AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781030407977
96 pages
Allia (04/01/2018)
4.14/5   48 notes
Résumé :
« L’essai sur La personne et le sacré, qu’a écrit Simone Weil à Londres dans la dernière année de sa vie, ne cesse de nous interpeller pour au moins deux raisons. La première est la critique sans réserve du concept de personne, qui, à plus d’un demi-siècle de distance, n’a rien perdu de son actualité. La seconde – sans doute tout aussi actuelle – est la recherche acharnée et passionnée d’un principe qui se place au-delà des institutions, du droit et des libertés dém... >Voir plus
Que lire après La personne et le sacréVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
4,14

sur 48 notes
5
4 avis
4
2 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
La personne et le sacré

Simone Weil se désole de l'inexactitude, de la confusion du vocabulaire et de leur effet néfaste sur la pensée. Qu'est-ce qu'une personne ? Rien de sacré en tout cas à ses yeux. En revanche l'être tout entier l'est. Elle éprouve un dédain évident pour toute définition d'une morale publique à partir d'un concept aussi indéfinissable que celui de personne, en raison, sans doute des ambiguïtés qui pèsent sur ses origines et sa signification.

En revanche, tout être humain dès l'enfance, s'attend à ce qu'on lui fasse du bien et non du mal. C'est ce bien qui est source du sacré, c'est ce bien qui est sacré.

Elle élabore ainsi une critique radicale de la notion de personne et du droit par la même occasion ; droit hérité de Rome qui ne nous aurait pas fait là, le meilleur des legs et ce, d'autant plus que Rome (qu'elle n'aime décidément pas) niait l'être. Elle considère, sans doute avec raison, que l'empereur ne régnait que sur des esclaves.

Il n'empêche que l'histoire juridique moderne a opéré une symbiose entre droit et personne. Cependant, pour S W, le droit n'est que source de revendication, de guerre, chaque sujet de droit n'ayant de cesse de poser face à l'autre une volonté égoïste de protection de ses prérogatives juridiques. La notion d'obligation envers l'autre, renverserait la perspective (Réf. L'enracinement.)

C'est donc tout naturellement qu'elle en appelle à une morale publique, à une action publique qui, par la recherche du bien pur, de la justice, de la compassion, de la vérité, de la beauté et elle ajoute, enfin, après des pages de circonlocutions, par l'amour, peuvent répondre au besoin du peuple et en particulier des pauvres, des malheureux, qui seraient capables, dès lors, d'accepter, de transcender leur souffrance.

Mais l'amour, qu'est-ce que c'est ? Un don du ciel, un don de Dieu, une grâce divine que le Christ est venu nous révéler et nous offrir. On voit bien que S W se situe sur un plan supraterrestre absolument étranger à la vie ordinaire des individus et des sociétés. Et pourtant, elle demeure persuadée que ses idées peuvent parfaitement trouver à s'appliquer ici-bas.

Elle me fait penser au Christ, qu'elle invoque régulièrement, et dont le discours décalé, restait étranger aux attentes plus prosaïques du peuple juif. N'étant pas sur le même plan, l'un étant spirituel, l'autre plus terre à terre, si je puis dire, l'incompréhension était inévitable.

Qui pouvait entendre à l'époque le discours de Simone Weil sur l'amour ? Qui peut, encore aujourd'hui, comprendre une pensée aussi exigeante sur le rôle de la beauté, de la vérité, du bien dans la satisfaction des besoins du peuple ? Cette pensée constitue, à l'évidence, une utopie, envisageable peut-être dans les relations privées, mais non dans l'organisation sociale et institutionnelle d'une démocratie.

A mon sens, elle fait partie de ce petit groupe de gens, (y compris « l'idiot du village » ayant pu accéder à la vérité), dont elle parle, et qui sont passés de l'autre côté du mur, qui ont atteint la « Cité céleste ». Mais dans la cité terrestre démocratique, les droits de la personne humaine, les droits de l'homme ont triomphé depuis longtemps.

N'importe quel citoyen attend que l'Etat lui accorde des droits, une protection, mais non son amour, ni sa compassion, encore moins une éducation tournée vers le bien pur, ou vers l'amour.

Ce dernier concept n'appartient pas à la sphère publique, ni à celle de l'éducation républicaine et laïque. Quant à la vérité, depuis que l'on a proclamé haut et fort qu'elle est relative, chacun prétend à la sienne propre…

Pat




Commenter  J’apprécie          120
Simone Weil veut montrer que la défense des droits de l'homme, l'homme en tant que personne ayant des droits, est certes important, mais que c'est une erreur de penser que ces droits sont sacrés, que la personne humaine est sacrée, au-dessus de tout. Ce qui est sacré, ayant bien plus de valeur, transcende l'individu, c'est justement ce qui le dépasse, qui transcende l'individu, qui n'est pas propre à sa personne, ce qui est au contraire impersonnel : l'humanité, la justice, la liberté…
Ce qui veut dire qu'éveiller les gens au respect de ces grandes valeurs aura beaucoup plus d'effet, de bonnes répercussions sur la société, que de les appeler à respecter les droits de chacun.
Ce petit essai, écrit l'année de sa mort, parmi les Écrits de Londres, peut tout d'abord être aisément rapproché de l'Homme révolté, d'Albert Camus, publié en 51, huit ans plus tard, dans lequel il pose que la révolte de l'esclave intervient au moment où l'homme est prêt à sacrifier sa vie, sa personne, pour défendre ce qu'il estime le dépasser, ce qui fait l'humain, sa dignité. Ainsi, l'esclave peut accepter de voir ses droits bafoués, mais pas l'essence de ce qui fait de lui un être humain. Mais la pensée de Simone Weil prend une autre direction. Là où Camus interroge les limites de la révolte, Simone Weil cherche à définir cette essence de l'humain, ce sacré, tout en l'insérant dans les conflits sociaux, la vie quotidienne, la défense des faibles… Elle compare les effets de la défense des droits de la personne et ceux de la défense de valeurs. Les grandes valeurs ont une valeur d'autorité qui l'emportent largement. Ces valeurs essentielles peuvent être vues comme valeurs humanistes ou comme vertus chrétiennes. Car c'est bien ce qui transcende l'être humain, l'amène à dépasser son état d'individu animal, qui intéresse Simone Weil.
On voit dans les luttes récentes contre le racisme (mais également contre les politiques des grandes entreprises), que l'existence d'un droit ne suffit pas à en garantir le respect au sein d'une société. C'est bien la défense de valeurs supérieures qui amène à faire émerger aux yeux de toute une société, l'ampleur et la légitimité d'un problème. La lutte pour la sauvegarde de l'environnement constate depuis des années l'échec de ses combats ponctuels, se heurtant à la plus grande machine qu'est l'économie. L'écologie gagne du terrain depuis qu'elle porte des valeurs universelles de respect de la nature, respect de la vie animale, pour lesquelles des individus sont prêts au sacrifice, à l'image de Greta Thunberg.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          90
Dans ce tout petit livre publié chez Allia, Simone Weil s'attache à redéfinir la personne. Notion qu'elle distingue d'emblée de la personne telle quelle est abordée dans les courants personnalistes.

Elle écrit : « Il y a dans chaque homme quelque chose de sacré. Mais ce n'est pas la personne. » On peut entendre ici la personne comme synonyme de l'ego. Ce qui est sacré, c'est le Soi ou l'être humain dans sa totalité, au-delà de l'ego, dans ce qu'il a d'universel et d'impersonnel.

La quatrième de couverture comporte cette simple citation de la philosophe : « Il faut encourager les idiots, les gens sans talent, les gens de talent médiocre ou à peine mieux que moyen, qui ont du génie ». Il faut entendre ceux qui ont le génie de mettre leur égo de côté et qui sont purs de toute forme d'orgueil ou d'égocentrisme.

S'ensuit une diatribe sur les dangers des partis politiques, voire de la démocratie. Elle part du principe qu'une foule ne pense pas. Un individu dans la foule suit souvent le mouvement et perd la direction de son âme et conscience. C'est là toute l'exigence et la subversivité de Simone Weil. Philosophe politique et mystique ; mais les mystiques peuvent-ils faire de la politique ?
Lien : https://synchroniciteetseren..
Commenter  J’apprécie          60
Il faut chercher en chacun la part impersonnelle; celle-ci est faite de la vérité et la beauté qui confèrent au sacré. Pour atteindre le sacré, il faut se plonger au coeur de la solitude, se défaire du collectif.

Simone Weil évoque le sacré avec une vision chrétienne mais sans la restreindre (libre à nous d'y placer autre chose si cela nous convient mieux).
La philosophe élargit sa réflexion au langage qu'elle considère comme un enfermement : il est impossible d'évoquer le sacré car il faudrait aller au-delà du langage, de ce qui est exprimable par des mots. Ces mots qui sont d'ailleurs le privilège des nantis, les autres n'étant pas en mesure de s'exprimer ni d'être entendus.

Une large place est aussi faite à la critique de la société et du monde du travail qui asservissent l'humain en ne lui procurant ni le calme ni la chaleur nécessaires.

Limpide, intelligent et beau.
Commenter  J’apprécie          20
Magnifique méditation.
Eclairante.
Indispensable.

Commenter  J’apprécie          90


critiques presse (1)
LaCroix
16 février 2018
Dans « La Personne et le sacré », la philosophe élabore une vision exigeante du politique. Loin des tentatives de récupérations actuelles.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La beauté est le mystère suprême d'ici-bas. C'est un éclat qui sollicite l'attention, mais ne lui fournit aucun mobile pour durer. La beauté promet toujours et ne donne jamais rien ; elle suscite une faim, mais il n'y a pas en elle de nourriture pour la partie de l'âme qui essaie ici-bas de se rassasier ; elle n'a de nourriture que pour la partie de l'âme qui regarde. Elle suscite le désir, et elle fait sentir clairement qu'il n'y a en elle rien à désirer, car on tient avant tout à ce que rien d'elle ne change. Si on ne cherche pas d'expédients pour sortir du tourment délicieux qu'elle inflige, le désir peu à peu se transforme en amour, et il se forme un germe de la faculté d'attention gratuite et pure.

Autant le malheur est hideux, autant l'expression vraie du malheur est souverainement belle. On peut donner comme exemples, même dans les siècles récents, Phèdre, l'École des Femmes, Lear, les poèmes de Villon, mais bien plus encore les tragédies d'Eschyle et Sophocle ; et bien plus encore l'Iliade, le Livre de Job, certains poèmes populaires ; et bien plus encore les récits de la Passion dans les Évangiles. L'éclat de la beauté est répandu sur le malheur par la lumière de l'esprit de justice et d'amour, qui seul permet a une pensée humaine de regarder et de reproduire le malheur tel qu'il est.

Toutes les fois aussi qu'un fragment de vérité inexprimable passe dans des mots qui, sans pouvoir contenir la vérité qui les a inspirés, ont avec elle une correspondance si parfaite par leur arrangement qu'ils fournissent un support à tout esprit désireux de la retrouver, toutes les fois qu'il en est ainsi, un éclat de beauté est répandu sur les mots.

Tout ce qui procède de l'amour pur est illuminé par l'éclat de la beauté. (pp. 57-59)
Commenter  J’apprécie          50
Un idiot de village, au sens littéral du mot, qui aime réellement la vérité, quand même il n'émettrait jamais que des balbutiements, est par la pensée infiniment supérieur à Aristote. Il est infiniment plus proche de Platon qu'Aristote ne l'a jamais été. Il a du génie, au lieu qu'à Aristote le mot de talent convient seul. Si une fée venait lui proposer de changer son sort contre une destinée analogue à celle d'Aristote, la sagesse pour lui serait de refuser sans hésitation. Mais il n'en sait rien. Personne ne le lui dit. Tout le monde lui dit le contraire. Il faut le lui dire. Il faut encourager les idiots, les gens sans talent, les gens de talent médiocre ou a peine mieux que moyen, qui ont du génie. Il n'y a pas à craindre de les rendre orgueilleux. L'amour de la vérité est toujours accompagné d'humilité. Le génie réel n'est pas autre chose que la vertu surnaturelle d'humilité dans le domaine de la pensée.

Au lieu d'encourager la floraison des talents, comme on se le proposait en 1789, il faut chérir et réchauffer avec un tendre respect la croissance du génie ; car seuls les héros réellement purs, les saints et les génies peuvent être un secours pour les malheureux. (pp. 46-47)
Commenter  J’apprécie          60
Quand on leur parle de leur propre sort, on choisit généralement de leur parler de salaires. Eux, sous la fatigue qui les accable et fait de tout effort d’attention une douleur, accueillent avec soulagement la clarté facile des chiffres.
Ils oublient ainsi que l’objet à l’égard du marchandage, dont ils se plaignent qu’on les force à livrer au rabais, qu’on leur en refuse le juste prix, ce n’est pas autre chose que leur âme.
Imaginons que le diable est en train d’acheter l’âme d’un malheureux, et que quelqu’un, prenant pitié du malheureux, intervienne dans le débat et dise au diable : « Il est honteux de n’offrir que ce prix ; l’objet vaut au moins le double. »
Cette farce sinistre est celle qu’a jouée le mouvement ouvrier, avec ses syndicats, ses partis, ses intellectuels de gauche.
Cet esprit de marchandage était déjà implicite dans la notion de droit que les gens de 1789 ont eu l’imprudence de mettre au centre de l’appel qu’ils ont voulu crier à la face du monde. C’était en détruire d’avance la vertu.
La notion de droit est liée à celle de partage, d’échange, de quantité. Elle a quelque chose de commercial. Elle évoque par elle-même le procès, la plaidoirie. (pp. 47-48)
Commenter  J’apprécie          50
Excepté l’intelligence, la seule faculté humaine vraiment intéressée à la liberté publique d’expression est cette partie du coeur qui crie contre le mal. Mais comme elle ne sait pas s’exprimer, la liberté est peu de chose pour elle. Il faut d’abord que l’éducation publique soit telle qu’elle lui fournisse, le plus possible, des moyens d’expression. Il faut ensuite un régime, pour l’expression publique des opinions, qui soit moins défini par la liberté que par une atmosphère de silence et d’attention où ce cri faible et maladroit puisse se faire entendre. Il faut enfin un système d’institutions amenant le plus possible aux fonctions de commandement les hommes capables et désireux de l’entendre et de le comprendre.
Il est clair qu’un parti occupé à la conquête ou à la conservation du pouvoir gouvernemental ne peut discerner dans ces cris que du bruit. Il réagira différemment selon que ce bruit gêne celui de sa propre propagande ou au contraire le grossit. Mais en aucun cas il n’est capable d’une attention tendre et divinatrice pour en discerner la signification. (p. 31)
Commenter  J’apprécie          50
Il y a depuis la petite enfance et jusqu’à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l’expérience des crimes commis, soufferts et observés, s’attend invinciblement à ce qu’on lui fasse du bien et non du mal, et c’est cela avant toute chose qui est sacré en tout être humain.
Commenter  J’apprécie          120

Videos de Simone Weil (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Simone Weil
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Pouvons-nous vraiment réclamer des droits si nous n'acceptons pas d'avoir également des devoirs ? Savez-vous quelle philosophe a formidablement abordé le sujet ?
« Les besoins de l'âme » de Simone Weil, c'est à lire en poche chez Payot.
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (138) Voir plus



Quiz Voir plus

la philosophe Simone Weil

S. W a été professeur de :

français
philosophie
mathématiques
histoire-géographie

10 questions
117 lecteurs ont répondu
Thème : Simone WeilCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..