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Alan William Raitt (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070387397
441 pages
Gallimard (24/06/1993)
3.53/5   146 notes
Résumé :
L'Ève Future (1886) est au roman ce que les "Poésies" de Mallarmé sont à la poésie : le chef-d'oeuvre de l'époque symboliste, l'anti-Zola, l'anti-Goncourt.
Villiers est le plus grand conteur fantastique français. La donnée est fantastique, ou de science-fiction, puisqu'il s'agit de créer une femme artificielle, qui évite les inconvénients des femmes réelles. Ce livre traite de l'amour impossible, pour une femme qui n'existe pas. C'est aussi un roman de la rév... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Avant tout, mesdames, asseyez-vous sur vos offuscations féministes avant de lire ce livre. Ensuite, et là ça vaut pour les hommes aussi, commencez-le avec un minimum de motivation car L'Eve Future n'est pas un livre qu'on lit vite fait bien fait, à la plage ou par défaut parce qu'on a que lui sous la main. D'une part parce qu'il vaut quand même mieux que ça mais, surtout, parce que sinon le risque de décrocher relativement vite serait énorme. En effet, l'écriture peut être franchement assommante, c'est lent et l'action est très modérée (sentez l'euphémisme). En bref et pour le dire très platement : L'Eve Future, bien que plus jeune d'un demi siècle, c'est pas Les Trois Mousquetaires.
Maintenant que tout ça est dit, j'espère quand même convaincre du fait que, oui, ça vaut vraiment le coup de se plonger dans cette lecture.

Bon, au niveau du contexte, Villiers de l'Isle-Adam est au symbolisme ce que Zola est au naturalisme (cette opposition symbolisme/naturalisme est d'ailleurs présente en filigrane pendant tout le livre). On est à la fin du XIXème siècle dans une période de crise spirituelle où le passage au XXème incarne pour certains (dont beaucoup d'artistes) le début de la fin, l'apothéose de la décadence morale et artistique. Une rivale grignote doucement le piédestal de Dieu et ses mystères : c'est la science.
L'époque est aussi celle d'une fascination pour les automates qui prennent de plus en plus de place, tant dans les livres que dans les événements et salons publics. Edison lui-même s'attèlera à leur construction et tentera de les perfectionner.

Dans L'Eve Future, on est donc en plein dans cette dimension de science quasi toute puissante et désincarnante. le roman est construit autour de la création d'une andréide, femme-machine techniquement époustouflante et dotée -soyons grand prince- de parole et d'un semblant de conscience grâce au spiritisme. Elle permettrait de remplacer la femme «naturelle» qui est au mieux belle et charmante mais toujours désespérément imparfaite (pour rester polie) de coeur comme d'esprit.
C'est tout naturellement qu'un double d'Edison se colle au rôle de créateur, représentant à la fois cette science transgressive mais aussi la volonté un peu paradoxale d'y (ré)insuffler quelque chose de mystique. Il est au final dans un rôle un peu ambigu puisque pétri de bonnes intentions en voulant sauver les hommes dont la vie est anéantie par la femme mais, pour cela, joue avec les frontières de la vie et est à la limite du pacte avec le Diable. Les habitués de science-fiction retrouveront d'ailleurs dans ce livre des aspects du fameux complexe de Frankenstein d'Asimov.

L'Eve future est, à la base, un roman feuilleton. Villiers de l'Isle-Adam a construit son récit un peu au fur et à mesure, a été interrompu par manque de succès, bref, cela contribue peut-être à ce côté un peu ardu au niveau de la lecture. Par contre, cela permet aussi de nous projeter dans les expériences et concepts de l'époque qui servent notamment à construire la base de la partie surnaturelle du récit, que l'auteur devra utiliser pour pouvoir terminer son histoire.

En fin de compte, beaucoup de raisons peuvent vous faire lire ce livre selon vos affinités : pour les thèmes philosophiques qu'il aborde, pour la critique de son temps qui est présente tout au long du livre, pour son côté symboliste, pour sa place parmi les ouvrages qui anticipent la science-fiction, pour sa description longue et minutieuse de la création de l'andréide dans le cas où vous êtes fasciné par les automates (c'est d'ailleurs ce qui m'a fait lire ce livre), pour compléter de sa trois-centaine de pages le clin d'oeil que Ghost in the Shell lui fait en introduction, ou, évidemment, tout simplement par curiosité et envie de découvrir un nouveau livre un peu particulier.
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Étonnante invention...création....réflexion.... que cette « Eve future ». Anticipation, fantastique. Dialogue entre science et conscience. L'Image de l'Idéale au dessus d'un abîme inconcevable. Inconcevable ?... Tout est déjà entre les mains du grand organiste. L'énergie. L'air, le feu, leur souffles étaient jusqu'à lors nos seules énergies domptables. L'électricité, les ondes, le magnétisme... voilà que les hommes se rendent maîtres de nouvelles forces qui apparaîtront vitales, indispensables...inévitables.
De nouveaux espaces, un nouveau monde, de nouveaux fluides, de nouveaux champs nourrissent le regard de l'humanité et lui donnent des visions de Titans.Vertige....
Et si ce nouveau monde annonçait la naissance d'un nouvel humanoïde. L'Andréïde ?
Nous sommes à la fin du 19 e sècle et Villiers de L'Isle Adam va construire avec talent et patience cette histoire, histoire qui aurait pu être incroyable si elle n'annonçait pas ce que le 20 e siècle allait développer et ce que ,le 21e, aller utiliser. Si les descriptions techniques peuvent parfois paraître complexes au lecteur, il faut admettre que l'auteur avait bel et bien compris toute l'étendue des découvertes technologiques nécessaires à la conception d'un tel être.
De la micro voir de la nano technologie, jusqu'à l'impression 3D, de l'invention d'une pile chimique à énergie renouvelable, à l'encodage d'un cerveau moteur.
Un autre , une réplique de nous même né de l'Intelligence. de l'Intelligence humaine.
Une réplique a valeur de réponse. Et la valeur de la réponse dépend souvent de intelligence de la question...
Faire concurrence à l'esprit de la création est ce en appeler aux forces du mal ou au génie du bien lui même issu d'une quelconque ou hypothétique puissance divine ?...
Est une alliance, est ce une désaliénation ? Ou bien au contraire une aliénation ?
Quel est l'Esprit ? Où se situe-t-il ? Ou se situe la frontière ? Quelle est la superficie de notre éthique ?
Nombreuses questions s'entrechoquent ici.
Mais la question est : pourquoi Eve et pourquoi pas Adam... ? Eve doit elle être "à revoir" ? Adam lui doit se libérer en se perfectionnant lui même.
Eve : est-ce un concept ? Une idée, une idée née dans l'Esprit d'Adam ?
Eve objet, réceptacle de l'amour d'Adam. Eve appartient à Adam et doit être conforme, répondre aux attente d'Adam. Si tel n'est pas le cas, si l'esprit d'Eve ne contient pas l'Intelligence, alors Eve est à deux doigts de rendre son âme. Alors oui Eve et belle, d'une beauté charnelle ensorcelante, dont la chair, les parfums, la chaleur le teint correspondent exactement au besoin d'Adam, mais Eve ne comprend pas Adam, ne parle pas le même langage, alors il revient à un grand architecte de palier entièrement à l'obsolescence d'Eve.
Alors Adam devient l'assistant du grand architecte, et attend que ce dernier lui remette comme une poupée dans une boite, l'objet. Son jouet. Et puis le grand mystère se dévoile. Ce qu'Adam espérait en Eve, ce n'est pas un être complémentaire, ni même un alter égo , c'est une chimère refermant l'écho de lui même.
Aucun manoir, aucun château, aucune maison n'est assez grande pour contenir cet impossible. Aucun amour ne peut survivre dans l' abîme retentissant d'un miroir.
C'est le plus parfait exemple de la conception d'un amour narcissique, parce que cet Adam, incarné par le personnage de Lord Ewald, et que ce grand architecte incarné par l'ingénieur Edison, n'espèrent que leur propre reflet dans cette création.
Et parce que cette invention, cette création, ne répond pas à un humanisme empathique, mais au remodelage contre nature pure et simple d'une réalité que leur oeuvre sombrera dans l'abîme.
Alors le dessein de dieux qui voudraient créer l'homme à leur image serait il voué à l'échec.. ?
Il est question donc de Vie, de Mort, d'Esprit, D'âme, de corps, de désir, d'Amour, et même d'Amitié, de philosophie, de Sciences,de scientisme.
L'autre ne devenant plus une source d'inspiration, il quitte le champ du possible et devient le jeu, l'outil de la résonance sophistiquée et luxueuse d'une intelligence qui veut s'en rendre maître en lui insufflant son propre désir. Il est donc également sujet ici de manipulation.
Le devoir de l'Intelligence c'est de servir, et non d'asservir. Quel serait le sort d'une humanité qui se rendrait esclave des intelligences qu'elle ferait naitre?
En ce 19e siècle le champs des questions rentre en expansion au rythme effréné de la mise en marche de ce qu'à cette époque nous nommions « Progrès », et que nous nommons à présent révolution technologique.
Il est assez troublant de voir Villers de l'Isle Adam établir ici le principe de géolocalisation, de mise sous écoute, de programmation, de traitement immédiat des informations.
Qui est l'esprit, qui est l'objet, quel est le jeu, quel est l'enjeu ?
Étonnante créature que l'écriture de Villiers de l'Isle-Adam...et fantastique réflexion.

" Je ne t'ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel ni immortel, afin que, souverain de toi-même, tu achèves ta propre forme librement, à la façon d'un peintre ou d'un sculpteur. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, comme celles des bêtes, ou, régénéré, atteindre les formes supérieures, qui sont divines. "Pic de la Mirandole.Oratio de hominis dignitate, extrait.

Astrid Shriqui Garain


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La culture populaire, les mouvements picturaux ou la pensée d'Alain Finkielkraut : n'importe quoi finit par se faire accepter en France, mais avec 200 ans de retard. Aussi en licence de Lettres modernes / Lettres & Arts se met-on à étudier la SF du XIXe siècle. Auguste de Villiers de Lisle-Adam était ce genre de noble désargenté persuadé d'être un génie dans une fin de siècle plus ou moins heureuse ; et il n'avait pas entièrement tort. L'Ève future est en effet un des tous premiers précurseurs de la SF transhumaniste.

Science-fiction ou fantastique ?

Oui, j'en vois déjà parmi vous qui se demandent si je n'ai pas encore sniffé le détergent toilettes. SF transhumaniste ? dites-vous. Mais quel est donc le rapport avec Laurent Alexandre et les vaccins à 5G ? Je me dois donc tout d'abord de rappeler un détail : on nomme SF transhumaniste toute SF mettant en scène le transhumanisme (homme augmenté, voire transformé en machine ou en entité informatique), ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle soit en faveur de ce transhumanisme. En l'occurrence, le roman semble neutre sur la question : corriger les erreurs de la Création est considéré comme une oeuvre d'utilité publique, mais également comme un blasphème.
On pourra aussi me rétorquer que L'Ève future n'est pas un roman de science-fiction, à l'image du préfacier (avec un certain dédain pour l'Imaginaire contemporain) qui rappelle que l'auteur voulait avant tout écrire un roman en raccord avec les thèmes du symbolisme, et où le surnaturel possède d'ailleurs une certaine place. La science n'est pas le propos central De Villiers (il se montrait même critique envers elle) ; mais le fonctionnement de la créature mécanique nous y est longuement détaillé, ainsi que les réflexions qui découlent logiquement d'une telle technologie. Sachant que nous traversons également une époque où des écrivains comme Villiers espéraient que la science confirmerait bientôt l'existence du surnaturel (la fameuse « matière radiante » du physicien Crookes), il n'y a pas vraiment d'ambiguïté pour moi : à partir du moment où l'on considère la science-fiction comme une extrapolation de phénomènes scientifiques réels ou imaginaires par la fiction, L'Ève future est incontestablement un roman de science-fiction.
En revanche, à la toute fin du livre, la colère de Dieu semble s'abattre sur les personnages : on a donc bel et bien une intrusion du surnaturel, dont une rationalisation par la science n'est cette fois-ci même pas esquissée, et un doute plane encore sur le fait qu'il s'agisse de l'oeuvre du divin (la fameuse « hésitation fantastique » de Tzvetan Todorov) ; sur ce plan-ci, on peut donc bel et bien considérer également l'oeuvre comme du fantastique.

Un livre à la fois unique et précurseur

C'est donc de la SF, et pas des moindres, vous l'aurez compris : 35 ans avant que Karel Čapek n'invente le terme « robot », Villiers conçoit une « andréide » qui serait capable de se comporter exactement comme une véritable femme. le roman est également singulier car il s'agit d'une science-fiction mettant en scène une figure historique existant réellement du vivant de l'auteur, Thomas Edison (ce qui de nos jours poserait déjà sans doute quelques problèmes avec la personne en question), et ce sans qu'il s'agisse d'anticipation mais d'une SF purement ancrée dans le présent de l'auteur (imaginez Retour vers le futur 1 et remplacez Doc par Stephen Hawking, ça vous donne une idée). La SF n'est alors qu'embryonnaire, le terme « science-fiction » n'apparaissant qu'en 1926 sous la plume d'Hugo Gernsback ; le genre est alors jeune et expérimental, se permettant donc différentes choses qui n'ont guère été tentées depuis.
L'Ève future est un roman de SF transhumaniste avant l'heure (et français, avec ça !), et a inspiré entre autres Jules Verne, ainsi, on le devine, que les différents premiers écrivains imaginant une société peuplée de robots. de façon plus contemporaine, il ne serait pas étonnant non plus avec les nombreuses fictions rétrofuturistes montrant Edison en scène ainsi que des êtres mécaniques au XIXe siècle (steampunk comme teslapunk) que le roman soit encore une source d'inspiration pour de nombreux écrivains.
Avec une minutie qui se rapproche de ce qui sera plus tard la hard-SF, Edison nous décrit le fonctionnement de son robot-femme, qu'il s'agisse de la peau, ses articulations, sa manière de marcher ou de parler. le récit est émaillé de différentes réflexions sur le fait que l'Homme ne possède finalement peut-être pas de différences réelles avec la machine (on trouvera même ce qui s'apparente presque à du « La Mettrie christianisé »). Seule la conscience semble encore impossible à l'époque pour un être de métal : Villiers finit donc par faire appel au surnaturel en faisant habiter l'andréide par l'esprit d'une voyante, Sowana. Mais le plus fascinant reste son inventeur déambulant dans son vaste entrepôt possédant même une partie souterraine s'apparentant à un royaume enchanté, et où la science est souvent comparée aux légendes de jadis ; au détour de certaines phrases, Villiers parvient encore à nous faire ressentir l'émerveillement d'une époque où créer un phonographe ou un téléphone était une prouesse.
Le livre est aussi atypique en raison du fait qu'il est sans doute le seul roman symboliste ayant jamais été écrit : on retrouve les différentes obsessions de ce mouvement avant tout poétique, l'évasion de l'Homme vers des horizons inconnus par des moyens scientifiques ou occultes, le fantasme d'une femme hors du commun, un rapport à la spiritualité tourmenté, une certaine inspiration orientaliste, ect. Rien que pour tout ça, c'est donc un OLNI qui mérite d'être mentionné.

Avant-garde… et arrière-garde

Seulement voilà, L'Ève future, qu'est-ce que ça raconte exactement ? C'est l'histoire d'un jeune lord qui vient se plaindre chez Edison : « J'aime une fille, mais mon Dieu qu'elle est bête. — Eh bah c'est pas grave, je vais t'en fabriquer une autre ! » Et roule ma poule, voilà qu'on bricole une gonzesse parfaite : une qui ne se plaint jamais, une qui a les mêmes goûts que son mari, qui fait la vaisselle et après qui on ne rouspète pas : « Ah, les femmes ! ».
Parce que Villiers aura de nombreuses occasions de nous le rappeler, mais il n'est pas spécialement progressiste sur la question du féminisme. On a tenté de l'excuser en disant que les hommes ne sont pas non plus spécialement bien vus dans le roman, créant une femme artificielle pour assouvir leurs fantasmes ; mais à aucun moment du récit ce n'est considéré comme une mauvaise chose. Au contraire, les femmes vont désormais correspondre uniquement à nos désirs ! le sexe féminin est ou bien alors systématiquement considéré comme idiot, et sortir de cette idiotie n'est d'ailleurs même pas réellement souhaitable, ou bien évalué sur le clivage maman / putain. Les hommes étant déjà dans ce roman des archétypes plutôt que des psychologies complexes, il ne faut pas attendre des femmes plus que les clichés les plus sempiternels qu'ait pu nous offrir le XIXe siècle.

« Une femme déshéritée de toute bêtise est-elle autre chose qu'un monstre ? »

À aucun moment, je dis bien à aucun moment, Villiers de Lisle-Adam n'envisage la possibilité que de la même manière on pourrait créer des hommes artificiels pour les femmes ; est-ce que ça poserait quand même pas quelques nouvelles questions éthiques, d'un coup ? Mais non, les femmes ne doivent visiblement que servir l'homme, et elles le font mal, la Nature est décidément mal faite. Et quand Edison dit que le modèle serait peut-être commercialisable, je commence sérieusement à repenser au sketch de Blanche Gardin sur les putes-robots.
On pourrait atténuer ça et se dire qu'il s'agit juste d'une oeuvre de son époque, avec malheureusement l'influence de la pensée dominante, ce qui n'enlève rien au caractère unique de l'oeuvre ; malheureusement, la misogynie est au centre même du récit, qui considère que la femme n'est qu'un objet interchangeable avec une machine. Et quand bien même ! laissons le sexisme de côté deux secondes, et voyons un peu le déroulement. Sur les six parties du roman, cinq servent à l'exposition ; la moindre situation est l'occasion d'un nombre incalculable de digressions, divagations, le tout dans un verbiage alliant jargon scientifique et termes soutenus. Soit dit en passant, c'est découpé avec les pieds : à des moments aléatoires de la conversation, on change brusquement de chapitre, juste pour que l'auteur puisse mettre une citation d'ouverture en plus afin d'étaler son érudition.

« « Hadaly, dit-il, si nous supposions que, par impossible, une sorte de Dieu — du genre de ceux d'autrefois, — surgissant, invisible et démesuré, dans l'éther transuniversel, donnât, brusquement, la libre volée, du côté de nos mondes, à quelques éclairs de même nature que celui qui vous anime, mais d'une énormité non pareille et pénétré d'une énergie capable de neutraliser la loi de l'attraction et de faire sauter tout le Système solaire dans l'abîme, comme un sac de pommes… »

Il faut énormément de patience pour arriver à une fin où Dieu semble châtier Edison en précipitant son andréide vers la destruction, jaloux qu'on ait voulu l'imiter. Mais sa chute n'est même pas due à un problème venant de son fonctionnement (un roman de science-fiction devrait toujours décrire la fin d'un évènement comme le découlement logique de l'une de ses caractéristiques, conformément au désir de suivre un postulat jusqu'au bout) : non, c'est tout simplement un orage qui passait par là qui ruine tout espoir pour la merveilleuse invention. le reste du récit étant particulièrement plat, on évite toujours une happy end ; mais aux yeux du lecteur, du moins de celui du XXIe siècle, ça n'en reste pas moins une conclusion en pétard mouillé.

Conclusion

Je ne sais pas si je dois vous conseiller L'Ève future : c'est vraiment le genre d'ouvrages qui ne satisfera que les complétistes et les historiens de l'Imaginaire. Toujours est-il qu'on m'a donné à ingurgiter ses 400 épaisses pages pour l'université (je l'ai fait en audiobook, je suis pas fou non plus) ; un contretemps en plus pour lire la SFFF qui m'intéresse vraiment, celle vivante et contemporaine, qui n'esthétise pas éternellement les possibilités de la science, qui ne fantasme pas sur des désirs égoïstes, mais qui imagine l'avenir de l'Humanité. Ça me fera rudement du bien de revenir à mes moutons ; quand à ce petit interlude, eh bien c'est toujours ça pour ma culture…
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« Plus humain que l'humain ». Cette phrase fameuse du film Blade Runner, adapté librement du roman de K. Dick, prend ici tout son sens. L'Eve future de L'Isle-Adam, auteur injustement méconnu de son temps, c'est précisément l'humanité d'une machine opposée à son modèle original de chair, lequel, par son indigence spirituelle, semble si artificiel. Autrement dit, les valeurs s'inversent.
Dans ce roman d'anticipation – écrit à la fin du XIXe siècle –, L'Isle-Adam pose la question du progrès en tant que tel. La science doit servir un but élevé et non s'imposer brutalement. Cette science qui « glace et force toutes les citadelles du rêve », écrira l'auteur dans une lettre. Ici, en libérant la science de sa fonction exclusivement utilitaire, Edison l'investit du mystère de la création. La machine scientifique est alors nourrie de force spirituelle.
Le questionnement sur le progrès technologique jalonnera d'ailleurs l'ensemble de l'oeuvre de L'Isle-Adam, comme votre humble serviteur put jadis le développer dans son mémoire de maîtrise, précisément consacré à la notion de progrès chez ce cher Villiers ! Passé cette petite intrusion autobiographique, revenons à nos moutons…
Hadaly est donc une femme artificielle – sans mauvaise pensée misogyne ! –, une « Andréide » créée par un certain Edison – toute ressemblance avec un personnage existant ne serait pas fortuite ! – pour le compte de Lord Ewald, à partir d'une autre femme de chair et de sang. Voilà pour le canevas.
La science s'arroge ici les pouvoirs de Dieu, à savoir créer la vie. Une vie cependant illusoire. Car pour autant qu'Hadaly remplace avantageusement Alicia Clary, son modèle, elle est une illusion née d'une supplication de Lord Ewald, songeant à la femme originale et inachevée, puisque dépourvue d'esprit : « Ah ! qui m'ôtera cette âme de ce corps ! - C'est à croire à quelque inadvertance d'un Créateur ! »
Mais qu'importe la réalité des faits : dès lors qu'il admettra l'existence réelle de l'Andréide, Ewald croira à son illusion. de surcroît, Hadaly ne pourra appartenir à nul autre. Ewald aura aussi pouvoir de vie et de mort sur sa bien-aimée, de par sa nature non-humaine.
Enfin, et par-dessus tout, L'Eve future est une sublime tragédie romanesque qui prouve que ce n'est pas le sujet traité qui fait une grande oeuvre, c'est la manière de le traiter.
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Sous le voile d'une fable scientifique, L'Eve future, roman philosophique à l'atmosphère gothique, mène une réflexion profonde sur le progrès et les vieilles lunes de la modernité. Lord Ewald, qu'une passion malheureuse a rendu mélancolique, pour une de ses créatures, dont la divine enveloppe et le fluide qui s'en émane ne semblent être que le miroir ironique et cruel de leur essence oblitérée par la plus basse et bourgeoise des âmes, résolut à se brûler la cervelle, rend une visite en guise d'irrévocable adieu à un génial inventeur de ses amis, Edison. Cet homme à qui il avait sauvé la vie, va tenter, en retour, de lui sauver la sienne, en évoquant et créant à l'aide de la science, l'Idéal Féminin. Ce roman foisonnant et riche propose de multiples niveaux de lecture, on perçoit à travers ses lignes l'ironie acerbe et fine du conteur,l'auto-dérision et la référence filée à ses propres déboires d'artistes. On peut penser que les deux personnages sont des projections de leur auteur : Ewald, en sa natale noblesse évoque les racines nobiliaires du romancier, alors que Edison est une idéalisation de ce dernier dans une sorte de devenir mythique et fabuleux. Nombreux sont les termes abordés, tels la désagrégation de toutes choses par le temps, la présence divine, l'irréductible relativité du langage, le venin de la vanité et la stérilité mortifiante du matérialisme. Il condamne l'idéologie bourgeoise abrutissante, le terre à terre déprimant et sans surprise d'un positivisme d'épicier et opte résolument pour les potentialités illimités du rêve.

Représentatif du décadentisme ou courant fin-de-siècle, ce roman sublime, magnifiquement ciselé, ornementé et rythmé par la prose précieuse et rare de Villiers de L'Isle-Adam, ravira l'esthète et comblera le philosophe.
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Une femme ne discerne que selon ses velléités et se conforme, en ses «jugements» à l'esprit de celui qui lui est sympathique.--Une femme peut se remarier dix fois, être toujours sincère et dix fois différente.--Sa Conscience, dites-vous?... Mais ce don de l'Esprit-saint, la Conscience, se traduit, tout d'abord, par l'aptitude à l'Amitié-intellectuelle. Tout jeune homme, qui, du temps des anciennes républiques, ne pouvait, à vingt ans, justifier d'un ami, d'un second lui-même, était déclaré sans conscience, infâme, en un mot. On cite, dans l'Histoire, mille exemples d'admirables amis: Damon et Pythias, Pylade et Oreste, Achille et Patrocle, etc. Citez-moi deux femmes amies, dans toute l'Histoire humaine? Chose impossible. Pourquoi?--Parce que la femme se reconnaît trop inconsciente, en sa semblable, pour en être dupe jamais.--Il suffît de remarquer, d'approfondir le regard dont une moderne, en se retournant, considère la robe de celle qui a passé auprès d'elle, pour en être à tout jamais persuadé.--Parce qu'en elle, au point de vue passionnel, une vanité des vanités prime ou vicie intimement les meilleurs mobiles et qu'être aimée n'est (malgré toutes ses protestations) presque toujours que secondaire pour elle. Ce n'est qu'être préférée qu'elle désire. Voilà l'unique mot de ce sphinx. C'est pour cela que chacune d'entre nos belles civilisées, sauf peu d'exceptions, dédaigne toujours un peu celui qui l'aime, parce que celui-ci est coupable, par cela seul, du crime inexpiable de ne pouvoir plus la comparer avec d'autres.
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--Tout à coup l'actuelle Nature, alarmée de ces approches ennemies, accourt, bondit et te rentre dans le coeur, en vertu de ses droits formels non encore prescrits.--Secouant, pour t'étourdir, les logiques et sonores anneaux de ta Raison, comme on secoue le hochet d'un enfant pour le distraire, elle se rappelle en toi.--Ton angoisse?... va, c'est elle! c'est elle seule qui, sentant bien sa misère en présence de cet autre monde imminent, se débat pour que tu te réveilles tout à fait,--c'est-à-dire, pour que tu te retrouves en elle,--car ton organisme en fait partie, encore,--et pour que tu refoules, par cet acte même, tes hôtes merveilleux en dehors de son grossier domaine! Ton «Sens-Commun?» Mais c'est le filet de rétiaire dont elle t'enveloppe pour paralyser ton essor lumineux, pour se sauvegarder et te reconquérir, toi, son prisonnier qui t'évadais! Ton sourire,--une fois les murs de ton cachot reconnus, une fois bien payé de ses obscurs prétextes,--c'est le signe de son illusoire triomphe du moment, lorsque, tout persuadé de sa pauvre réalité, te voici replongé et limité de nouveau dans ses leurres.

Ainsi, te rendormant, tu as dissipé, en effet, autour de toi, les précieuses présences évoquées, les parentés futures, inévitables, reconnues! Tu as banni d'autour de toi les solennelles et réflexes objectivités de ton Imaginaire; tu as révoqué en doute ton Infini sacré. Quelle est ta récompense? Oh! te voici tranquillisé!

Tu t'es retrouvé sur la Terre...--rien que sur cette terre tentatrice, qui toujours te décevra, comme elle a déçu tes devanciers! rien que sur cette terre, où, naturellement, revus de mémoire et avec des regards redevenus purement rationnels, ces salubres prodiges ne te semblent plus que nuls et vains.--Tu te dis:--«Ce sont là des choses du sommeil! des hallucinations!...»--que sais-je? Et, te payant ainsi du poids de quelques mots troubles, tu amoindris étourdiment en toi-même le sens de ton surnaturel. A l'aurore suivante, accoudé à la fenêtre ouverte aux airs purs du matin, le coeur joyeux, rassuré par ce traité de paix douteuse avec toi-même, tu écoutes au loin le bruit des vivants (tes semblables!) qui s'éveillent aussi et vont à leurs affaires, ivres de Raison, affolés par toutes les soifs de leurs sens, éblouis par toutes les boîtes de jouets dont se paye l'âge mûr de l'Humanité qui entre en son automne.

Oubliant, alors, de quels droits d'aînesse inestimables tu payes, toi-même, en ta conscience, chaque lentille de ce plat maudit que t'offrent, avec de froids sourires, ces martyrs, toujours déçus, du Bien-être,--ces insoucieux du Ciel, ces amputés de la Foi, ces déserteurs d'eux-mêmes, ces décapités de la notion du Dieu dont la Sainteté infinie est inaccessible à leur mensongère corruption mortelle, voici que tu regardes, toi aussi, avec une complaisance d'enfant ébloui, cette glaciale planète qui roule la gloire de son antique châtiment dans l'Étendue! Voici qu'il te semble pénible et nul de te souvenir que,--sous quelques tours, à peine révolus dans l'attrait circulaire de son soleil déjà piqué, lui-même, des taches de la mort,--tu es appelé à quitter pour jamais cette bulle sinistre, aussi mystérieusement que tu y es apparu! Et voici qu'elle te représente maintenant le plus clair de tes destinées.

Et, non sans quelque sceptique sourire encore, tu finis par saluer en ta Raison d'une heure,--toi qui sors d'un grain de blé,--la Législatrice «évidente» de l'inintelligible, informe et inévitable INFINI.
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Si l’on pouvait être sincère, aucune société ne durerait une heure, ― chacun passant l’existence à se donner de perpétuels démentis, vous le savez ! Je défie l’homme le plus franc d’être sincère une minute sans se faire casser la figure ou se trouver dans la nécessité de la briser à ses semblables. Encore une fois, que savons-nous, pour oser émettre une opinion sur quoi que ce soit qui ne soit pas relative à mille influences de siècle, de milieux, de dispositions d’esprit, etc. ― En amour ? Ah ! si deux amants pouvaient jamais se voir réellement, tels qu’ils sont, et savoir, réellement, ce qu’ils pensent ainsi que la façon dont ils sont conçus l’un par l’autre, leur passion s’envolerait à la minute ! Heureusement pour eux ils oublient toujours cette loi physique inéluctable : « deux atomes ne peuvent se toucher. » Et ils ne se pénètrent que dans cette infinie illusion de leur rêve, incarnée dans l’enfant, et dont se perpétue la race humaine.

Sans l’illusion, tout périt. On ne l’évite pas. L’illusion, c’est la lumière ! Regardez le ciel au-dessus des couches atmosphériques de la terre, à quatre ou cinq lieues, seulement, d’élévation : vous voyez un abîme couleur d’encre, parsemé de tisons rouges de nul éclat. Ce sont donc les nuages, symboles de l’Illusion, qui nous font la Lumière ! Sans eux, les Ténèbres. Notre ciel joue donc lui-même la comédie de la Lumière ― et nous devons nous régler sur son exemple sacré.

Quant aux amants, dès qu’ils croient seulement se connaître, ils ne demeurent plus attachés l’un à l’autre que par l’habitude. Ils tiennent à la somme de leurs êtres et de leurs imaginations dont ils se sont réciproquement imbus ; ils tiennent au fantôme qu’ils ont conçu, l’un d’après l’autre, en eux-mêmes, ces étrangers éternels ! mais ils ne tiennent plus l’un à l’autre tels qu’ils se sont reconnus être. (pp. 221-222)
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Quelques instants après, Edison et lord Ewald rentraient sous les lampes, dans le laboratoire, et jetaient leurs fourrures sur un fauteuil.

― Voici miss Alicia Clary ! dit l’ingénieur en regardant vers l’angle obscur de la longue salle, auprès des tentures de la fenêtre.

― Où donc ? demanda lord Ewald.

― Là, dans cette glace ! dit tout bas l’ingénieur en indiquant à lord Ewald un vaste miroitement pareil à de l’eau morte sous une lueur lunaire.

― Je ne vois rien, dit celui-ci.

― C’est une glace toute particulière, dit l’électricien. Rien d’étonnant d’ailleurs, à ce que cette belle personne m’apparaisse en son reflet puisque je vais le lui prendre. ― Tenez, ajouta-t-il en tournant un pas de vis qui leva les tarchettes de leurs écrous, miss Alicia Clary cherche la serrure, elle trouve le loquet de cristal… la voici.

La porte du laboratoire s’ouvrit à cette dernière parole : une grande et admirable jeune femme apparut sur le seuil.

Miss Alicia Clary était vêtue d’une chatoyante robe de soie d’un bleu pâle et qui paraissait vert-de-mer sous les lumières ; en ses noirs cheveux s’épanouissait une rose rouge et des étincelles de diamants scintillaient à ses oreilles ainsi qu’au tour évasé de son corsage. Une mante de martre était jetée sur ses épaules, et un voile de point d’Angleterre lui entourait délicieusement le visage.
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Sans l'illusion, tout périt. On ne l'évite pas. L'illusion, c'est la lumière! Regardez le ciel au-dessus des couches atmosphériques de la terre, à quatre ou cinq lieues, seulement, d'élévation: vous voyez un abîme couleur d'encre, parsemé de tisons rouges de nul éclat. Ce sont donc les nuages, symboles de l'Illusion, qui nous font la Lumière! Sans eux, les Ténèbres. Notre ciel joue donc lui-même la comédie de la Lumière--et nous devons nous régler sur son exemple sacré.

Quant aux amants, dès qu'ils croient seulement se connaître, ils ne demeurent plus attachés l'un à l'autre que par l'habitude. Ils tiennent à la somme de leurs êtres et de leurs imaginations dont ils se sont réciproquement imbus; ils tiennent au fantôme qu'ils ont conçu, l'un d'après l'autre, en eux-mêmes, ces étrangers éternels! mais ils ne tiennent plus l'un à l'autre tels qu'ils se sont reconnus être,--Comédie inévitable! vous dis-je. Et quant à celle que vous aimez, puisque ce n'est qu'une comédienne, puisqu'elle n'est digne d'admiration pour vous que lorsqu'elle «joue la comédie» et qu'elle ne vous charme, absolument, que dans ces instants-là,--que pouvez-vous demander de mieux que son andréïde, laquelle ne sera que ces instants figés par un grand sortilège?

--C'est fort spécieux, dit tristement le jeune homme. Mais... entendre toujours les mêmes paroles! les voir toujours accompagnées de la même expression, fût-elle admirable!--Je crois que cette comédie me semblera bien vite... monotone.

--J'affirme, répondit Edison, qu'entre deux êtres qui s'aiment toute nouveauté d'aspect ne peut qu'entraîner la diminution du prestige, altérer la passion, faire envoler le rêve. De là ces rapides satiétés des amants, lorsqu'ils s'aperçoivent, ou croient s'apercevoir, à la longue, de leur vraie nature réciproque, dégagée des voiles artificiels dont chacun d'eux se parait pour plaire à l'autre. Ce n'est même qu'une différence d'avec leur rêve qu'ils constatent encore, ici! Et elle suffit pour qu'ils en arrivent souvent au dégoût et à la haine.

Pourquoi?

Parce que si l'on a trouvé sa joie dans une seule manière de se concevoir, ce que l'on veut, au fond de son âme, c'est la conserver sans ombre, telle qu'elle est, sans l'augmenter ni la diminuer; car le mieux est l'ennemi du bien--et ce n'est que la nouveauté qui nous désenchante.
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Auguste VILLIERS DE L'ISLE ADAM – Relecture (France Culture, 1981) L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 1er mai 1981 sur France Culture. Présences : Patrick Besnier, Pierre Citron et Jean Claude Renault. Lecture : Jean Topart, Manuel Denis, Catherine Sellers.
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