L'histoire de "
L'ingénu" se déroule en 1689 et
Voltaire rédige le conte presque un siècle plus tard en 1787.
Voltaire enrichit ici la formule du conte philosophique qu'il a déjà utilisée pour écrire son "
Candide".
A travers les aventures d'un jeune Huron débarqué fraîchement en Basse Bretagne depuis son Canada natal, c'est toute la société de l'Ancien Régime et ses dysfonctionnements qui sont durement fustigés ici par
Voltaire.
Corruption, intolérance religieuse, étroitesse d'esprit, préjugés, tout ressort encore plus durement à travers les observations fines et détachées de ce jeune étranger.
Le Huron est d'abord accueilli au sein d'une société provinciale particulièrement étroite de vues.
Ainsi l'abbé local ne conçoit pas qu'un homme né hors de France puisse avoir le sens commun.
Ce jeune Huron que l'on va baptiser "Hercule", va rapidement bousculer les habitudes et les manières de voir bien ancrées des notables locaux.
Après avoir vaillamment combattu contre les Anglais et touché le coeur de la charmante Melle de Saint Yves, il va se rendre à Versailles pour toucher le prix de ses services rendus.
Mais là, de mauvaises surprises l'attendent. Notre sympathique jeune Huron s'est fait en effet de sérieux ennemis dont le bailli local, père du fiancé de Melle de Saint Yves ....
A travers cette satire ce sont aussi des personnages historiques ayant réellement existé qui sont visés, notamment Louvois, ministre de la guerre, et sa maîtresse Mme Dufresnoi qui apparaît ici sous le nom de Mme du Belloy.
Est aussi visé, bien qu'appartenant à l'époque de
Voltaire, le secrétaire d'Etat de Louis XV Saint-Florentin, désigné ici sous le nom de Saint-Pouange.
L'Administration apparaît comme un labyrinthe sans fin, alors que les dirigeants ont l'air de gouverner sous l'emprise permanente de leurs maîtresses.
Encore une fois, le mythe du bon sauvage est utilisé pour mettre l'accent sur les travers de la société contemporaine de
Voltaire.
Toutefois quelques bémols: le Huron est un personnage qui va évoluer au fil du conte, ce qui le rend plus intéressant.
Il va absorber la culture et les connaissances de la classe dirigeante de l'époque et va ainsi acquérir une sagesse et une humanité qu'il n'avait pas, ou moins, au départ.
Ce qui ne l'empêchera pas de garder son solide bon sens et son côté rebelle en préférant les lois naturelles aux lois imposées par la société et en réclamant la liberté d'aimer.
Au final, une oeuvre intéressante de
Voltaire qui se termine sur une note plutôt optimiste: même si le monde peut paraître dénué de sens, quelques valeurs sûres comme l'amitié et l'amour, ainsi que la réflexion, permettent à
Voltaire d'affirmer sa foi en l'homme.