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EAN : 9782823601190
316 pages
Editions de l'Olivier (30/11/-1)
3.36/5   7 notes
Résumé :
Michael Rost mène une existence désordonnée, ponctuée de revers de fortune et de moments euphoriques, de solitude et d'errances. Quand il arrive à Vienne avec l'audace de ses dix-huit ans et sans un sou en poche, ce jeune juif russo-polonais est bien déterminé à conquérir la capitale impériale. Il fréquente les cafés peuplés d'émigrés juifs, d'officiers de l'armée autrichienne, de bureaucrates, de bourgeois, d'anarchistes, de comédiens, de chanteurs et de prostituée... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
David Vogel (prononcer Foguel) est l'ecrivain le plus atypique des lettres hebraiques de la premiere partie du XXe siecle. le seul a avoir produit – et reussi – un amalgame d'ambiance urbaine europeenne, de bouillonnement decadent et pourtant plein d'espoir, de personnages passionnes, frenetiques, sans aucun rapport a un quelconque sionisme, et cela en un hebreu vivant, petillant, allege de toutes charges provenant d'anciennes et sanctifiees ecritures, un hebreu seculier, laic, modernisateur.

Comment un ecrivain pareil aurait pu etre publie? Il ne l'a pas, ou tres peu, ete en vie ( La vie conjugale, par exemple, n'avait rien vendu a l'epoque). Des dizaines d'annees apres sa mort on deniche ses manuscrits dans des archives, on les edite, et un nouveau lectorat l'acclame. Ce petit opus n'a ete decouvert qu'en 2009, 65 ans apres son assassinat a Auschwitz.


Il y est question d‘un jeune homme, arrive a Vienne de son shtetl galicien, decide a flamber la vie, sans freins et sans oeilleres. “[Michael Rost] était jeune et avait en lui un petit fond de méchanceté qui parfois s'exprimait dans un acte, fût-il enfantin". Il ne fait rien: travailler c'est s'abaisser, se rendre. Mais il a de la chance: un magnat, charme par son assurance, l'aide financierement. Comme s'il lancait une experience sociale. Rost continue quand meme a frequenter une cantine juive minable et ses habitues, un anarchiste, un tenor enroue, un poeteux qui ne publie rien, un joueur de cartes professionnel borgne, et d'autres excentriques du meme acabit. Il loue une chambre dans les beaux quartiers et seduit sa logeuse puis sa fille adolescente. C'est la trame centrale du livre, et elle est traitee du point de vue des trois participants (les scrupules de conscience et l'eveil au sentiment amoureux de la jeune fille donnent des pages d'anthologie, qu'encore une fois je ne peux m'empecher de rapprocher du meilleur Schnitzler). Il est donc chasse, ou fuit ses responsabilites, l'auteur laissant le doute regner.


Vogel a concu un heros complexe. Un nomade impenitent (on le retrouve a Paris apres un certain temps) qui reve de se sedentariser. Un viveur pour qui tout plaisir est futile. Coquet mais se moquant des modes. Arrogant mais sensible. Egoiste mais sachant ecouter, et meme aider. Tant de conflits intrinseques donnent un heros insaisissable, et je n'ai pas arrete de me demander durant toute ma lecture comment il allait agir, ou reagir, a chaque moment. Rost est un personnage qui vit un present persistant, essayant d'ignorer le poids du passe comme la crainte du futur.

Le heros est a l'image du microcosme urbain ou il se meut, la Vienne aux boulevards brillants, aux cafes mondains, mais aussi aux ruelles non pavees, aux arriere-cours obscures, aux pitoyables cantines pour juifs et etrangers deguenilles. La Vienne complexe, comme toute grande ville de l'epoque, est admirablement peinte, dans toutes ses facettes. Et le Paris ou echoue Rost pour un chapitre? Il y a la Seine, il y a les grands cafes, mais aussi “Il y avait dans l'air un parfum d'automne et de prostituées, la torpeur des citadins, la fumée de charbon d'un train proche. […] En passant devant les bouches béantes des métros du centre-ville, on sentait soudain l'haleine épaisse et répugnante des gens, conservée depuis des années et flottant parmi eux”.


Vogel brosse un personnage interessant, deambulant dans des environnements vivants, nettement rendus. J'ai beaucoup aime. Pourtant le livre m'a donne une impression d'inacheve. Et c'est peut-etre ce qu'est ce manuscrit. Inacheve. Une premiere mouture, que l'auteur pensait retravailler et n'en a pas eu le temps. Qui sait? Ou alors une oeuvre de jeunesse, releguee par l'auteur dans un fond de tiroir (c'est ce que pense la chercheuse universitaire qui a decouvert le manuscrit). Une oeuvre tiree de ses propres souvenirs, d'etudiant pauvre, a Vienne (ou il a vraiment eu des rapports avec sa logeuse et avec sa fille). On ne peut que conjecturer. Et rester avec cette sensation de frustration, qu'accentue une fin un peu abrupte, malgre des personnages tres acheves, malgre la beaute de nombreuses pages.
En fin de compte une belle lecture.
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critiques presse (2)
Chro
09 décembre 2014
On a longtemps cru que David Vogel (1891-1944) n’avait écrit qu’un roman. Or, voici qu’on en découvre un autre : Romance viennoise, touchant symptôme d’une ère indécise où l’on pouvait prendre pour des brumes les sombres nuages de l’orage à venir. Un pur trésor caché de la littérature hébraïque.
Lire la critique sur le site : Chro
Telerama
12 novembre 2014
L'éveil sexuel d'un garçon sans le sou dans une Vienne fantasmée. Une fiction autobiographique de l'écrivain juif mort à Auschwitz.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La famille Kobler habitait un grand appartement aux nombreuses chambres luxueusement meublées. Ils étaient riches. M. Kobler, la cinquantaine, avec une barbe respectable et blanchissante, était un Juif de Moravie né à Vienne, il achetait et vendait des actions à la Bourse, s’occupait de wagons de marchandises que personne ne voyait jamais et qui n’existaient que sur le papier, dans des registres ou sur des listes. Il avait un bureau au nom des « Frères Kobler, Import-Export » (la firme s’appelait pompeusement « Frères Kobler » mais il était l’unique frère, les autres n’étaient pas nés). Il possédait quelque part une grande ferme où il n’allait jamais, une belle villa à Bad Ischl où ils séjournaient en été, quand ils n’allaient pas au bord de la mer à l’étranger. Kobler se préparait à recevoir le titre de « conseiller à la Cour », titre auquel il s’essayait avec un plaisir anticipé : « Monsieur le conseiller Heinrich Kobler, qu’en penses-tu, Emmie ? »
Sa femme Emmie était une chrétienne de basse extraction qui avait épousé Kobler parce que « les Juifs ont de l’argent ». Elle s’était toujours sentie supérieure à lui à cause de ses origines chrétiennes, mais à vrai dire ce n’était pas une méchante femme. Tous ses efforts convergeaient vers la sauvegarde de sa jeunesse passée à laquelle elle s’accrochait de toutes ses forces, avec ses gestes, son rire qui se voulait jeune mais sonnait faux et ridicule. Elle niait la fatigue, et si quelqu’un s’en plaignait devant elle : « Moi, je ne suis jamais fatiguée ! disait-elle. Dieu merci, je n’ai pas encore l’âge. » Et chacun pensait : « Vieille chiffe ! »
Et son mari, Heinrich Kobler, qui la voyait fripée et ridée le matin au saut du lit, sans le masque du maquillage et des vêtements à la mode, entretenait une petite maîtresse blonde qui lui coûtait quelques centaines de couronnes par mois et avec laquelle il passait trois après-midi par semaine. Les autres jours, il vivait en bonne entente avec sa femme qu’il aimait. À force de répéter « Mon Emmie qui est d’origine aristocratique », il avait fini par y croire. Par ailleurs, Kobler évitait la fréquentation des Juifs, cherchait la compagnie exclusive de ceux qui ne l’étaient pas et, parmi eux, de ceux qui avaient un titre. Titre qu’il prononçait ostensiblement, avec l’humilité, la gratitude et la fierté de faire partie des intimes. Il se montrait généreux à l’égard des institutions de charité chrétiennes, surtout celles auprès desquelles il pouvait acheter sa renommée. Mais ses amis proches comme ses obligés disaient de lui dans son dos : « Ce Juif méprisable. »
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Markus Schwartz arborait tous les accessoires d’un dramaturge : chapeau noir au bord large comme une roue, cheveux longs, barbichette, lunettes d’écaille, foulard au vent, manteau de velours, pantalon rayé, chaussures noires vernies, bague à la tête de mort, canne originale, cartable plein de drames, crayons noir et rouge, et un gros livre sur la dramaturgie. Il avait l’habitude d’aller au parc, son cartable sous l’aisselle, un livre ouvert à la main qu’il lisait tout en marchant et soulignait au crayon rouge ou marquait de points d’interrogation ou d’exclamation appréciatifs. Il avait toujours à la bouche Sophocle, Eschyle, le Faust de Goethe, Shakespeare, Les Tisserands de Hauptmann, qu’il mêlait à toutes les conversations. Ses drames avaient failli être mis en scène d’innombrables fois à Berlin et même dans cette ville-là, c’est du moins ce qu’il racontait à qui voulait bien l’entendre, mais chaque fois la censure s’était mise en travers… Une hostilité permanente régnait entre lui et Dieu, et dans ses drames que personne n’avait jamais vus, il accablait à toute occasion le Ciel, la censure et bien évidemment tous ces pays rétrogrades… On peut même dire qu’il n’existait que par la censure, son adversaire, sans laquelle aucun obstacle ne se dressait sur son chemin.
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Elle tira de son cartable un bloc de papier uni et commença à écrire attentivement, avec des lettres bien rondes : « Je ne vous connais pas. Je ne veux pas vous connaître. Vous avez fait irruption dans ma chambre, et vous voilà assis au pied de mon lit, en train de sourire. Pourquoi souriez-vous ainsi sans la moindre honte ? Votre vue m’est insupportable. Je ne vous aime pas. Je ne vous aimerai jamais. Effacez de votre visage ce sale sourire hypocrite. Je vais vous tuer. Je vous rendrai froid, dur et laid. Je vous tuerai. Je vous embrasserai. Je vous tuerai. Je mordrai. Je vous enfermerai dans ce tiroir et vous ressortirai à ma guise, vous serez à moi. À moi, à moi, à moi ! Pas à vous. Ni à elle. Alors peut-être je vous aimerai une toute petite fois et je vous jetterai. Parce que je n’aurai plus besoin de vous. Sortez d’ici, lentement, s’il vous plaît. Je vous en prie. Quittez cette chambre. Vous avez le droit de me donner un petit baiser, ici. Et maintenant, sortez. Si vous pensez que je suis belle, dites-le-moi avant de partir. Je commence au bout de mes orteils et m’achève au sommet du crâne, ne l’oubliez pas. Tout cela, c’est Erna Stift. Moi. »
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Une idée se fit jour alors dans l’esprit de Rost : voilà l’essentiel. Tout valait la peine pour cet instant unique. Même cinquante ans de tourments. Même une vie entière pour cet instant unique.
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