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EAN : 9782070752485
112 pages
Gallimard (05/03/1998)
4.34/5   28 notes
Résumé :
Qu'est-ce que le post-exotisme ?... leçon onze : Comment et pourquoi une littérature de rêves et de prisons, profondément étrangère aux traditions du monde officiel, a-t-elle pu exister dans le quartier de haute sécurité où pourrissent les criminels politiques ?... Quelle voix récite les livres, quelle main les signe ?...
Pour donner un sens à son agonie, l'écrivain emprisonné Lutz Bassmann murmure des réponses et, ce faisant, il compose une ultime fiction.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« La véritable construction du post-exotisme a débuté lorsque j'ai publié, sous plusieurs signatures, le post-exotisme en dix leçons, leçon onze. le coeur du post-exotisme était proclamé, la vision d'un édifice devenait nette. »

Le coeur du post-exotisme, c'est donc un bâtiment de haute-sécurité d'une prison, où stagne une odeur de pourri, avec des flaques de moisissure sur les murs et le bruit obsédant d'une pluie incessante qui crépite sur la façade. de nombreux dissidents post-exotiques y sont morts, dont Manuela Draeger, un nom qui vous dit peut-être quelque chose: je vous avais parlé d'un de ses livres, Moi, les mammouths.
Là, peut-être que vous levez les yeux au ciel, ou que vous vous grattez le ciboulot en pensant : Mais qu'est-ce qu'elle raconte, à la fin, Manuela Draeger, céti l'auteur des enquêtes de Bobby Potemkine ou un membre de cette communauté de personnages incarcérés, imaginaires ??
Et bien c'est là un des charmes du post-exotisme, la différence entre auteur et personnage se brouille, la fiction déborde de l'intrigue, du livre, et se déverse sur l'espace de production de l'ensemble des oeuvres post-exotiques. C'est une grosse construction, un vaste édifice qui devra compter 49 livres signés par différents auteurs: Antoine Volodine, mais aussi Lutz Bassmann, Manuela Draeger, qui font partie de l'univers fictionnel tout en existant dans le monde de l'édition.
Mais revenons à notre prison. Après la lutte armée, les Égalitaristes post-exotiques, vaincus, incarcérés, déversent «sous forme romanesque leur passion non éteinte». Et même quand «l'espoir de possibles renouveaux et de possibles encore» s'éteint, ils connaissent un âge d'or grâce au gros pouvoir de leur créativité littéraire qui leur permet de réduire l'ennemi, dans l'espace de leurs oeuvres, à une ombre fragile.
Aussi sombre et horrible qu'il soit, il y a donc toutes sortes de lueurs dans cet univers carcéral puant, moisi et violent. Il y a la fraternité magnifique qui lie les post-exotiques - un lien fusionnel pourrait-on dire, le JE est pour eux un NOUS, un pour tous, tous dans un. Que les post-exos de toutes les cellules en Volodine soient unis, la fiction le justifie donc aussi.
Et puis, il y a de vigoureuses pirouettes, de puissants jeux de renversements, «une conception des contraires où les contraires se confondent», où par exemple le non-vivant est vivant, où, entre la vie et la mort, il n'y a guère de différence. C'est vraiment une consolation de lire ça, non, quand le début du livre nous avait un peu assommé en nous apprenant que l'ultime voix survivante du post-exotisme allait s'éteindre.

Pour qui s'intéresse au post-exotisme, ce livre est très intéressant puisque c'est là que s'est cristallisé ce monde parallèle. Mais bien sûr, il ne faut pas s'attendre à ce que tout devienne limpide pour autant, rassurez-vous, on continuera toujours autant à s'interroger sur les mystères post-exotiques, un des principes de nos écrivains incarcérés étant qu'«une part d'ombre toujours subsiste au moment des explications ou des aveux».
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Extrait de ma chronique (croisée avec les "Haïkus de prison") :

"En fait de leçon, la mort annoncée de Lutz Bassmann est surtout l'occasion pour le narrateur de revenir sur un des moments-clé du post-exotisme, le "colloque" (pages 18, 34, 44, 53) organisé en prison pour interroger (au sens quasi-policier du terme) les auteurs et autrices post-exotiques encore en vie – un événement annonciateur de la leçon que, dans le monde réel, Antoine Volodine donnera à la BNF en 2006.


Avec une jubilation féroce, Antoine Volodine croque deux journalistes arrivistes, Blotno et Niouki, mais aussi, face à eux, quatre auteurs et autrices de la dernière génération du post-exotisme, dans un décor carcéral marqué, comme toujours chez Volodine, par l'irruption de la pluie et du vent (voir Les Filles de Monroe pour une version plus récente du trope)."


Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Le post-exotisme, ça vous parle ? Si non, pas de panique : Antoine Volodine a écrit le livre qu'il vous faut.
Retraçant l'histoire fragmentaire de tous les avatars de Volodine, parmi lesquels Manuela Draeger et Lutz Bassmann, ce "roman-manuel" explique les origines de leur inspiration commune : leur incarcération dans un terrifiant "bâtiment de haute sécurité", véritable machine à broyer les êtres.

S'épanouissant dans des univers carcéraux ou post-apocalyptiques, le post-exotisme est ainsi un cri révolutionnaire et subversif, un appel à la libération qui se mêle à une inspiration d'ordre chamanique - la transe étant, elle aussi, une manière de se libérer. Doté de ses formes propres (comme les shåggas, les romånces ou les narrats) que l'on retrouve dans toute l'oeuvre de Volodine, travaillé par le thème de la frontière entre la vie et la mort, le post-exotisme est une entreprise sidérante et complexe... qui n'aura plus aucun secret pour vous après la lecture de ces dix leçons !
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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La clé d'entrevoûte, retorse et vertigineuse, de l'édifice post-exotique.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/09/20/note-de-lecture-le-post-exotisme-en-dix-lecons-lecon-onze-antoine-volodine/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Leur cryptage est vain, leur indéniable beauté est vaine, peut-être tout simplement parce que personne ne. Personne n’écoute. Nul vivant autre que Lutz Bassmann n’est attentif. Dans de telles œuvres, l’idée de la connivence avec le lecteur, si huileuse et si généreusement épandue sur les rouages de la littérature officielle, a été négligée jusqu’au moindre détail. On a là les borborygmes terminaux, les ultimes rauqueries scandées du post-exotisme… POST-EXOTISME. Ce mot encore. De nouveau ici ce lourd vocable. Autour de lui nous avons tourné, depuis le début, comme des charognards autour d’une carcasse. QU’EST-CE QUE LE POST-EXOTISME ? Insolente question, fort mal venue en ce jour où meurt Bassmann, mais dont le surgissement à cet endroit démontre qu’un demi-siècle après Des Anges mineurs, de Maria Clementi, les sympathisants, à l’extérieur, n’ont pas… Démontre que les incarcérés sont restés seuls. Un colloque sur le post-exotisme fut organisé avec la participation de Lutz Bassmann, avant les années zéro du XXIe siècle, il y a de cela dix-huit ou dix-neuf ans. On vivait plus ou moins en 1997. Au-delà des murs de la prison, ce devait être une période de creux éditorial, ou de reflux vers ce que la littérature officielle considère elle-même comme le pire. Deux chroniqueurs célèbres avaient été envoyés chez nous par un magazine culturel à grand tirage que subventionnaient, je crois, des industriels mafieux de la viande et du bâtiment. Je dis « je », « je crois » mais on aura compris qu’il s’agit, là aussi, de pure convention La première personne du singulier sert à accompagner la voix des autres, elle ne signifie rien de plus. Sans dommage pour la compréhension de ce poème, on peut considérer que je suis mort depuis des lustres, et ne pas tenir compte du « je »… Pour un narrateur post-exotique, de toute façon, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre la première personne et les autres, et guère de différence entre vie et mort.
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Le surnarrateur imagine une diffusion à l’extérieur des murs, son romance développe la notion d’exil du texte. Les narrateurs savent qu’une manipulation du texte aura lieu ailleurs que dans le quartier de haute sécurité, et que des mains et des esprits s’en empareront, dont certains seront dépourvus de bienveillance. C’est pourquoi le discours littéraire du post-exotisme suit les sinuosités et les ruptures d’un interrogatoire de police. Des précautions sont prises, en particulier le cryptage des noms et des actions, ainsi qu’une esquive narrative consistant à ne pas raconter ce qu’exigerait la logique fictionnelle, à bavarder d’une façon fallacieuse, à parler beaucoup, uniquement pour gagner du temps, à parler d’autre chose.
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Page 11

Cette liste que je donne contient des informations volontairement erronées et elle est incomplète. Elle respecte le principe post-exotique selon quoi une part d’ombre toujours subsiste au moment des explications ou des aveux, modifiant les aveux au point de les rendre inutilisables pour l’ennemi. La liste aux apparences objectives n’est qu’une manière sarcastique de dire à l’ennemi, une fois de plus, qu’il n’apprendra rien. Car l’ennemi est toujours quelque part rôdeur, déguisé en lecteur et vigilant parmi les lecteurs. Il faut continuer à parler sans qu’il en tire bénéfice. Il faut faire cela comme lorsqu’on dépose devant un tribunal dont on ne reconnaît pas la compétence. On élabore une proclamation solennelle, dans une langue qui paraît être la même que celle des juges, mais que les juges écoutent avec consternation ou ennui, car ils sont incapables d’en percer le sens… On la récite pour soi-même et pour des hommes et des femmes non présents…
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Les derniers jours, Lutz Bassmann les passa comme nous tous, entre la vie et la mort. Une odeur de pourri stagnait dans la cellule, qui ne venait pas de son occupant, encore que celui-ci fût à l’article de et se négligeât, mais du dehors. Les égouts, dans la ville, fermentaient, les docks des installations portuaires émettaient des signaux rances, les marchés couverts empestaient, comme souvent au printemps, en période de crue et de premières chaleurs. Le mercure des thermomètres n’indiquait jamais moins de 34 ou de 35° avant le petit matin, et il remontait dès que la nuit se retirait pour laisser place à d’accablantes grisailles. Des flaques de moisissure avaient refait leur apparition sur tous les murs. Dans les heures qui précédaient l’aube, l’obscurité gagnait en puissance au fond des poumons, sous le lit, sous les ongles. Les nuages crevaient en cataractes au moindre prétexte. Ce bruit obsédait tout le monde. Depuis que Bassmann avait commencé à se sentir mal, la pluie n’avait cessé de crépiter sur la façade de la prison, grenaillant le silence et le meublant. Elle ruisselait sur l’extérieur, franchissait la lisière de la fenêtre, et mornement elle traçait des coulées de rouille juste en dessous des barreaux, sur le tableau d’affichage que certains gardiens avaient baptisé le « panneau syndical », et qui ressemblait plutôt à un très vieux collage cubiste ou futuriste, très dense, très défraîchi. L’eau zigzaguait entre les photographies et les extraits de journaux que Bassmann avait épinglés là, et qui l’avaient aidé à supporter son séjour dans le quartier de haute sécurité, parmi nous : ce voyage immobile qui durait déjà depuis vingt-sept ans, vingt-sept longues, longues, longuissimes années.
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A l'instant où elle allongeait Ie "u " de fractures, une bouffée fétide se faufila sous la porte du parloir, depuis le sas de surveillance, et nous entoura, elle, le preneur de son et moi. Je me rappelle la composition de ce bouquet : carton mouillé, rat d'égout, mousses caverneuses de pissotières — certainement celles du haut de l'avenue -, fruits de mer pourris, buanderie du quartier des droits communs, rouille, vase d'égout, ferraille, soupe de légumes, friture. J'analysais et j'énumérais tout en feignant de boudeusement méditer.
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Vidéo de Antoine Volodine
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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