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Jacques Van den Heuvel (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070428717
143 pages
Gallimard (15/05/2003)
3.93/5   424 notes
Résumé :
Le 9 mars 1762, le protestant Jean Calas est roué de coups sur la place publique de Toulouse, puis exécuté. Il est accusé sans preuves d'avoir tué son fils qui s'était converti au catholicisme. Niant depuis le début et clamant son innocence jusqu'à son dernier souffle, Calas n'est pas entendu. Mais bientôt, l'affaire gagne la capitale? Indigné, Voltaire s'empare de cette injustice. Devant l'incohérence du procès, il demande la réhabilitation du père Calas.Dénonciati... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
3,93

sur 424 notes
« le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice, le 9 mars 1762 est un des plus singuliers évènements qui méritent l'attention de notre âge et de la postérité. »
Voltaire n'y va pas par quatre chemin !

Alors je n'aurais pas l'outrecuidance d'imposer aux lecteurs de Babelio un commentaire de plus sur le fond de ce texte essentiel .Je préfère m'essayer à dégager ce en quoi Voltaire est complétement le fruit d'une orthodoxie morale et politique occidentale aux sources profondes .
Je frisonne souvent à la relecture des ouvrages français du XVII et XVIIIe siècle sur la philosophie politique au sens large ,car être le témoin par ces textes ,de la naissance de la libre pensée est tellement impressionnant.
D'où sort elle ? du raisonnement ( scientifique et de la maïeutique) appliqués méthodiquement et d'une immense culture aussi . Tout ceci réunis dans l'esprit d'âmes curieuses et avides non de liberté, mais de connaissances d'abord et non aussi de justice au sens contemporain du terme , mais plus dans une recherche d'équité qui repose sur l'expérience contemporaine de l'auteur et qui est antérieure à lui également .
Sur l'histoire des religions et de la théorie royale du pouvoir (le Princeps et le roi sacré par le sacre) , sur le concept Chrétien-Aristotélicien de la justice des hommes et de celle de dieu et sur le Politique (Politéias) .Il faut savoir que ce texte enseigne avant tout : c'est l'impact sur la réalité ,du raisonnement méthodique et de la culture générale encyclopédique sur l'univers observable.
Cet essais largement historique , définie et défend la liberté de penser et la liberté de religion. Pour le catholicisme politico-social d'ancien régime et même médiéval l'intolérance est structurelle, légitime et naturelle . Si votre théologie s'écarte du canon vous êtes dans l'hérésie répréhensible. Tout ce qui s'écarte du canon et de la morale ,conditionnée par des prérequis théologiques, qui suintent prétendument de la moralité est idéativement une hérésie. Ceci est la nature théorique de la faute et tout est de la théologie. C'est un peu comme si la théologie était le fondement de la création exactement comme les mathématiques élucident aujourd'hui les arcanes de la création.
Par exemple quand l'ordre de Cluny découvre l'islam (au IXe siècle) la nature de cette croyance est posée comme hérétique. C'est fait sciemment afin de légitimer la lutte politique ( guerre juste) contre cette croyance. Contre l'hérésie le supplice et l'inquisition exigeante priment plus ou moins fortement sur le politique. Avec le temps L'hérésie passe au centre de la vie sociale occidentale el son champs sémiotique s'étend à la vie sociale par la surveillance de la morale et de la science ,lieux par excellence de danger moral. le saint siège à la vocation naturelle de sauver les âmes et les âmes seulement. Vous acceptez un sacrement , vous passez au barbecue ou bien Comme Callas au Supplice et vous êtes cuits ou démembré mais sauvé comme l'est le corps social à cette occasion .
Le christ était dans une situation politico-religieuse difficile et risquée . Il disait donc à Ponce Pilate : » Mon royaume n'est pas de ce monde » et sachez que c'est une phrase qui sauve plus que la théologie , car elle est le germe de la pensée laïque et des libertés conditionnelles des penseurs des lumières.
C'est le « Fiat Lux « de la liberté de penser !
Voltaire argumente librement et de manière orthodoxe contre une vison orientée , discutable et pas légitime du droit divin et sur la nature de la justice comme appliquée au droit et à la raison qui doit marquer toute entreprise humaine. Ne pas perdre de vue donc que , l'orthodoxie raisonnable De Voltaire ,plaira au roi car elle est conforme à la théorie religieuse et politique qui découle d'un processus née avec la pensée christique la plus orthodoxe . La liberté d'interroger l'univers est née de la vision , non religieuse, mais politique , du Christ lui-même.
Voilà le pourquoi et le comment ,Voltaire démontre que l'idée de tolérance ne doit pas se réserver à la sphère religieuse, mais qu'elle concerne consubstantiellement tous les domaines de la vie sociale et donc ultimement du politique dans son sens large (en grec).
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Ce traité est un coup de gueule du philosophe en 1763 contre la justice toulousaine et les religions. Puis, c'est aussi un coup de gueule des Français quand, après les attentats du 13 novembre 2015, il y a une recrudescence des ventes de ce petit livre.
Aaah, Voltaire, c'est mon pote, lui aussi ! J'ai l'impression de l'avoir toujours connu. 
En 1762, poussés par le capitoul ( maire-magistrat ) et la rumeur de Toulouse-la-catholique, 8 magistrats sur 13 envoient Jean Calas, huguenot, au supplice de la roue jusqu'à ce que mort s'ensuive, parce que, disent ils, il a pendu son fils Marc-Antoine car il voulait se convertir au catholicisme ... Mais c'est faux !
Profondément touché par cette injustice révélée par maintes incohérences, en 1763, François-Marie Arouet publie un "Traité sur la Tolérance", empli de raison, éclairé par Les Lumières, mais aussi, comme d'habitude avec lui, plein d'ironie et même d'insolence pour le monde religieux outrancier. 

Quand Socrate a bu la ciguë, il avait hâte de pouvoir discuter avec Homère. Quand je partirai, je serai pressé de trouver, outre ma famille,  Voltaire ... et Socrate ! On peut toujours rêver. 
Ce livre m'a fait rire et pleurer. Il est à rapprocher du "Napoléon le petit" de Victor Hugo, ou du "J'accuse" de Zola. Quand un grand écrivain sort ses tripes au nom de l'éthique, il est sublime. 
Qu'y a t-il dans ce petit livre ? Il est trop dense, et toute la culture de Voltaire s'exprime, avec un nombre incalculable de témoignages, de références. Les Romains furent tolérants, pas les Juifs ni les Chrétiens : la plupart des histoires de saints sont des fadaises, des impostures, des mensonges, montre t-il. 
"Voyons si Jésus-Christ a institué tout ça !" (là, on se rapproche de « La religieuse » de Diderot ), écrit-il. Mais non, ses paraboles sont mal interprétées par les hommes, et autant d'occasions de persécuter les humains, nos frères. L'ironie est partout, pas forcément goûtée par la mentalité française, mais plus dans l'esprit anglais. Puis il cite de nombreux témoignages signifiant l'intolérance : st Augustin, st Hilaire, st Justin, Fénelon, de Thou, etc... 
Il invente ensuite le dialogue absurde entre un mourant et un fanatique lui ordonnant d'abjurer sa religion ; ... Ensuite, contre les outrances de l'intolérance, il invente une proposition "du pire" au jésuite le Tellier, confesseur de Louis XIV ; ... Puis il imagine une querelle idiote ( j'étais MDR) entre un jésuite et un janséniste en Chine ! 
... Et il fait un hommage à Dame Nature. 
En gros, Voltaire est contre les sophistes, les inquisiteurs, les jansénistes et les jésuites, l'évêque d'Hippone et autres extrémistes, les superstitions et les préjugés : "le droit à l'intolérance est barbare", dit-il, et Attila a fait moins de morts que toutes les religions, qui, estime t-il, jusqu'en 1763, ont fait cinquante millions de morts. Prend-t il en compte les indiens d'Amérique sacrifiés au catholicisme des conquérants espagnols ?

A la fin du livre, Voltaire se loue de la clémence de Paris qui a contré l'arrêt de Toulouse, libéré les filles de la veuve Calas, Louis XV le bien-aimé accordant à celle-ci une indemnité pécuniaire. 

Voltaire, par ses paroles incisives et ses pamphlets, me fait penser à  « Blanqui l'insurgé » (excellente biographie d'Alain Decaux ), un siècle plus tard : celui-ci fiut hors d'état de "nuire" la moitié de sa vie, pour cause de troubles et de provocations. Celui-là se réfugia en Angleterre et en Suisse.

Voltaire convainc très bien  : je suis devenu déiste grâce à lui, grâce à cette phrase : 

"L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer 
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger."
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Je ne vais pas m'étendre sur le contenu de ce traité. Je pense que tout le monde le connait.

Je suis toujours sous le charme du cynisme de Voltaire dans ses écrits (même si celui-ci est un peu pénible à lire du fait de la longueur des phrases).

Mais surtout ce livre me fait mal, parce que même si lors de sa sortie, Voltaire à réussi à obtenir la révision du procès de Jean Callas (un peu trop tard malgré tout). Aujourd'hui, 250 ans après la parution de ce pamphlet, les choses n'ont pas changées, voir, elles se sont même empirées.
L'intolérance, à tout point de vue, est devenue monnaie courante.
Aujourd'hui on se cache derrière le bien pensant, le politiquement correct afin de se voiler la face. Des mots des actes sont interdits par la loi, ou sont tout simplement condamnés par la société.. mais ils sont toujours perpétrés et parfois même par les autorités dirigeantes.

Ces textes écrits par nos philosophes, fort heureusement, ont quand même réussi a éclairer une partie des êtres humains peuplant notre terre. Il est quand même dommage que de nombreuses personnes préfèrent rester dans les ténèbres...
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Ce traité est un coup de gueule du philosophe en 1763 contre la justice toulousaine et les religions. Puis, c'est aussi un coup de gueule des Français quand, après les attentats du 13 novembre 2015, il y a une recrudescence des ventes de ce petit livre.
Aaah, Voltaire, c'est mon pote, lui aussi ! J'ai l'impression de l'avoir toujours connu.
En 1762, poussés par le capitoul ( maire-magistrat ) et la rumeur de Toulouse-la-catholique, 8 magistrats sur 13 envoient Jean Calas, huguenot, au supplice de la roue jusqu'à ce que mort s'ensuive, parce que, disent ils, il a pendu son fils Marc-Antoine car il voulait se convertir au catholicisme ... Mais c'est faux !
Profondément touché par cette injustice révélée par maintes incohérences, en 1763, François-Marie Arouet publie un "Traité sur la Tolérance", empli de raison, éclairé par Les Lumières, mais aussi, comme d'habitude avec lui, plein d'ironie et même d'insolence pour le monde religieux outrancier.
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Quand Socrate a bu la ciguë, il avait hâte de pouvoir discuter avec Homère. Quand je partirai, je serai pressé de trouver, outre ma famille, Voltaire ... et Socrate ! On peut toujours rêver.
Ce livre m'a fait rire et pleurer. Il est à rapprocher du "Napoléon le petit" de Victor Hugo, ou du "J'accuse" de Zola. Quand un grand écrivain sort ses tripes au nom de l'éthique, il est sublime.
Qu'y a t-il dans ce petit livre ? Il est trop dense, et toute la culture De Voltaire s'exprime, avec un nombre incalculable de témoignages, de références. Les Romains furent tolérants, pas les Juifs ni les Chrétiens : la plupart des histoires de saints sont des fadaises, des impostures, des mensonges, montre t-il.
"Voyons si Jésus-Christ a institué tout ça !" (là, on se rapproche de « La religieuse » de Diderot ), écrit-il. Mais non, ses paraboles sont mal interprétées par les hommes, et autant d'occasions de persécuter les humains, nos frères. L'ironie est partout, pas forcément goûtée par la mentalité française, mais plus dans l'esprit anglais. Puis il cite de nombreux témoignages signifiant l'intolérance : st Augustin, st Hilaire, st Justin, Fénelon, de Thou, etc...
Il invente ensuite le dialogue absurde entre un mourant et un fanatique lui ordonnant d'abjurer sa religion ; ... Ensuite, contre les outrances de l'intolérance, il invente une proposition "du pire" au jésuite le Tellier, confesseur de Louis XIV ; ... Puis il imagine une querelle idiote ( j'étais MDR) entre un jésuite et un janséniste en Chine !
... Et il fait un hommage à Dame Nature.
En gros, Voltaire est contre les sophistes, les inquisiteurs, les jansénistes et les jésuites, l'évêque d'Hippone et autres extrémistes, les superstitions et les préjugés : "le droit à l'intolérance est barbare", dit-il, et Attila a fait moins de morts que toutes les religions, qui, estime t-il, jusqu'en 1763, ont fait cinquante millions de morts. Prend-t il en compte les indiens d'Amérique sacrifiés au catholicisme des conquérants espagnols ?
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A la fin du livre, Voltaire se loue de la clémence de Paris qui a contré l'arrêt de Toulouse, libéré les filles de la veuve Calas, Louis XV le bien-aimé accordant à celle-ci une indemnité pécuniaire.
.
Voltaire, par ses paroles incisives et ses pamphlets, me fait penser à « Blanqui l'insurgé » (excellente biographie d'Alain Decaux ), un siècle plus tard : celui-ci fiut hors d'état de "nuire" la moitié de sa vie, pour cause de troubles et de provocations. Celui-là se réfugia en Angleterre et en Suisse.
Voltaire convainc très bien : je suis devenu déiste grâce à lui, grâce à cette phrase :
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"L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger."
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Une belle oeuvre de Voltaire que j'ai eu envie de lire pour mettre en parallèle son époque et la nôtre, qui résonne trop souvent de faits divers xénophobes ou antisémites. Son traité sur la tolérance fait écho à la condamnation à mort et à l'exécution d'un père de famille toulousain de soixante-huit ans, protestant, à qui, fut reproché l'assassinat de son fils de religion catholique. le sujet est si sensible alors en France, depuis la révocation de l'édit de Nantes, que Voltaire déploie son argumentation en prenant le soin de ne jamais attaquer frontalement ni le Roi ni l'Église catholique, brossant dans le sens du poil chaque fois que nécessaire, ces deux piliers du pouvoir de son temps. Une stratégie qui lui permet de plaider sa noble cause sans risquer la censure de sa publication ou l'excommunication.
En tournant la dernière page, l'impression qui demeura, c'est que son discours aurait toute sa place aujourd'hui. Et l'on pourrait s'étonner que près de 250 ans plus tard, rappeler l'importance de la tolérance soit si indispensable. Que la croyance de chacun soit encore un motif de haine et de fureur.
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Citations et extraits (164) Voir plus Ajouter une citation
LUCIEN. : — Voilà d’étranges hommes que les barbares avec qui vous
viviez ! De mon temps, les Gètes et les Massagètes étaient plus doux et plus raisonnables. Et quelle était donc votre profession dans l’horrible pays que vous habitiez ?
ÉRASME. : — J’étais moine hollandais.
LUCIEN. : — Moine ! Quelle est cette profession-là ?
ÉRASME. : — C’est celle de n’en avoir aucune, de s’engager par un serment inviolable à être inutile au genre humain, à être absurde et esclave, et à vivre aux dépens d’autrui.
LUCIEN. : — Voilà un bien vilain métier ! Comment avec tant d’esprit aviez-vous pu embrasser un état qui déshonore la nature humaine ? Passe encore pour vivre aux dépens d’autrui : mais faire vœu de n’avoir pas le sens commun et de perdre sa liberté !
ÉRASME. : — C’est qu’étant fort jeune, et n’ayant ni parents ni amis, je
me laissai séduire par des gueux qui cherchaient à augmenter le nombre de leurs semblables.
LUCIEN. : — Quoi ! Il y avait beaucoup d’hommes de cette espèce ?
ÉRASME. : — Ils étaient en Europe environ six à sept cent mille.
LUCIEN. : — Juste ciel ! Le monde est donc devenu bien sot et bien barbare depuis que je l’ai quitté ! Horace l’avait bien dit, que tout irait en empirant :
Prigeniem vitiosiorem
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Prière à Dieu
Ce n'est donc plus aux hommes que je m'adresse ; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s'il est permis à de faibles créatures perdues dans l'immensité, et imperceptibles au reste de l'univers, d'oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un coeur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d'une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d'une toile blanche pour dire qu'il faut t'aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu'il soit égal de t'adorer dans un jargon formé d'une ancienne langue ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l'habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d'un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d'un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu'ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu'il n'y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s'enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères! Qu'ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l'industrie paisible! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l'instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
(Chapitre XXIII)
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"Monstre, tu n'as pas ma religion, tu n'as donc point de religion : il faut que tu sois en horreur à tes voisins, ta ville, ta province."
S'il était de droit humain de se conduire ainsi, il faudrait donc que le Japonais détestât le Chinois, qui aurait en exécration le Siamois ; celui-ci poursuivrait les Gangarides, qui tomberaient sur les habitants de l'Indus ; un Mogol arracherait le coeur du premier Malabare qu'il trouverait ; le Malabare pourrait égorger le Persan, qui pourrait massacrer le Turc : et tous ensemble se jetteraient sur les chrétiens...
Le droit de l'intolérance est donc absurde et barbare : c'est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous, nous sommes exterminés pour des paragraphes.

NDL : un mot : sublime !
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les hommes aiment assez qu’on leur montre leurs sottises en général, pourvu qu’on ne désigne personne en particulier ; chacun applique alors à son voisin ses propres ridicules, et tous les hommes rient aux dépens les uns des autres. N’en était-il donc pas de même chez vos contemporains ?

(Conversation de Lucien, Érasme et Rabelais dans les Champs Élysées)
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TRAITE SUR LA TOLERANCE
CHAPITRE XXIII.

PRIÈRE À DIEU.

Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
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