Qu'est ce qui compte le plus : ce que nous voyons ou ce que nous percevons ? Est ce que la perte d'un sens permet d'aiguiser nos autres sens ? Quelles images se forment derrières des rétines closes? Chambre noire en somme, où les sons, les odeurs ,la maîtrise des espaces et des distances ordonnent la marche d'un monde qui nous pensons être autrement.
Mais un homme reste l'homme , et ce que nous nommons handicap, qui est en fait différence, ne délivre pas forcément un accessit vertueux.
Premier roman, découverte de l'écriture.
Le personnage est musicien. Musicien et aveugle. Orphelin aussi. Orphelin de ces yeux. Les yeux de Catherine. Et c'est peut être là qu'il perd la vision.
Quand il n'a plus ces yeux là.
Le personnage n'a rien du héros. du héros que nous pensions découvrir. Ni ange, ni démon. Une incapacité est un état et non une qualité.
Il sait être charmant, odieux, pantouflard, gueulard, émouvant, hésitant, nostalgique, marrant.
Il aime. Il aime comme chacun peut aimer. La même capacité, la même fougue, la même passion, le même désir, la même question, la même peur, la même lassitude, la même mauvaise foi, la même lâcheté, le même renoncement. Peut être plus vite, plus fort, plus profond. Un coeur en sa chambre noire.
Pour finir cette histoire est l'histoire, la chronique d'un homme. Voilà tout. La particularité d'un homme. Mais nous sommes tous singulièrement attachés ou détachés, que ce soit de nous même ou bien des autres.
C'est l'écriture, le rythme de cette écriture qui est intéressante. On ne s'ennuie pas. Bizarrement, on ne s'ennuie pas dans cette lecture. Et ce n'est pas forcément l'histoire qui nous accroche mais bien cette écriture, qui, à y jeter son oeil, tinte et sonne bien.
Premier roman. La suite? On verra bien.
Astrid Shriqui Garain
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Concentré jusqu'à devenir musique, je me distrais du sentiment d'être une erreur du plan de l'univers, un taré, un raté, l'une des injustifiées fantaisies du possible, une singularité sans lendemain, un fraudeur embarqué sans billet pour l'avenir, une malformation inféconde sans autre vocation que de souffrir jusqu'à ce qu'elle en crève.
En rien plus qu'en la musique je ne sais me faire confiance.
Avec mes yeux en moins, avec ce chagrin qui me plombe et m'empoisse, du fond d'une solitude à quoi je me résigne, je n'arrive plus à croire que vivre soit une évidence. Je ne suis qu'un sursitaire. Je m'attends à mourir jeune et brutalement, défiant une fois de plus les lois de la probabilité. Statistiquement, on n'est pas aveugle, statistiquement, on chôme ou on a un métier, statistiquement on ne lit que cinq livre par an, statistiquement, on profite vingt ans de sa retraite et de ses petits enfants.
Il me reste le jazz, comme un anesthésiant, qui est ensemble musique et danse faites pour les Lotophages, merci à cette morphine des plus efficaces, merci à cette musique de l'instant, cyclique, qui se reproduit, chaque fois neuve, comme tous les ans revient l'hiver qui pourtant n'est jamais que lui-même et jamais comme les autres, merci à cette musique dont les spirales conviennent à qui fut trop durement surpris pour ne pas renoncer à tout projet d'avenir, à qui fut trop violemment sonné pour songer à quelques nouveaux départs, et qui ne demande plus rien sinon vivre, sous l'effet d'une charmante fleur d'oubli, merci, vraiment, à cette musique tellement du présent qu'emporté dans son cours, cessant par enchantement de me croire maudit, il n'y a plus, tout à coup, ni passé ni avenir, ni attente ni deuil, ni traces ni destinations, non, rien d'autre que l'instantané apprivoisement- tant que je joue-du temps qui s'écoule par mes doigts.
Qui sait le quoi de rien ? Soit transmis, transcrit, traduit, ce qui peut l'être.
En 2019 et en 2020, Normandie Livre et Lecture et l'Agence régionale du livre des Hauts-de-France se sont associés afin de développer une résidence croisée et offrir aux auteurs des deux régions, le normand Rémi David et l'amiénois Romain Villet, de bonnes conditions pour mener à bien leur projet littéraire.
Romain Villet est écrivain, pianiste de jazz, journaliste, enseignant et conférencier.
Devenu aveugle à l'âge de 4 ans, son handicap ne l'a jamais empêché de se consacrer à sa passion : le jazz, qu'il joue et qu'il écrit.
En 2014, il publie son premier roman intitulé Look chez Gallimard.
Son dernier roman « My Heart Belongs to Oscar » a été publié aux éditions Les Dilettantes, en 2019.
Il vous en reparlera aux cours de cette interview.
Du 10 au 21 février 2020, il a été accueilli en résidence à Regnéville-sur-mer, à 2 minutes des anciens Fours à Chaux du Rey, près de Coutances. Où il se consacre à l'écriture de son nouveau projet portant sur les Energies.
Dans l'interview, il vous parlera de son projet et de son ressenti durant cette résidence.
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