AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pingouin


J'avais lu Candide il y a quelques années, et n'avait que modérément aimé, il me faut bien reconnaître que cette découverte, bien que volontaire, s'était faite très rapidement et sans réel approfondissement. Disposant aujourd'hui d'une plus grande maturité littéraire, j'ai estimé que c'était le bon moment de me réintéresser à Voltaire, Zadig m'est tombé sous la main.


Voltaire écrivait ses contes philosophiques sans avoir conscience du poids qu'ils allaient prendre dans la littérature française et mondiale, et ça se sent. L'histoire est divertissante, peut faire relativiser certains comportements, mais globalement, le terme "philosophique" n'est pas approprié à mon avis, ce n'est pas de la philosophie, tout juste un parcours initiatique mené avec classe et subtilité, mais la réflexion, la "progression existentielle" pure et simple, ce n'est pas de la philosophie - quoiqu'y appliquer le terme de conte permette évidemment de faire relativiser celui de "philosophique" qui lui succède.
Alors peut-être suis-je un peu sévère. Deleuze conçoit la philosophie comme la création de concepts, ce sont les personnages conceptuels qui vont avoir le rôle de "communicateur" desdits concepts. Chose étrange : Voltaire a bien ses personnages conceptuels - ils sont d'ailleurs d'une grande qualité -, mais n'a aucun concept à leur mettre en bouche ! Ils évoluent, luttent contre la bêtise, mais cette lutte ne peut pas être considérée comme un concept, ou alors un concept commun à tous - ce qui retire à Voltaire le droit de se l'octroyer solitairement -, je n'ai, dans mon esprit, aucun souvenir d'un individu se réclamant d'une lutte pour la bêtise.
Passé ce fait, sans considérer l'ouvrage comme un ouvrage philosophique, il en devient extrêmement plaisant et incroyablement subtil. Impossible de nier que le style de Voltaire est raffiné, qu'il manie l'ironie d'une habileté rare et qu'il est bien malheureux qu'elle ne soit accessible qu'à ceux qui se donnent la peine de la déceler, les autres, qui sont sûrement ceux que Voltaire tend à éduquer en écrivant ses contes, passent à côté d'une des primordialités de ce style. L'ironie se veut drôle, le livre est bien drôle.
Malgré tout, sa "morale" - faites du bien, cela finira toujours par vous profiter - n'est admissible qu'en tant que l'on croit en une sorte de Providence, le sous-titre n'est pas adapté. La destinée implique le destin, et le destin, lui, n'a que faire du bien ou du mal, c'est une force aveugle qui frappe sans aucune considération, pour que le bien finisse par être récompensé, il ne faut pas que ce soit le destin qui nous gouverne, mais bien la Providence, qui, elle, récompense et châtie selon nos actes. Ainsi, l'ange a beau démontrer la nécessité du destin, il faut que celui-ci reste encadré par une puissance divine pour aboutir à ses conclusions.


En bref, c'est une très bonne lecture sitôt qu'on ne s'attend pas à une réelle interrogation philosophique - ce qui était heureusement mon cas, le contraire eut été appliqué, la déception aurait suivie et la note aurait été sensiblement plus basse. Voltaire y peut exposer son style subtilement mordant, pour notre plus grande appréciation littéraire.
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}