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EAN : 9782021022407
192 pages
Seuil (02/09/2010)
4.2/5   22 notes
Résumé :
La figure de l’écrivain telle que l’imagine Antoine Volodine. Ni alcoolique génial ni géant hugolien, ni romantique torturé, et encore moins sommité mondaine adulée par les médias. L’écrivain ici se débat contre le silence et la maladie, quand il n’est pas sur le point d’être assassiné par des fous ou des codétenus. Qu’il soit homme ou femme, il sait qu’il n’a aucun avenir. Souvent, il est analphabète, comme Kouriline, qui évoque oralement la terreur stalinienne en ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Toutes les voix qui habitent ce livre, les sept principales unies à toutes celles qu'elles relayent, envahissent le lecteur. Elles donnent envie de les faire entendre à notre tour en les psalmodiant.
Faire comme ces «Ecrivains», méconnus ou totalement inconnus, qui entrelacent leur voix et font entendre celle des morts qui les hantent jusqu'à ce qu'eux-même soit emportés. Car ce qui importe c'est de dire, de montrer une fois, une dernière fois avant de disparaître que «tant que nous disposerons d'un peu de souffle encore, nous inventerons encore et encore la magie absurde de cette parole, nous irons dans les mots et nous dirons le monde.» (voix de Linda Woo dans «Discours aux nomades et aux morts»)

Lutter jusqu'au bout même seul, isolé dans la folie, l'enfermement, le silence, parvenir à dire même mal, en résistance contre la dictature, contre le mépris, contre la mort, jusque dans la sombre errance du bardo telle Marie Trois-Cent-Treize qui a été abandonnée par le lama qui devait préparer son corps et la guider par sa voix durant les 49 jours que dure le voyage vers la réincarnation ou la lumière.

Je trouve que la définition de l'apport de Nikita Kouriline à l'ensemble définit parfaitement la façon dont est composé «Ecrivains» à travers ses sept chapitres. 
«Le roman de Kouriline comporte plusieurs parties qui ne sont pas successives mais s'entrecroisent sans cesse et forment un tissu puissant, brutal et indéchirable, qui peut à tout moment être renforcé par de nouveaux apports. L'auteur ne se soucie pas d'ordonner musicalement l'ensemble de ses multiples composantes narratives, parce qu'il sait qu'elles tiennent formidablement entre elles, qu'elles sont indissociables et que rien ne viendra les défaire tant qu'il sera vivant pour les énoncer.» ("Demain aura été un beau dimanche" dernier chapitre)

Oui, toutes les voix de ce livre n'en forment qu'une dont celle de Volodine qui les convoque les unes après les autres comme Outchour Tenderekov qui «monte sur une chaise et agite les bras pour que le rêve revienne en lui.... , et dont «on pourrait penser qu'il se livre à une séance d'évocation chamanique». Et le lecteur est lui-aussi envouté.
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Entrer dans l'univers d'Antoine Volodine et des écrivains post-exotiques, c'est pénétrer un monde clos et fascinant, parfaitement cohérent même s'il semble parfois chaotique, dans lequel les écrivains et leurs fictions sont mis en abîme de manière vertigineuse.

Paru en 2010 aux éditions du Seuil, «Écrivains» forme un morceau à la fois simple et génial de cet édifice littéraire, sept portraits d'écrivains du côté des perdants, dans un monde tragique qui renvoie aux heures les plus sombres de l'histoire contemporaine. Volodine nous montre la grandeur de ces écrivains aux marges, dissidents restés fidèles à la révolution, malades internés, écrivains analphabètes, incarcérés et torturés, écrasés par la noirceur de l'histoire et la défaite de leurs idéaux, mais toujours habités par la flamme de la lutte.

«Elle s'appelle Linda Woo. Si on veut se représenter sa tête et son apparence, on peut penser à un film du cinéma de Hong-Kong. Elle ressemble à Dora Kwok dans «Lonely Dragons». En réalité, elle est plus belle encore, car sur son visage la passion a laissé des traces, le feu de la lutte des justes contre les monstres. Derrière le masque de douleur et de solitude, sous la peau que le manque de soleil a enlaidie, subsiste une lumière que rien ne peut éteindre. Comme nous, elle a perdu toutes les batailles. Elle est magnifique mais elle a perdu.» (Discours aux nomades et aux morts)

Lecture bouleversante, «Comancer» met en scène un écrivain en proie à des tortionnaires déments, qui s'évade mentalement en se remémorant ses débuts en écriture, alors qu'il n'était qu'un petit garçon noircissant des couvertures de cahier en salle de classe.

«Ils reviennent à lui, ils le battent.
Il fait contre mauvaise fortune bon coeur, et il attend, presque tranquillement, que leur rage franchisse un nouveau stade et qu'ils le zigouillent. Il sait que la fin approche et plutôt que de faire le bilan de son existence, plutôt que d'invoquer la dernière décennie passée en asile, marquée par une longue chaîne monotone de bagarres et de journées de prostration, ou ce qui a précédé l'univers médical spécial, une vie de guérilla, de romans non publiés ou mal publiés et d'enfermement dans un quartier de haute sécurité, il préfère se réfugier dans la classe de Frau Mohndjee.» (Comancer)

Antoine Volodine arpente la ligne du temps, sans jamais nous lâcher la main, sur un chemin tragique qui fait écho à l'histoire malheureuse du XXème siècle et à ses génocides. Ses personnages supportent ces situations d'un tragique extrême grâce à l'humour distancié et fataliste de celui qui n'a plus rien à perdre, dont on trouve ici un sommet, dans le chapitre intitulé «Remerciements».

«Parmi les personnes à qui je suis formidablement redevable de m'avoir soutenu dans les moments difficiles, une place toute particulière doit être réservée à Tatiana Vidal, à son mari Olaf et même à leur bébé Carmelita, pour les encouragements qu'ils m'ont prodigué alors que, songeant à me défenestrer, j'avais déjà enjambé le rebord du balcon de leur vingt-deuxième étage. Sans leurs paroles réconfortantes, intelligentes et appropriées, et sans les sanglots stridents de Carmelita, je crois bien que je n'aurais jamais terminé mon roman «Macbeth au Paradis».» (Remerciements)

On ne finit jamais de lire et relire Volodine.
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Les voix de Volodine.
Volodine n'est qu'une des voix du courant obscur surgit des cauchemars du XXe siècle, ce siècle perdu de tortures, de barbaries, de nihilisme, et d'utopies meurtrières. Antoine Volodine, Lutz Bassmann en passant par Manuela Draeger, sont déjà les hétéronymes déroutant d'un même écrivain, auquel s'ajoute tout un réseau d'alter-écrivains activés au fil des textes et des appels intertextuels. C'est une machinerie auquel Volodine (pour prendre la voix principale) tient beaucoup, celui porte-parole des morts, des disparus, des marginaux et des cruautés vécues et oblitérées.
Ainsi dans ce livre d' « Ecrivains » il n'est pas question de retracer l'improbable maquis d'expérience de Volodine lui-même ou d'écrivains réels ou hétéronymes, mais plutôt de ces parcours d'écrivains imaginés encore – et nécessairement – inconnus. Et maudits aurait-on envie de rajouter. Mais finalement pas tant que ça. Là où l'on était presque habitué aux antiennes du post-exotisme, dans ce volume le décalage et l'ironie est une stratégie durant les 7 récits qui composent cet improbable « roman » défiant tous les genres. Rien que l'appellation « roman » là où Volodine avait créé les genres improbable de la Shaggå, de l'entrevoûte, du romånce, du murmurat, du narrat, nous fait un signe.

Comment ces écrivains sont devenus écrivains du post-exotisme, autobiographie forcément fictionnelle fractionnée et incomplète. Pour en rendre la teneur je ferais 3 groupes avec ces récits :

1) « Mathias Oldane » et « La stratégie du silence dans l'oeuvre de Bogdan Tarassiev », narrent les déboires et la débâcle de deux écrivains supposés et à venir dans une satire assez drolatique, satire que prolonge « Remerciements » qui n'est autre chose qu'une liste de remerciements caviardés d'anecdotes sombres, d'admirations décalées et de légères détestations parodiant les « remerciements » d'un livre bien sûr inévoqué et attaquant là encore la machine médiatico-éditoriale.
2) Deux récits : l'un « Comancer » rappelle la biographie comparée à Jorian Murgrave, en décrivant la plongée dans l'enfance traumatique et pourtant illuminée d'un écrivain, tandis que l'autre, « Demain aura été un bon dimanche », reste plus classique (sic): un écrivain marqué par la mort de sa mère en couche et les exécutions sommaires des troïkas soviétiques.
3) Enfin « discours aux nomades et aux morts » comme « Théorie de l'image selon Maria Trois-Cent-treize » sont des métadiscours sur le post-exotisme, procédant comme toujours par proximité et différence pour tisser les leurres de l'impossible théorie de cet univers volontairement noirci. Parce que c'est la fiction-condition de la révolte ? Mystère, les rapports entre littérature et engagement sont particulièrement complexes.

La réflexion de Volodine est profonde, sa voix singulière s'impose et se confirme au fil des oeuvres qu'il compose. Dans ce livre reprenant par excellence celui des « voix » de l'écrivain s'il n'y a pas de « parlure » à la pâte de loukoum proustien (grâce lui soit rendue), tous ses personnages se font écho d'une même expérience de la violence et parlent avec la même pâte noire du désastre dans la bouche. Et même cette suie a du goût, et ces voix ont du sens et font en commun un choeur difficile à ignorer. Espérons donc qu'il soit lu encore davantage.
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"Ecrivains" épouse la forme de la mosaïque de récits indépendants et qui néanmoins entrent en résonance. La plupart des récits composant cet improbable "roman" tournent autour de la figure de l'écrivain maudit. C'est mon premier Volodine et je ne suis pas encore familier du "post-exotisme", je suis sans doute passé à côté de certaines choses mais je retiens la singularité de l'auteur. J'ai tout de suite eu l'impression d'entrer dans une oeuvre très personnelle qui m'a toute de suite donner envie de multiplier mes lectures Volodinienne...
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Paru le 2 septembre, "Ecrivains" est le 19ème roman de l'écrivain français Antoine Volodine, également connu sous les pseudonymes d'Elli Kronauer, de Manuella Draeger et de Lutz Bassmann.
7 chapitres, 7 personnages et autant de destins croisés. Placé en maison de santé, Mathias Olbane a pour habitude de jouer à la roulette russe avec son arme et, arrivé au décompte final, repousse sans cesse son suicide.
Linda Woo, enfermée dans une prison, évoque le post-exotisme et l'engagement politique des écrivains. Une femme nue du nom de Maria trois-cent-treize improvise en prison une conférence sur l'image. Un homme, torturé par ses compagnons d'asile, se rappelle ses souvenirs d'enfance pour échapper à la violence des coups et de cette fin qu'il sait toute proche.
Un autre remercie toutes les personnes ayant chacune contribué à leur façon à enrichir sa vie comme son oeuvre.
Bogdan Tarassiev commet plusieurs assassinats tandis que Nikita Kouriline qui s'est toujours senti coupable de la mort de sa mère, décédée en le mettant au monde, enquête sur les circonstances réelles de cette disparition pour en faire un roman qui ne sera jamais publié.

"Ecrivains" dresse une galerie de portraits d'écrivains plutôt atypiques, anonymes en raison d'un manque d'intérêt pour leurs publications ou parce que leurs tentatives de rédaction sont restées inabouties.
Sur le déclin, ils sont tous unis par cette même solitude engendrée par l'écriture comme par l'emprisonnement et l'inaccessibilité au monde extérieur.
Personnages en souffrance parfois malades, écrivains-justiciers voire kamikazes, ils touchent de près à la mort qu'ils savent inéluctable, une situation qui permet à l'auteur de revenir sur leurs antécédents.
Si les différents chapitres composant ce roman peuvent se lire comme des nouvelles, les personnages qui s'y retrouvent convergent tous vers ce que l'auteur dénomme le post-exotisme qui désigne une certaine forme de marginalité vis-à-vis des courants littéraires existants, concept qui se trouve d'ailleurs inscrit dans le reste de son oeuvre.

Vous l'aurez compris, les portraits décrits ici se veulent majoritairement sombres et angoissants.
Or il arrive aussi qu'en écho au désespoir de chacun des protagonistes, un humour acerbe se manifeste de façon timide ou plus prononcée comme c'est le cas dans le chapitre "Remerciements" qui m'a valu plusieurs rictus.

"Ecrivains" est un roman qui requiert une attention minutieuse de la part du lecteur car si l'auteur ne fait pas l'économie du détail pour nous transmettre ces portraits fictifs et pourtant plus vrais que nature, son univers imaginaire est si particulier qu'il nécessite une immersion totale de la part du lecteur, chose à laquelle je ne suis pas toujours parvenue.
Une lecture que je qualifierais donc d'exigeante mais dont l'originalité du propos m'a troublée à plus d'un titre.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
... il se rappelle les fils de la Vierge, des filaments ondulants, des cheveux d’une finesse extrême qu’on ne voyait pas à contre-jour, mais dont la blancheur argentée se détachait avec une grande netteté quand il volaient devant le feuillage des arbres de la cour, quand ils volaient lentement devant les marronniers et les tilleuls, il se rappelle que pendant un instant il avait failli se laisser distraire par cette texture soyeuse de l’air du dehors, par cette pluie miraculeuse, car, tout en brûlant d’une excitation violente qui lui ordonnait de négliger toute autre activité mentale que l’écriture, il conservait un intérêt pour les choses étranges du monde, pour les phénomènes surnaturels contre quoi l’assurance des adultes vacillait, et l’apparition automnale des fils de la Vierge était de ceux-là... p 46
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Elle aime s’adosser au mur en imaginant qu’elle traverse le mur, qu’elle est dépeignée par le vent, qu’elle est sous le ciel mouvant de la steppe, au milieu des herbes mouvantes, et qu’elle parle plus fort que les souffles, qu’elle dit le monde. p 28
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Les écrivains du post-exotisme ont en mémoire, sans exception, les guerres et les exterminations ethniques et sociales qui ont été menées d’un bout à l’autre du XXe siècle, ils n’en oublient et n’en pardonnent aucune, ils conservent également à l’esprit, en permanence, les barbaries et les inégalités qui s’aggravent entre les hommes, et pas une seconde ils n’écoutent les chiens des maîtres qui leur suggèrent d’adapter leur propagande à la réalité et au présent tels que les conçoivent les responsables du malheur, et qui leur conseillent de rompre avec leurs croyances obsolètes, de s’avouer vaincus et de rejoindre, après, bien sûr, les formalités de levée d’écrou, le camp des paroliers officiels, où ils pourraient à leur tour et à leur manière participer à l’embellissement philosophique et poétique du malheur, par exemple en chantant les avantages du présent et en expliquant, aux gueux sans nombre de cette planète, que tout ira bien pour eux, ou plutôt pour leurs descendants, s’ils sont patients, s’ils acceptent de végéter encore mille ans sans toucher à rien. p 34
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Les écrivains post-exotiques n'étaient pas des scribouilleurs de pacotille, ils se sont engagés en politique avec des armes, ils ont pris le chemin de la clandestinité et de la subversion, et sans craindre ni la folie ni la mort ils se sont lancés dans une bataille où ils n'avaient qu'une chance minime de gagner, une chance infinitésimale, et ils se sont ainsi retrouvés soldats et solitaires, dérisoirement peu nombreux sur le front d'une guerre où, combat après combat, ils perdaient tout.
Linda Woo
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La voix des personnages est souvent issue de leur poitrine plutôt que de leur crâne, continue-t-elle. Elle passe par les matières rouge sombre des poumons, à travers des tuyaux aux couleurs vicieuses et incertaines comme le sont celles des méduses et des cartilages de cadavres, puis elle tremble sur des cordes rougeâtres qui sont, disons-le franchement, d'une laideur à couper le souffle, d'une laideur que seuls peuvent égaler la langue et l'intérieur de la bouche quand on les examine de l'intérieur, par exemple quand on vient juste de déboucher en haut du pharynx et que déjà on prend la direction des dents et des lèvres
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Videos de Antoine Volodine (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Volodine
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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