Habile entrelacs de deux époques. L'auteur a construit cette improbable rencontre au cimetière de Sainte Geneviève des bois (charmant endroit dont la visite est à recommander à ce qui s'intéresse à la Russie éternelle et à ses fils : Tarkovski, Nekrassov, Lifar…), comme prétexte à revisiter, au travers de cette saga familiale, la chute de l'ancien régime et à l'assassinat de la famille impériale. J'ai revisité Tobolsk et son magique kremlin aux couleurs brillantes sous un ciel changeant et frisquet, magnifique moment. Belle écriture d'une encre trempée dans la nostalgie et l'âme russe.
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Alors que je suis d'ordinaire très enthousiaste à propos des romans de Volkoff, celui-ci m'a légèrement déçue. Certes, la langue est belle, l'âme russe est retranscrite avec maestria et la documentation est précise, comme d'habitude dans un roman de cet auteur.
Et pourtant...
Il y a une sorte de platitude dans cette histoire. Ces histoires, plutôt, que l'on suit en parallèle en comprenant fort bien ce qui les lie, mais... Quelque chose sonne faux. Ou plat. Ou artificiel.
En bref, quelque chose ne prend pas.
La lecture reste plaisante, bien entendu, mais Volkoff a fait mieux, bien mieux. Petite déception, je ne pense pas que je le relirai - d'autant plus considérant la taille actuelle de ma PAL.
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Des veilleuses rouges luisaient paisiblement sur des pierres tombales. Des icônes méditaient sur d'autres. Des croix de bois s'abritaient sous des toits pentus. Et les noms s’alignaient, en caractères latins ou cyrilliques, et les titres de noblesse, et les ordres de chevalerie, et les décorations, et les regiments dans lesquels les morts avaient servi, énumérés avec tant d'attendrissement et de minutie qu'on eût cru qu'ils y servaient encore. Ce cimetière, c'était un manuel d'histoire, c'était un armorial, et Sergo eût pu n'y voir que les témoignages du dernier orgueil de ceux à qui plus rien n'appartient et qui se consolent en pensant qu'eux du moins ont appartenu, mais il perçut qu'il s’agissait de bien autre chose : ces princes, ces évêques, ces généraux, et, dans les tombes plus récentes, ces cornettes et ces midships de quatre-vingts ans, ne se voulaient inséparables de leurs distinctions que parce qu'ils se préparaient à rendre compte de l'usage qu'ils en avaient fait. On devinait, sous terre, le bourdonnement de ces guerriers vaincus et désormais invincibles, qui attendaient impatiemment le premier coup de trompette de la parousie pour surgir de terre en tenue de parade. Cette Sainte-Geneviève-des-Bois, c'était déjà la vallée de Josaphat.
- Vous avez déjà pensé que sans votre père et votre mère, vous ne seriez pas ? Donc, sans vos grands-pères et vos grand-mères, vous ne seriez pas non plus. Et cette espèce de filet s'étend jusqu'au fond de l'histoire, jusqu'aux Slaves, jusqu'aux Vikings, jusqu'aux Grecs, jusqu'à Néanderthal... Et vous, vous êtes un résumé de tous ces gens qui ont vécu votre vie avant vous, vous leur devez la moindre des cellules de votre peau. Pour un huitième de moi, je suis lui. Vous avez pensé à ça ? répéta-t-elle.
Non. Il n'y avait pas pensé. En comptant de la sorte, un quart de lui était Basile Psarsky, le bâtard, le transfuge, le héros bolchevique. Basile mort était encore vivant en lui. Sergo, à qui on avait appris que les morts devaient être passés par profits et pertes, ne s'attendait pas à ce genre de confrontation au-dessus de cette tombe faite de terre de France, caillouteuse, griffée par le froid, mais renfermant un Volodia qui, de son temps, avait senti, pensé, joui, souffert, et qui laissait en héritage un huitième d'Ouirko, autant que son demi-frère Basile en laissait de lui, Sergo.
À l'occasion de la parution du premier tome des "Aventuriers de l'étrange", Bertrand Puard revient pour Hachette.fr sur cette toute nouvelle création de la Bibliothèque Verte. Une série notamment inspirée par les livres de cette mythique collection, d'Agathe Christie à Alfred Hitchcock en passant par Vladimir Volkoff, et dont le doublement primé à Cognac fut lui-même lecteur.