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Critique de MarianneL


Comment raconter la guerre et ses origines obscures perdues dans le passé, la bêtise et les passions humaines ? Comment dire «les racines de notre aveuglement face à l'apocalypse» ?

Ce récit d'Eric Vuillard, paru en 2012 de même que «Congo», remonte dans les racines de la première guerre moderne, ce carnage monumental de 14-18 né du passé et de l'enfance d'hommes qui ont l'air de croire qu'ils continuent de jouer. le portrait férocement ironique de quelques chefs militaires et va-t-en-guerre, - le comte Alfred von Schlieffen obnubilé par ses plans de bataille, cette «fantastique armure de papier» qui se consumera au combat, Joffre vexé de ses défaites et qui dès novembre 1914 aura limogé quatre-vingt-douze commandants de division ou encore Bertha Krupp qui visite ses usines en robe de mousseline, avec un joli chapeau plein de bégonias -, nous révèle leur indécence et leur aveuglement.

«Le visage de Schlieffen résume toute l'histoire. La bouche est amère, les paupières lourdes. Sur un portrait célèbre, le comte Alfred von Schlieffen, maigre vieillard aigri, tient – de la main rose et lisse de celui qui n'a jamais planté un clou – le pommeau de son épée. Pourtant des clous, il en plantera dans tous les coeurs, dans toutes les poitrines d'Europe.»

Eric Vuillard raconte la guerre de façon contrastée, dans un matériau qui rappelle «L'Encyclopédie des guerres» de Jean-Yves Jouannais ; les grands chapitres insoutenables côtoient les détails de l'Histoire, telle la trajectoire de la balle de Gavrilo Princip qui tua Sophie Chotek, telle cette journée du 22 août 14 alors la plus meurtrière de tous les temps. La barbarie succède à l'éclosion des jonquilles et des magnolias au printemps 1914, et les métaphores douces et passionnelles et l'humour du désastre, nous font saisir combien l'homme est dépassé par ses propres mouvements et aveugle face au monde qu'il vient de commencer à enfanter.

«Les nations crédules envoyèrent leur jeunesse. Ce fut un carnage. La conscription est le nom de ce déchaînement, de cette terrible générosité des corps, où la jeunesse est envoyée mourir au milieu des champs de betteraves sucrières.»
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