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EAN : 9782367931135
704 pages
L’Atalante (12/11/2012)
3.87/5   103 notes
Résumé :
Le 17 octobre 1960 à 11 h 45 du matin, la DS présidentielle fut prise sous le feu d'une mitrail­leuse lourde dissimulée dans un camion à la Croix de Berny. Le Général décéda quelques instants plus tard sur ces dernières paroles : « On aurait dû passer par le Petit-Clamart. Quelle chienlit... » De Gaulle mort, pas de putsch des généraux, pas d'OAS, pas d'accords d'Évian, pas de réfé­rendum, et Alger reste française. De nos jours, à Alger, l'obsession d'un collec­tion... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a des années maintenant, quand RCW m'avait parlé de ce projet d'uchronie sur l'Algérie, j'avais été bluffé une première fois. L'idée me semblait incroyablement audacieuse. Oserais-je avouer que j'ai cru, à une certaine époque, qu'il n'en viendrait jamais à bout, et qu'il finirait par laisser tomber ? Et puis, j'ai dû me rendre à l'évidence : RCW est de la race des têtus, des opiniâtres (je le savais, pourtant). Et j'ai été bluffé une seconde fois.
Voilà, je viens de terminer Rêves de Gloire. Et je suis bluffé, une troisième fois. Jamais deux sans trois, rappelle la sagesse populaire.
Tout le monde a lu la 4e de couverture du roman, ou, déjà, quelques chroniques sur la toile, et donc je ne gâcherai le plaisir de la découverte à personne en rappelant que le fameux « point de divergence » uchronique semble être l'attentat de 1960 contre le général De Gaulle, attentat réussi dans Rêves de Gloire. Mais tout est dans le « semble », car on s'apercevra vite qu'il est possible de trouver des divergences un peu antérieures (l'une concerne les événements de Budapest en 1956). C'est ce qui fait l'analogie entre ce roman et le classique Maître du Haut-Château , analogie ouvertement assumée et revendiquée d'ailleurs — même s'il ne faut pas en exagérer l'importance : l'uchronie wagnérienne penche du côté des univers parallèles, mais reste cependant une uchronie dans la règle de l'art (si, si, il y a une règle de l'art de l'uchronie qui est : Arrgh….). Simplement (si j'ose écrire), elle évite le piège du trop visible et dictatorial point de divergence unique. On dira qu'il y a saupoudrage modéré de points de divergences, assez large pour surprendre le lecteur, mais suffisamment contrôlé, cependant, pour lui éviter de perdre pied. La compréhension — et l'interprétation, surtout — du mécanisme uchronique demeure un enjeu majeur du récit. Bref, on n'est pas dans le n'importe quoi (du genre de celui, parfois sympathique, mais qui commence à me gonfler sévère, du « steampunk » dans sa dérive superficielle et envahissante actuelle).
Le tour de force de RCW, c'est de profiter de cette uchronie pour bâtir une sorte de version alternative prodigieusement détaillée et vraie (on se comprend) de l'histoire des mouvements communautaires… alternatifs des années soixante-soixante-dix du siècle dernier, basés, en très très gros, sur la non violence, le rock, l'adoration des vinyles et le LSD… et de faire de la casbah d'un Alger uchronique, un des hauts lieux d'un de ces mouvements imaginaires ! Ou plutôt, le tour de force, c'est de rendre tout cela parfaitement plausible ! Je me demande qui d'autre que RCW aurait pu réussir une chose pareille !
Je sors de la lecture de Rêves de Gloire avec une culture toute neuve — et aux neuf dixièmes, au moins, imaginaire — sur le monde de la musique rock, qui va me permettre de me ridiculiser encore davantage en société sur ce sujet ! (1)
Comment un truc pareil peut-il tenir debout ?
L'astuce consiste à tisser la trame du roman à partir d'une foultitude de fils qui sont autant d'histoires personnelles, se déroulant à des époques différentes, sur une durée d'une quarantaine d'années environ. On est un peu perdu au début, mais RCW sait remarquablement caractériser ses personnages, et l'impression de confusion ne dure pas. Tout au contraire, on se met rapidement à attendre le retour de telle ou telle « voix » (et « voie »), qui va révéler tel détail éclairant (ou non, RCW a le sens du suspense..) l'ensemble. Et on s'y attache, à ces personnages… On en oublie presque que l'on est dans une uchronie… presque, seulement, car de temps à autre, on est obligé de recadrer dans son esprit l'image générale que l'on s'était fabriquée (attention, ce roman est un roman de SF, c'est-à-dire qu'il demande AUSSI de l'imagination à son lecteur…)
Je me rends compte qu'il serait un peu stupide d'en dire davantage (2) ; il faut s'immerger dans ce livre, qui est aussi, lâchons une expression un peu pompeuse, un roman philosophique s'interrogeant sur le sens de la vie. Sans apporter de réponse, fort heureusement, car il n'y en a pas (enfin... disons que la réponse, c'est la question).
Un chef-d'oeuvre, de mon point de vue, et l'uchronie française la plus originale et plus aboutie depuis… depuis… depuis…

Oncle Joe

(1) Par prudence – j'aime bien le rock écrit et décrit, mais il ne faut pas abuser de son son (hum…) — j'ai lu le roman en écoutant des tas de quintettes de Boccherini (9 volumes, ce qui fait 18 CDs, par La Magnifica Comunita, Brillant Classic (pas cher et sublime)).
(2) Tout de même… quelle fête que de repérer les innombrables et savoureux clins d'oeil… les citations cachées… les skorpis… qui fuient dans la nuit épouvantable…
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Dans cette uchronie qui se passe eu XXème siècle, entre les années soixante et quatre-vint-dix (mais surtout soixante-soixante-dix), l'Algérie est bien redevenue libre mais pas certaines enclaves, en particulier la ville d'Alger, indépendante et lieu de toutes les expérimentations, convoitée par les deux pays, la France étant la proie d'une dictature.
L'auteur écrit sur ce qu'il connaît : l'Algérie de l'époque, la musique psychédélique et la drogue au temps des hippies (ici il s'agit des vautriens, nouvelle appellation, en référence - sans doute au mot vaurien).
Une incursion à Biarritz devenue une sorte de Woodstock est la date de référence pour tous ces musiciens déjantés.
Mais pourquoi donc ai-je choisi ce livre ? Je croyais retrouver ma jeunesse, mais j'en étais bien loin... J'ai eu beaucoup de mal à le terminer, cependant je mets un point d'honneur à toujours finir un livre commencé. Et qu'en est-il pour vous ? Voilà un bon sujet de discussion.
Chaque histoire est narrée à la première personne du singulier par plusieurs membres de deux familles (si je ne me trompe pas), on saute des uns aux autres sans explications.
Le seul point positif pour moi est l'idéologie pacifiste qui imprègne le récit (représentée par le prophète, un déserteur de l'armée français parti prêcher dans le désert).
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Dans l'Algérois resté français après la mort du général De Gaulle en 1960, un collectionneur de disques tombe sur un vinyle qu'il ne connait pas en consultant un site d'enchères sur internet. Intrigué, il cherche à en savoir plus, mais il se rend vite compte que ce disque porte malheur à quiconque l'a entre les mains. Mais cet album, "Rêves de Gloire" des Glorieux Fellaghas, a-t-il un lien avec les événements qui se sont produits dans le pays quelques années auparavant ? le mystère reste entier...

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Rêves de Gloire n'est pas un livre facile à chroniquer.


Déjà, il y a l'émotion qui envahit le chroniqueur à chaque fois que celui-ci pense à l'auteur de ce merveilleux roman qui a reçu, entre autre, le prix Utopiales en 2011 (j'y étais !). En effet, est-il utile de rappeler que Roland C. Wagner, l'un des plus grands noms de la science-fiction francophone contemporaine, nous a quitté un satané jour d'août 2012 ?

Ensuite, il y a la difficulté de rendre compte d'un livre qui est tout sauf linéaire. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le petit résumé qui introduit cette chronique, ce roman de près de 700 pages ne se focalise pas sur un seul personnage, ni sur une seule époque. Bien au contraire ! Dans Rêves de Gloire, plusieurs fils narratifs se croisent et s'entrecroisent sur plusieurs moments de l'histoire qui nous est narrée ici, ainsi que sur plusieurs moments de l'Histoire alternative qui nous est proposée. Comme on l'imagine aisément, tous les fils vont finir par se recouper. C'est d'ailleurs l'une des grandes forces de ce roman : laisser voir alternativement plusieurs morceaux d'un grand tout, un peu comme des pièces d'un gigantesque puzzle que l'on découvre au fur et à mesure. Et ce qui est le plus admirable encore dans ce livre, c'est que malgré l'hermétisme de l'intrigue (du moins au début) mise en place par l'auteur (qui connait parfaitement son sujet, étant né sur place en 1960 et ayant regroupé une documentation très importante), malgré la complexité de l'Histoire réinventée (parce que même (ré)inventée, L Histoire ne peut être que complexe), malgré la forme assez périlleuse, pour ne pas dire casse-gueule, choisie par Wagner (chaque protagoniste parle à la première personne du singulier et n'est jamais nommé), jamais le lecteur ne se trouve perdu dans cette accumulation de complexité qui pourrait, rapidement, devenir rédhibitoire. Bien sûr, le lecteur peut s'y perdre un peu lorsqu'il passe d'un personnage masculin à un personnage féminin, d'une époque à une autre. Je mentirais si je disais que j'ai tout compris, tout de suite... Cependant, au final, alors que toutes les pièces se trouvent enfin en place, que le lien entre tous les personnages s'est enfin établi, que la grande fresque uchronique est enfin déroulée sous nos yeux, on ne peut s'empêcher de pousser un "Waow !" de satisfaction. Car oui, pour une fois, la quatrième de couverture (je ne les lis même plus) n'est pas mensonger : "Rêves de Gloire" est un roman jubilatoire !

Enfin, il y a la confession que doit ici faire le chroniqueur par rapport à ce bouquin qu'il ne voulait pas lire, à cause du thème principal dans lequel baigne en permanence ce roman : le rock. Comme je le disais dans la chronique précédant celle-là, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, la musique, et ce livre ne parle que de ça. Pour les non-initiés, il faut dire que Roland C. Wagner avait deux passions culturelle dans la vie : la SF et le rock and roll (il fut même un temps le chanteur/parolier d'un groupe : Brain Damage). Les 700 pages de ce roman sont donc un vibrant hommage à ces deux pôles de l'immense culture de cet auteur aussi gouailleur qu'intelligent. D'ailleurs, et je ne m'attarderais pas trop longtemps sur ma vie privée rassurez-vous, les quelques mots que j'ai pu échanger avec Roland un jour aux Utopiales avaient un rapport avec le rock. Et pourtant, je ne peux pas dire que, personnellement, ça me passionne. Et c'est bien pour ça que, malgré le contexte (même revisité) de la guerre d'Algérie (à laquelle mon père a laissé une partie de sa jeunesse), je serais passé à côté de ce roman... s'il n'y avait eu Bifrost. Oui, le Bifrost n°69 dont le thème principal était les interactions entre la SF et la culture rock, où Rêves de Gloire avait une place de choix. Bon, Bifrost et aussi un peu la médiathèque de ma ville qui le proposait à l'emprunt (heureusement d'ailleurs car 25€, même pour un roman de cette taille, s'avère une sacrée somme pour un bouquin non traduit ; ce sera d'ailleurs la seule critique négative que je pourrais faire à Rêves de Gloire).

Voilà, vous l'aurez compris, je ne saurais trop vous recommander la lecture de ce formidable roman qui se révèle d'une beauté incroyable de bout en bout. Un grand oeuvre à lire de toute d'urgence !

A.C. de Haenne
Lien : http://les-murmures.blogspot..
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La guerre d'Algérie est terminée, seule reste française l'enclave algéroise. A partir de là, l'auteur invente les "Vautriens", des sortes d'hippies et l'on découvre la Californie des "sixties" à la mode Algéroise. C'est assez déroutant. Il semble que Roland C. Wagner nous parle de ce qu'il connait, les événements d'Algérie, le milieu des Hippies et qu'il se soit contenté de les transposer dans une Algérie futuriste, même si elle reste contemporaine. Quant au récit proprement dit, son manque de fluidité, sa polyphonie, ses changements d'époques, les méandres empruntés en font une lecture qui tend à semer son lecteur dans la Casbah. Malgré l'épaisseur du livre, j'ai la désagréable impréssion que l'intrigue se résume à peu de chose.



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Magistrale uchronie, obsessionnelle et non dénuée d'humour...

Avec ces 700 pages publiées il y a quelques jours, Roland C. Wagner signe un roman magistral. Grâce à un magnifique double détour (l'utilisation en toile de fond d'une Algérie ayant évolué « très différemment » à partir de l'assassinat réussi du général De Gaulle en octobre 1960 – et le recours en narrateur « principal » à un acharné collectionneur contemporain de vinyls rock rares), l'auteur nous entraîne dans un dense tourbillon où l'on côtoiera toutes sortes d'activistes, de pacifistes, de musiciens, de drogués, de gourous, de juntes militaires ou de barbouzes, avec à l'occasion de singuliers personnages tels un cornélien adjudant-chef de la Légion, une égérie aussi permanente qu'anonyme, une coopératrice aussi généreuse que redoutable, une surprenante héritière, un guitariste antillais égal de Jimi Hendrix, et encore quelques autres..., tourbillon dans lequel un 45 tours mythique devient un enjeu aussi surprenant qu'essentiel.

Nostalgie, tendresse, ironie et réflexion socio-politique se partagent habilement ce petit monument de passion, passion de la musique bien entendu, mais aussi et peut-être surtout, malgré l'apparence, passion des humains décidés et cohérents, particulièrement dans ce qui semble leurs errances. La référence « Rock Machine / Little Heroes » du grand Spinrad de 1987 est ici largement éclipsée. Si l'on sourit beaucoup au cours de cette lecture (le destin musical de l'Algérois et les rusées francisations des mots anglais du rock ou de la géopolitique contemporaine, par exemple !), on y médite aussi beaucoup, jusqu'à son final pourtant effréné.

Seuls regrets à mon goût, qui empêchent cet excellent roman de rejoindre les absolus chefs d'oeuvre : une part « trop élevée » de références fictives pour collectionneurs maniaques, qui, si elle contribue clairement à installer et nourrir l'ambiance, pourra épuiser au bout d'un moment le lecteur qui ne partagerait pas à 100 % cette passion, et une polyphonie trop discrète, qui rend délicat le suivi des narrateurs et narratrices dont beaucoup parlent d'une voix trop similaire... Défauts toutefois mineurs qui ne gâchent que très peu l'ambition à l'oeuvre et le grand plaisir de cette lecture.

Et comme le dit l'exergue du roman : « C'est pour cela que je préfère maintenant des bouquins qui obligeraient les gens à prendre conscience. Mais c'est beaucoup plus difficile, parce que ce que les gens qui tiennent les leviers veulent, ce sont des livres qui apportent une certaine qualité de rêve qui permet d'éviter de donner une certaine qualité de vie. » (Louis Thirion)
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critiques presse (1)
Telerama
05 août 2015
Rêves de Gloire est une uchronie, une vraie, qui imagine les suites de la guerre d'Algérie après l'assassinat du général de Gaulle. Ecrit par un enfant de Bab El Oued, ce gros roman développe une relecture de l'histoire polyphonique et ambitieuse, mettant en place, entre autres, une épopée alternative des mouvements
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Cette nuit-là, mon père est venu m'éveiller comme convenu. Les aiguilles du gros réveil qui tictacquait sur la table de nuit indiquaient deux heures moins dix.
Je me suis assis dans mon lit, j'ai demandé si les Russes étaient toujours en tête malgré leurs problèmes techniques.Mon père a secoué la tête. « Aucune idée, mon fils. Le poste de télévision vient de tomber en panne. »J'ai cru que le monde s'écroulait.Et si tout était déjà fini ?
« Quand ?
— Il y a dix minutes.
— Il faut mettre la radio !
— Je croyais que tu voulais voir l'at… l'alunissage ?
— Ben oui.
— Alors habille-toi : on va chez Sebaoni. Là-bas, on est sûr de trouver un poste qui marche ! »
J'ai enfilé mes vêtements en quatrième vitesse et j'ai dévalé l'escalier. Mes parents étaient dans le salon, en train d'écouter Radio-Alger. En chemin, ma mère m'a résumé la situation. Le suspense était à son comble. Shepard et Armstrong atteindraient-ils la surface lunaire avant Gagarine et Valentina Tereshkova ? Les Soviétiques taisaient en effet la position de leurs cosmonautes, alors que la Nasa retransmettait en direct et en Mondovision les manœuvres de ses astronautes.
Malgré l'heure tardive, les trottoirs et les jardins du boulevard Guillemin grouillaient de monde. À croire que toute la ville s'était donné rendez-vous dans ses rues pour cette nuit à nulle autre pareille. Juste avant la Bouzaréa, un groupe de jeunes européens s'agitait autour d'une lunette astronomique, au milieu de débris suggérant qu'ils venaient de la tirer de son emballage. Il y avait pas mal de gens allongés sur les pelouses qui regardaient le ciel.Nous avons tourné à gauche dans la rue Rochambeau. Le magasin de monsieur Sebaoni était un peu plus loin, bien visible à cause de la luminosité qui se dégageait de sa vitrine et de la foule qui se serrait devant. En approchant, j'ai vu qu'il y avait un véritable mur de téléviseurs de toutes les tailles, au moins une vingtaine qui reproduisaient tous la même image en noir et blanc — la couleur n'était pas encore arrivée sur l'unique chaîne algéroise.
Échappant à la main de ma mère, je me suis faufilé au premier rang à travers la foule qui bruissait de rumeurs et de conversations. Sur les écrans, une surface tremblotante qui devait être le sol lunaire se rapprochait lentement.
« Y z'y seront dans dix minutes, a dit quelqu'un.
— Y z'ont gagné, a dit quelqu'un d'autre, une femme.
— Zbouba ! a dit une troisième voix. Si ça s'trouve, les Russes y z'y sont déjà !
— Les Russes, leur foutu matériel communiste il a fait tchoufa ! a lancé une quatrième
— C'est vrai, si z'y étaient, y l'auraient annoncé ! » a dit la femme.
Le ton a continué à monter entre les partisans des uns et des autres. À tel point que ça n'a pas tardé à sentir la baroufa. J'étais plutôt étonné de voir que la course à la Lune déclenchait chez les adultes les mêmes disputes que dans la cour de l'école.
Les insultes commençaient à voler lorsque l'imminence de l'alunissage a apaisé tout le monde. C'est dans un silence presque total que nous avons assisté aux dernières secondes de ce vol historique.L'image a tremblé au moment du contact, puis s'est stabilisée, montrant un horizon lunaire parfaitement sinistre.
Ça y est, ils l'ont fait. Et je l'ai vu. J'étais là.
Une clameur exaltée s'est élevée de toute la ville, et sans doute de toute la planète. Un milliard d'êtres humains en train de hurler d'enthousiasme.Puis le sas s'est ouvert, et Alan Shepard a descendu l'échelle de coupée et posé le pied sur un autre monde.
On a monté le son d'un transistor à piles. La voix de Shepard, sur laquelle se superposait une traduction hésitante :
« C'est un petit pas pour l'homme, mais un grand pas pour l'humanité… » Shepard a laissé passer quelques secondes avant de poursuivre. « Mais c'est aussi un bien triste pas car cette victoire est une victoire amère. »
Un journaliste a expliqué qu'il faisait allusion au vaisseau soviétique, qui n'avait pas reparu après être passé derrière la Lune. Avait-il atterri ? S'était-il écrasé ?
Et, surtout, à quel moment ?
Je n'aurais jamais imaginé que cette question continuerait à soulever des polémiques pendant des lustres et des décennies.
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Mare Nostrum


Je suis allé à la pointe Pescade, comme dans la chanson, mais je n’avais avec moi ni vautriens, ni ami marocain. Il n’y avait pas non plus la moindre trace d’une roue de feu dans le ciel.
La plage était déserte en cette saison. La peinture blanche s’écaillait sur les planches de la buvette fermée. La mer bleu vert ondulait doucement dans le soleil d’hiver. Quelques barques retournées reposaient sur le sable ; assis sur l’une d’elles, un vieil arabe au crâne enturbanné de blanc buvait le thé en fumant une cigarette.
Je me suis senti étranger.
Je suis allé me planter face à la mer. La Mare Nostrum des anciens, chargée d’une histoire multimilllénaire. Il faisait beau mais plutôt frais. Dans les montagnes, la neige avait atteint par endroits une jolie épaisseur ; la Kabylie et l’Aurès avaient décrété l’état d’urgence et réclamé l’aide internationale pour désenclaver les villages coupés du monde. Deux cents réservistes avaient quitté Alger le matin même en compagnie de cinq cents volontaires civils pour aller donner un coup de main. De son côté, la Tunisie envoyait des hélicoptères, et le Maroc du personnel médical.
La solidarité du Maghreb jouait une fois de plus, en dépit des antagonismes qui en opposaient les différents pays. Et la seule chose qui m’avait fait plaisir en ce foutu samedi matin était la rapidité avec laquelle on avait annoncé la participation de l’Algérois aux opérations de sauvetage et de déblaiement.
Au bout d’une dizaine de minutes, je me suis détourné du spectacle de la baie et de ses rochers. Là-bas, très loin, c’était la France, un pays désormais lointain et menaçant, une ombre inquiétante tapie au-delà de l’horizon. Je lui ai tourné le dos et je suis remonté vers ma voiture.
J’arrivais sur le parking lorsque je l’ai vu.
Debout au bord de la route, vêtu d’un costume blanc, appuyé sur une canne toute simple à côté de laquelle une bouteille métallique scintillait dans la lumière du matin, il regardait vers moi. À quelques mètres de là, une grosse Mercedes aussi blanche que ses vêtements était garée près de ma Deux-Chevaux — qu’un homme de haute taille en complet veston noir contemplait d’un air pensif en tirant sur une cigarette. Il m’a lancé un bref coup d’œil avant de reporter ostensiblement son attention sur ma voiture.
Le vieillard a fait deux pas dans ma direction. J’ai ressenti une impression de déjà-vu. Ou de déjà-lu.
C’était étrange, cet homme en blanc et la plage vide, le chauffeur discret et le pêcheur nonchalant.
C’était étrange, et il manquait quelque chose.
Je suis allé à la rencontre du vieil homme. Je me suis incliné, la main sur le cœur.
« Bonjour, monsieur Camus. »
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a foule sur le trottoir était aussi bigarrée et cosmopolite que d'habitude. Des marins soviétiques en goguette croisaient des fatmas portant la tenue blanche traditionnelle ; des groupes de jeunes Algérois, robes légères et chemises à manches courtes, en côtoyaient d'autres composés de touristes asiatiques ; des noirs élancés à la peau presque bleue et d'autres plus petits chez qui elle tirait sur le brun ; des musulmans portant le fez et d'autres au crâne coiffé d'un turban, mais tous habillés à l'européenne… Et tous avaient le regard tourné en direction du Targui tout de bleu vêtu qui remontait l'avenue à dos de dromadaire.
J'ai ouvert de grands yeux. Ce n'était pas une vision ordinaire. D'habitude, les Touareg ne quittent jamais leur coin de désert. Et les chameaux sont plutôt rares dans les rues encombrées de voitures d'Alger.
« Qu'est-ce qu'il fait là ? » a demandé une voix d'enfant derrière moi.
Il n'a pas obtenu de réponse.
Un instant, tout a paru s'arrêter. Les gens, les voitures, le temps lui-même. Et, au milieu de cette immobilité subite, l'archétype de l'Homme bleu du désert avançait sur sa monture — une bête énorme, impressionnante, au harnachement tout de cuir ciré couleur sable.
Je me suis rendu compte qu'il se dirigeait vers la place du Gouvernement. Logique. Ce n'est pas parce qu'ils vivent en nomades dans le désert que les Touareg n'ont pas conscience de l'impact des images. Des symboles.
Cet homme bleu qui remontait l'avenue effectuait une démonstration. Et il attirait autant l'attention à lui seul qu'une manifestation de dix mille personnes.
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..... Il y a longtemps que c'est devenu un bistrot au fonctionnement tout à fait classique, mais quelque chose du vieil esprit flotte encore entre ses murs surchargés de tentures indiennes et l'arrière-salle est toujours équipée en matelas pour ceux qui désirent dormir sur place.
Seulement, les poivrots sexagénaires trop imbibés pour rentrer chez eux ont remplacé les gosses chevelus qui n'avaient pas de chez eux.
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.....Le 17 octobre à 11 h 54 du matin, la DS présidentielle fut prise sous le feu d'une mitrailleuse lourde dissimulée dans un camion à la Croix de Berny.
Le Général décéda quelques instants plus tard sur ces dernières paroles :
" On aurait dû passer par le Petit-Clamart. Quelle chienlit... "
L'attentat ne fut jamais revendiqué et ses auteurs demeurent à ce jour inconnus.
Pascal Baroyer,
De Gaulle, l'homme de la situation (1971)
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Vidéo de Roland C. Wagner

Zone Franche : Science-fiction et recherche en astrophysique : influences réciproques ? 4/4
avec Stephen Baxter, Roland C. Wagner, auteurs, Jean-Claude Dunyach, auteur et ingénieur aéronautique, Raphaël Granier de Cassagnac, auteur et physicien des particules et François Hammer, astrophysicien, chercheur au CNRS et fondateur du (GEPI) laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique et Intrumentation de l'Observatoire de Paris-Meudon. Table ronde animée par Laurent Kandel. Traduction Sylvie Miller
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