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EAN : 9782226062826
301 pages
Albin Michel (05/05/1993)
4.27/5   11 notes
Résumé :
En 1492 Christophe Colomb pensait apporter la civilisation au Nouveau Monde ; cinq siècles plus tard, il est temps de reconnaître à quel point le Nouveau Monde a influencé notre civilisation.
Jack Weatherford, professeur d'anthropologie, nous invite dans ce livre étonnant à faire l'état de l'inestimable contribution des peuples amérindiens à notre histoire collective : de nos habitudes alimentaires (60 % des aliments consommés aujourd'hui viennent des Amériq... >Voir plus
Que lire après Ce que nous devons aux Indiens d'Amérique et comment ils ont transformé le mondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Vraiment nous leur devons beaucoup, énormément... à un point que je ne soupçonnais aucunement. Certes, je savais qu'une partie de nos légumes quotidiens et une denrée précieuse comme le chocolat en provenait. Je savais aussi que l'argent des Amériques au temps des conquistadors avaient profondément bouleversé l'économie mondiale de l'époque. Mais j'étais assez loin du compte.

Tout d'abord voyons ce qu'il en est des plantes, de l'agriculture et de la botanique. le petit résumé en quatrième de couverture indique que la moitié des aliments consommés dans le monde sont originaire des Amériques. Et il ne s'agit pas des moindres ! Non seulement, ces plantes ont diversifié l'alimentation mondiale mais elles ont permis une révolution alimentaire planétaire. La pomme de terre s'est répandue en Europe où elle a permis de vaincre les famines : facile à cultiver sur des sols pauvres et avec un cycle court. La patate douce a joué le même rôle en Asie, tout comme l'arachide et la cassave en Afrique. Ces plantes ont permis une forte croissance démographique. le maïs, consommé par les humains en Asie et en Afrique, a été utilisé pour l'alimentation des volailles et des vaches en Europe augmentant la production d'oeufs, de lait et de viande. le tournesol a été essentiel en Russie en fournissant une source appréciable d'huile végétale. Citons encore les innombrables variétés de courges et de haricots, les poivrons et les tomates, le piment, le manioc...
Tout un chapitre est consacré à la révolution culinaire provoquée par la rencontre des Amériques et de l'ancien monde. du goulasch au sirop d'érable, au hush puppies, des tortillas au minestrone, les sauces aux arachides, les noix de cajou dans la cuisine indienne et le gâteau Forêt noire, les corn flakes ou le guacamole.

La terre américaine était-elle donc plus riche en plantes comestibles que l'ancien monde ? C'est plutôt que les indiens étaient des agriculteurs exceptionnels qui ont su avec patience et expertise transformer des dizaines de plantes sauvages en centaines et en milliers de plantes cultivées (3000 espèces de pommes de terres). Les agriculteurs indiens ne cherchaient pas à modifier le sol pour qu'il soit adapté à la plante mais à transformer la plante pour qu'elle s'adapte à chaque qualité de sol. Ils pratiquaient l'hybridation, la sélection rigoureuse des semences et le bouturage. Ils savaient faire des associations complexes de culture où chaque plante profite à l'autre. Ils savaient en outre lyophiliser les pommes de terre pour les transporter plus facilement.
Le livre débute par une visite du Macchu Picchu par l'auteur ; visite qui le convainc que ce site mystérieux était d'abord un centre d'expérimentations agricoles.

Nous devons donc aux Indiens une bonne part de notre alimentation quotidienne et une bonne part de l'enrichissement et du développement économique de l'Europe.

Mais les chapitres suivants sont également édifiants.
La malaria était répandue en Europe, Afrique et Asie mais inconnue en Amérique. Elle arriva avec les Européens mais ce sont les Indiens, médecins avisés, qui découvrirent très vite que cette maladie pouvait être soignée par une écorce qui donne la quinine. Bien d'autres médicaments sont inventés par les indiens : la teinture d'arnica, l'hamamélis, la vaseline... Ils pratiquaient avec succès la trépanation, recousaient les blessures, plâtraient les membres brisés et administraient des lavements, savaient cautériser, extraire des tumeurs etc.

Nous leur devons aussi des choses moins sympas comme la majorité des drogues hallucinogènes et la syphilis ramenée par les conquistadors. N'oublions pas que la coca a permis le développement du coca cola.

Enfin, encore plus surprenante a été pour moi la découverte de l'influence des Indiens sur les institutions démocratiques américaines, puis de fait du reste du monde. Les pères fondateurs n'avaient aucun référence de modèle démocratique existant; seulement les théories et les idées à la mode en Europe.

Le véritable père fondateur de la démocratie américaine serait donc le chef Iroquois Canassatego " qui, en juillet 1744, prit la parole devant une assemblée d'Indiens et de d'Anglais en Pennsylvanie....La vie serait plus facile pour tous si les colonisateurs pouvaient fonder une union qui leur permettrait de parler tous d'une seule voix... Il suggéra qu'ils fassent comme son peuple l'avait fait en formant la Ligue des Iroquois" (page 226)" . Benjamin Franklin, entre autre, a beaucoup étudié le fonctionnement de la ligue des Iroquois et l'a défendu. le mécanisme de cette ligue est devenu celui du système fédéral américain avec des états / nations qui règlent les affaires intérieures et envoient des délégués/sachems pour régler les affaires communes à l'ensemble des états / nations. Fascinant.

D'autres aspects ont été repris comme la séparation des pouvoirs civils et militaire (le sachem, homme de loi ne pouvait faire la guerre en tant que tel : il devait abandonner sa charge civile), la révocabilité des sachems en raison de leur comportement ou l'intégration libre de nouveaux états membres. Ceci dit les pères fondateurs n'allèrent pas jusqu'au vote des femmes, ni à la gratuité des mandats ou à l'élection des officiers par les soldats....

La culture indienne poussait les représentants à rechercher le compromis par la discussion et la conviction, très loin de la culture européenne de l'affrontement lors des séances. Cela reste dans la pratique politique américaine où les représentants sont des individus qui peuvent évoluer dans leurs positions, tandis que, dans les parlements européens, les partis exercent un contrôle plus fort. L'auteur donne de nombreux autres exemples de l'influence indienne. Un passage donne une lecture de l'opposition Nord Sud. Ce dernier se revendique influencé par le monde grec et sa conception de la démocratie, qui avait l'avantage d'autoriser l'esclavage tandis que la démocratie iroquoise ne le permettait pas. Les frontières, bien loin de l'image du western, étaient des zones d'échanges avec la culture indienne. L'image de l'homme de l'Ouest devient tout autre.

Enfin, le chapitre intitulé "les Bâtons rouges et la révolution" retrace l'histoire des luttes de résistance indiennes pour leur vie leur identité et leur liberté, mettant en évidence leur attachement à cette idée de démocratie qui ont été les premiers à mettre en application concrète loin des théories et des discours philosophique de la vieille Europe.

En revanche, les Amérindiens ne connaissaient pas l'élevage et l'utilisation des animaux pour le transport et le déplacement. Cet méconnaissance, en plus des épidémies et de l'usage des armes, a donné la supériorité aux Européens lors de la rencontre .
Comme le conclut tristement l'auteur : " On regarde l'ordre du monde moderne comme un produit de l'histoire européenne, et non celui des premiers habitants de l'Amérique. Ceux ci devinrent des acteurs de deuxième ordre, cantonnés dans les rôles de victimes pathétiques et rescapées. " [...] "Toutefois, en ignorant les cultures indiennes, nous faisons beaucoup plus que simplement dénigrer la place à laquelle elles ont droit dans L Histoire. Nous nous faisons du tort à nous-mêmes à cause de tout ce qui nous avons ainsi perdu."

Un livre qui remet complètement en perspective l'histoire du monde.
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Ce livre documentaire de 1993 est à lire absolument.
Je l'ai choisi parce que j'adore l'histoire des indiens d'Amérique, je pensais être intéressée mais j'ai été captivée.
L'auteur a divisé son livre en 13 chapitres, assez courts d'une vingtaine de pages, où il détaille des legs des peuples amérindiens (à entendre par l'ensemble des continents américains) à l'ancien monde : industrie, agriculture, agroalimentaire, pharmacopée, société, architecture....
J'avais déjà un grand respect pour ces peuples amérindiens que nos ancêtres ont mené à leur perte, mais là je suis tombée des nues de tout ce qui nous vient du nouveau monde dans notre quotidien.
L'auteur sait rendre le sujet très attractif, il y a énormément de références bibliographiques, de citations, c'est un livre vraiment très riche.
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‶Colomb arriva dans le nouveau monde en 1492, mais l'Amérique reste à découvrir. ″
‶ le plus fort l'emporta, mais il n'était pas forcément le plus créatif. ″

Il n'est pas un domaine où la culture indienne n'ait pas contribué à l'amélioration des conditions de vie de l'Homme, à la transformation économique de nos sociétés. On a, à tort, considéré les premiers peuples d'Amérique pour des sauvages alors qu'en réalité, ils avaient, bien avant nous, inventé non pas un, mais plusieurs modèles de gouvernance partagée ; ils étaient trop épris de leur liberté et leur indépendance pour prétendre faire des autres leurs esclaves. Certaines communautés ne reconnaissaient d'ailleurs pas la notion de classe sociale.

Dans les domaines agricole et alimentaires, les indiens étaient particulièrement avancés. Ils avaient compris avant les autres comment gérer les sols afin de ne pas les épuiser ; ils pratiquaient avant l'heure, la sélection des espèces en fonction des sols et de l'altitude ; ils savaient associer les plantes afin d'éloigner les nuisibles et les parasites. Les incas utilisaient déjà les fientes de certains oiseaux comme fertilisant.
C'est de ce côté -ci du monde que nous provient la tomate, le poivron, les piments, les courges, les noix de toute sorte….

En médecine, si les européens ont apporté la malaria, les indiens avaient le remède qu'ils puisaient dans l'écorce d'un arbre. Ainsi est née la quinine qui servira plus tard à fabriquer la chloroquine ; la forêt amazonienne regorge d'arbustes ou de plantes très utiles dans la pharmacopée indienne, et que la médecine occidentale reprendra largement. Avant de découvrir le rôle capital de la vitamine C dans la lutte contre le scorbut, les indiens préparaient des potions à base d'une espèce de pin. Que feraient nos anesthésistes sans le curare, déjà connu des peuples d'Amérique qui en enduisaient leurs flèches pour la chasse ?
A contrario, tout un tas de substances dites addictives étaient également utilisées. On y range le cacao, qui après maintes transformations eût un tout autre usage, la coca dont on a largement détourné l'usage puisque qu'à l'origine elle servait à lutter contre le mal de l'altitude, certains champignons…

L'ouvrage de Jack Weatheford regorge d'exemples pour monter à quel point les Indiens d'Amérique étaient bien plus développés qu'on a bien voulu le dire. Ils ont sans doute inventé le capitalisme moderne par leurs façons d'exploiter les mines d'agent de Potosi (aujourd'hui en Bolivie), en fournissant justement la matière première qui a fourni la masse monétaire et révolutionné nos économies modernes.
Ce livre est une véritable mine d'or. Il rétablit un certain nombre de vérités, nous prouve l'étendue des qualités de ces peuples, qui avaient un grand sens de l'observation, étaient inventifs, intuitifs, et des écologistes d'avant-garde.
Richement documenté et annoté, il se lit avec facilité, et donne envie d'aller plus loin dans la connaissance du monde Indien.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Contrairement aux Aztèques, peuple superstitieux, les Incas ne construisirent pas de grandes pyramides afin d'y pratiquer de nombreux et sanglants sacrifices. Pas plus qu'ils ne menèrent de longues guerres pour satisfaire leurs divinités. Contrairement aux Mayas, peuple mystique, ils ne construisirent pas d'observatoires pour regarder les dessins infinis des étoiles et écrire de longs poèmes philosophiques sur la création du monde. Le pragmatisme des Incas et la passion de l'organisation apparaissent également dans leur système économique: ils ignoraient la monnaie et le commerce, et pratiquaient déjà une gestion qui leur permettait de prévenir la famine qui minait tant de grands empires.
Au regard d'un tel sens pratique, la raison d'être de Machu Picchu semble pour le moins obscure. Les Incas y construisirent des centaines de terrasses, toutes trop petites pour n'importe quel type de culture extensive, certaines n'ayant pas plus de quinze centimètres de largeur. Vues ainsi, les petites terrasses prenaient une nouvelle signification, celle de parcelles expérimentales construites à des altitudes différentes et orientées face au soleil du matin, de l'après-midi, au sud, ou au nord. Elles ressemblaient à un site scientifique d'expérimentation consacré à l'agriculture.
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La démocratie et la liberté égalitaires que nous connaissons aujourd'hui doivent peu à l'Europe. Elles ne proviennent pas de la culture gréco-romaine remise tant bien que mal au goût du jour par les Français du XVIIIe siècle. Elles pénétrèrent la pensée moderne de l'Occident grâce aux notions amérindiennes traduites dans les langues et les cultures européennes. Les philosophes et les penseurs du siècle des Lumières pratiquaient la complaisance et l'autosatisfaction parce que les despotes éclairés comme Catherine de Russie et Frédéric de Prusse lisaient beaucoup et avaient un penchant pour la littérature. Un trop grand nombre de philosophes devinrent des courtisans et crurent que, en agissant ainsi, l'Europe allait devenir une démocratie éclairée.
Par la langue, les coutumes, la religion et les lois, les Espagnols sont les héritiers directs de la Rome antique, même s'ils n'emportèrent rien en Amérique qui ressemblât à une tradition démocratique. La démocratie ne s'épanouit pas plus en Haïti francophone qu'en Afrique du Sud, où les Anglais et les Hollandais s'établirent à la même époque qu'en Amérique du Nord.
Les Amérindiens vivaient dans des conditions vraiment démocratiques, ils étaient partisans de l'égalité et vivaient en totale harmonie avec la nature. La notion moderne de démocratie, fondée sur les principes d'égalité et sur un État composé de pouvoirs distincts, est le produit du mélange des idées politiques et des institutions européennes et amérindiennes qui fonctionnaient sur la côte atlantique de 1607 à 1776. La démocratie moderne que nous connaissons aujourd'hui est davantage l'héritage des Amérindiens, et particulièrement des Iroquois et des Algonquins, que celui des immigrants anglais, de la théorie politique française, ou de tous les vains efforts des Grecs et des Romains.
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Les Indiens ont permis la plus grande expansion économique de l’Histoire, d’où est née la grande économie capitaliste de notre monde, et pourtant ils sont toujours aussi pauvres.
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‶Colomb arriva dans le nouveau monde en 1492, mais l’Amérique reste à découvrir. ″
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Le plus fort l’emporta, mais il n’était pas forcément le plus créatif.
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