de la grosseur - et donc indirectement de la maigreur. C'est une histoire du corps oui, mais aussi une histoire sociale, une histoire de l'alimentation, une histoire des perceptions, une histoire du costume, des techniques, du genre aussi... Tous ces domaines se croisent pour faire le portrait de l'homme gros, d'abord plutôt associé à la richesse et à l'abondance dans une société médiévale de famine, puis progressivement déprécié, condamné par l'Eglise et la société, car vu comme le résultat de la paresse, de la bêtise et de la gloutonnerie. L'époque des Lumières cherche à rationaliser, à comptabiliser, à médicaliser la grosseur, à l'étudier de façon médicale donc et technique. L'impression visuelle laisse la place à l'étude scientifique qui se mesure par des instruments, et qui guérit - ou prétend le faire - par différents progrès. Au cours du XIX ème siècle, l'obèse devient un phénomène de foire, tandis qu'on insiste sur ses souffrances psychiques et sa mise à l'écart de la société. Au XX ème siècle enfin, les recherches montrent les facteurs multiples dans la société, tout en valorisant la maigreur.
C'est une histoire du genre aussi, l'obésité masculine et l'obésité féminine ne suivent pas la même histoire, le poids des femmes étant surveillé et contrôlé beaucoup plus tôt. La silhouette doit être différente, insistant selon les modes et les périodes sur différentes parties du corps, mais le ventre doit être caché, par des corsets, plaques métalliques, ceintures... Et les femmes doivent s'infliger des régimes, pouvant aller de l'ingestion de vinaigre à celle d'arsenic.
Une histoire culturelle et corporelle intéressante à lire, même si on peut regretter l'absence d'illustration - du moins dans mon édition.
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Où c'est le sous-titre le véritable sujet.
Or donc, il faut s'attendre à une Histoire de l'obésité et non pas à celle du gras. C'est important car je ne comprenais pas pourquoi l'auteur passait autant de temps à décortiquer l'hydropisie et autres manifestations de l'obésité autre que graisseuse.
L'ouvrage est assez aride et ne se lit pas avec facilité. L'auteur ne se perd pas dans des phrases ou des descriptions sans fin et est plutôt adepte de la concision. Ce qui fait que tous les mots sont importants et portent en eux des concepts précis. Loin de pris par la main, le lecteur doit faire un effort de concentration et de connaissance. Donc oui, pas mal de choses me sont passées au dessus.
Toutefois, les grandes considérations sur les gros à travers L Histoire sont accessibles et on passe du pécher à la victimisation en passant par la lutte des classes.
Le sujet est intéressant et il faut s'accrocher pour tirer tous les enseignements de l'ouvrage.
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Peut être un peu trop savant pour mon goût, cet essai. C'est une histoire des regards, médicaux et sociaux, portés sur l'obésité depuis le moyen âge jusqu'au présent. le style est assez ampoulé, pas vraiment lisible, sans pour autant tremper dans le sabir universitaire. Il me semble qu'il y aurait eu moyen de rendre plus accessible cette histoire de l'obésité...
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Impossible, quoi qu’il en soit, de comprendre l’objet de ces stigmatisations du « gros » sans mesurer la vision tout aussi redoutée du « maigre ». L’obligation affirmée d’un « équilibre ». […] Le danger de cette maigreur serait de faire disparaître ce qu’une graisse « normale » est censée promouvoir : volume et modulation de formes. D’où la description fortement alarmée de la maigreur elle-même : « exténuation extrême » du corps, reconnaissable à « la lâcheté de la peau lorsque, étant attirée haut avec le bout des doigts, se sépare facilement d’avec la chair ». D’où encore la sanction sociale possible de cette maigreur : le renvoi brutal de Hosse Clichtove comme « confesseur royal » en 1517 pour « excès de maigreur », ou l’ironie de Brantôme sur ces femmes « si décharnées que le plaisir et la tentation en sont bientôt passés » ; voire celle de l’Arétin, sur la « garce du couvent », femme jugée « revêche et sans grâce » que la maigreur transformerait en « figure de possédée ».
La maigreur alarme, rappelle la famine, la peste, les décharnements. Elle est dessèchement, aspérité, faiblesse, ce qui, dans l’imaginaire ancien, s’oppose aux ressorts de la vie. Elle profile l’inéluctable, le chemin de la vieillesse, celui de la mort : « Il n’y a rien qui dessèche comme l’âge bien que ce soit lentement ».
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Les médecins du XVIe siècle recourent aux descriptions alarmantes : pesanteur insupportable, gestes entravés, le « gros » est évoqué jusqu’au ridicule, pour mieux frapper les esprits, justifier la « sobriété » alors que se confirme la relative indifférence à désigner des seuils. Le flegmatique, illustré par Ambroise Paré, par exemple, l’être débordant de liquides épais et catarrheux, n’existe que grossi à toute extrémité : « face plombine et bouffie », esprit « lourd grossier et stupide », ventre émettant des « bruits grenouillants », individu « vomissant », « crachant », « jetant des excréments par le nez », ayant « un appétit canin » et des maladies d’ « œdèmes et de tumeurs ».
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Le régime tient encore à la qualité des denrées : la nécessité, entre autres, de recourir aux chairs « desséchantes », celles jugées « non excrémenteuses », celles jugées « dessiccatives » ou « abstersives », disent les expressions du temps. […] D’où le danger focalisé sur les animaux venus des « brumes », des climats fétides, ceux ayant séjourné dans les eaux dormantes, canards, macreuses ou sarcelles issus d’étangs bourbeux, ceux jugés trop vieux et d’humeurs trop denses, ceux consommés trop « bouillis », nourris d’aliments grossiers, les porcs en particulier livrés aux errances gloutonnes, ceux trop bouillants aussi, ou lascifs, les boucs « dont l’odeur est forte et mauvaise ». D’où encore cette manière de lier le danger à la moindre « impression » de gluant ou de gras. Les agneaux, par exemple, « les plus jeunes surtout, demeurant encore sous la mère, trop visqueux, trop humides pour être facilement digérés ». Ou nombre de poissons, dont tout confirmerait la chair « massive, visqueuse, pesante », et plus particulièrement certains dont les eaux ignorent l’agitation des vagues ou la vivacité des courants. Les légumes, agrumes et fruits liquides, trop juteux, dont l’aquosité même pourrait inquiéter. Ou le danger enfin focalisé sur les nourritures « venteuses », « châtaignes, raves, pois, fèves et semblables choses », développant dans le corps leurs substances turgescentes et dilatées, alors que demeureraient salubres « toutes sortes de petits oiseaux vivant aux montagnes », les chairs « aériennes », odorantes et « ne portant pas beaucoup d’eau ». L’horizon du liquide et du sec, avec ses équilibres, ses désordres, ses débordements, demeure bien l’horizon du sain et du malsain, du digeste et de l’indigeste, du mince et du gros.
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La graisse fabriquerait de l’impuissance. La carence du gros devient, avec la modernité, celle des dynamiques et des capacités. Elle avive aussi des dénonciations collectives, où l’embonpoint des nantis traduirait leur rapine autant que leur sourde inefficacité : nobles et abbés de la fin du XVIIIe siècle, aux ventres rebondis et aux corps affaissés, en sont l’exemple, « profiteurs » que les images révolutionnaires livrent au « pressoir réducteur » tout en dévoilant leur inutilité.
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Autre recours excitant, enfin, celui de l’électricité : le fluide et ses commotions, les chocs « expérimentés » au milieu du XVIIIe siècle par quelques amateurs et savants. Schwilgué propose un bain froid doté de courant électrique dont il attend resserrements et sécrétions. L’abbé Nollet conseille une électrisation directe dont il dit chiffrer les effets : « Un chat électrifié fut plus léger de 70 grains, un pigeon de 35 à 37 grains, un moineau de 6 ou 7 grains. » Calculs dérisoires s’ils ne révélaient la préoccupation de l’amaigrissement autant que celle de sa vérification ; calculs plus suggestifs, en revanche, une fois appliqués au corps humain : « Un jeune homme et une jeune femme de l’âge de 20 à 30 ans, ayant été électrifiés pendant cinq heures de suite, perdirent plusieurs onces de leur poids. »
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Vidéo de Georges Vigarello
Table ronde, carte blanche proposée par la CASDEN
Modération: Pascal BLANCHARD, codirecteur du groupe de recherches Achac
Intervenants: Laetitia BERNARD, journaliste à France Inter, Sandrine LEMAIRE, professeure agrégée en classes préparatoires à Reims, Thomas SNÉGAROFF, journaliste à Radio France et à France TV, Lilian THURAM, footballeur international, président de la Fondation Lilian Thuram, Georges VIGARELLO, directeur d'études de l'EHESS
Les Jeux Olympiques participent pleinement du processus contemporain de mondialisation et à chaque décennie on annonce « la fin des Jeux ». Quatorze pays étaient rassemblés à Athènes en 1896. Ils seront plus de 200 à Paris en 2024. Entre temps, l'espace olympique est devenu un lieu de combat politique permanent. Comme le sport avec sa médiatisation, c'est le premier espace pour porter un combat, engager un boycott, combattre pour les droits de l'homme en URSS et en Chine, lutter contre des invasions en Tchécoslovaquie, au Tibet ou en Ukraine, revendiquer contre le racisme, l'apartheid ou développer sa propagande (de l'Allemagne nazie à l'URSS, de l'Italie de Mussolini à l'Amérique…). le Covid, la guerre froide, la montée des extrêmes, la guerre froide, l'URSS et les spartakiades, le combat pour la parité, le tiers-mondisme et sa volonté de jeux alternatifs n'ont pas mis fin au modèle olympique qui a chaque fois va réussir à renaître de ses cendres. Que seront les Jeux dans l'avenir ? Sont-ils condamnés à disparaître sous la forme que nous connaissons ? Les enjeux démocratiques, la volonté des populations, les enjeux économiques et écologiques remettent en cause l'idée même de ces grands rendez-vous mondiaux autour du sport ? Depuis Tokyo et la crise de la Covid, la question se pose avec cette édition spectrale, sans spectateurs. Que seront les Jeux dans les prochaines décennies après le partage sans concurrence entre Paris et Los Angeles des Olympiades des 2024 et 2028 ?
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