«
L'Etrusque » (1956) est le second roman historique de
Mika Waltari, après «
Sinouhé l'Egyptien » (1945). Autant Sinouhé avait rencontré d'emblée un grand succès en Finlande et dans le monde entier, autant Turms (le héros de «
L'Etrusque » mit du mal à s'imposer. Pourtant les deux romans sont aussi passionnants l'un que l'autre, aussi riches de sens, aussi bien écrits… c'est peut-être dans le thème-même du roman qu'il faut chercher la réponse : «
Sinouhé l'Egyptien » racontait l'histoire d'un homme, «
L'Etrusque » raconte l'histoire d'un homme qui est en même temps un sur-homme (rien à voir avec Nietszche), quasiment un demi-dieu. C'est dire que dans «
L'Etrusque » la part du fantastique, du surnaturel, de l'irréel, va être plus importante. Ce n'est pas l'essentiel, et cet aspect du roman s'insère avec bonheur dans les péripéties mouvementées du héros. Mais il est possible que les lecteurs de
Mika Waltari aient été surpris par le ton ésotérique de certains passages où sont présentés les mystères antiques, les oracles, les diverses approches religieuses et mythologiques des peuples méditerranéens.
«
L'Etrusque », comme « L'Odyssée » ou «
L'Enéide » est un voyage à travers la Méditerranée. Comme ses deux illustres devanciers
Homère et
Virgile,
Mika Waltari fait partir son héros d'Asie mineure, comme eux, ils le font accoster en Sicile, et comme
Virgile débarquer finalement sur la côte italienne. Mais Turms n'est pas Ulysse, ni Enée, son voyage n'est pas seulement aventureux, il est aussi initiatique.
Turms, comme Sinouhé, comme Marcus et Minutus (dans « le Secret du royaume »), est un personnage en quête d'identité, et en proie au doute. Peut-être plus encore que ces autres héros, Turms ressent en lui une certaine dualité : « Qui suis-je et qu'y a-t-il en moi, s'exclame douloureusement Turms, comment savoir ? Car chacun de nous porte en lui un autre lui-même, un étranger qui s'impose à lui par surprise et le pousse à des actes contraires à sa volonté. » Turms porte en lui sa destinée, qui est d'être le chef du peuple étrusque, mais il ne le découvre que petit à petit, de même que ses pouvoirs supra-humains et son immortalité.
Mais avant d'accomplir cette destinée, que d'aventures et de péripéties ! Des rencontres avec des hommes et des femmes qui le marqueront : ses compagnons de voyage Dorieos, guerrier spartiate imbu de ses origines, Mikon, bon médecin mais ivrogne invétéré, Dyonisos, le capitaine du navire, pirate à ses heures… Les femmes ne sont pas en reste. Comme souvent chez Waltari, elles n'ont pas le beau rôle : Arsinoé, nymphomane et manipulatrice, est le digne pendant de Nefernefernefer («
Sinouhé l'Egyptien ») et des tentatrices sans scrupules du « Secret du royaume » et en contrepoint Hanna, à qui il arrive aussi bien des malheurs…
Comme toujours, les romans de
Mika Waltari sont remarquablement documentés. Il est toujours plus facile pour nous de lire des histoires se passant dans le monde grec ou latin parce que nous en avons appris les bases au collège. Mais quand il s'agit d'une civilisation disparue, dont ne connaît pas grand-chose, il nous faut un guide, et
Mika Waltari, ici, est le meilleur guide que nous puissions trouver : «
L'Etrusque » n'est pas seulement un roman passionnant, c'est aussi une leçon d'Histoire.