Non, pitié,
pas la contrariété
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Le train d’en face résonne dans le tunnel et me renverse comme une motte de beurre.
Sans être sorti tu reviens : c’est un couteau de cuisine que tu me plantes entre les omoplates.
S’approcher doucement jusqu’au bord et voir vibrer ce vide, aube écrasée, lourdeur d’août.
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[117]
Sa main glisse, le métro freine : il vacille : il tombe. Disparaît au cœur de la foule, son corps aspiré par le bas, caché sous ceux des autres, mais personne ne le voit. Les visages fixent encore — silence — leur reflet respectif, là, dans le flou de la vitre. Je me rapproche pour le chercher mais je le manque : aspiré par le sol et les câbles, il a sans doute basculé dans un envers quelconque, une dimension du sol, et le métro s’éloigne.
... Par deux fois déjà ils ont tirés les rois, j'ai fini sous la table. Ça oui, ils sont capables. Mais non, pitié, ça n'arrivera jamais, ne peut pas arriver.
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Une main ouverte chaparde l’iPhone. Se dégager désespérément du siège pour rattraper le corps, rattraper l’objet. Je coure après pour sa mémoire, pas sa valeur. Je veux mes photos enfouies dans la carte sous la batterie. Je veux mes prises de notes quotidiennes depuis des mois. Je veux ma tête, mon œil, mon estomac. Un couteau dans le bide je poursuis l’agresseur, le poignarde à son tour. Il tombe rouge dans les marches d’escalier, sa tête entre les portes empêchent la fermeture. Tant pis si c’est encore un gosse, tant pis s’il porte encore et couche et tétine, tant pis s’il ne sait pas marcher : poussez-le hors du train, je gueule aux autres, et rendez-moi ma tête.
Ces fictions du bord de l'œil que je me force à voir ne sont pas réelles : l'image projetée pupille droite est déformée par la tumeur qui presse arrière le tissu et l'écran. Mais non, je reviens sur mes pas, pensées, fragments et instants, ce n'est pas possible : je ne possède rien sous le crâne qui ne soit pas moi-même, jamais elle ne pourra se développer, jaillir, se propager.
je fuis par la gauche à travers la vitre, qui m’aime me suive.
Mes jambes retombent à ma place dans le wagon, mon torse et crâne retombent sur la voie, plusieurs centaines de mètres plus loin.