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Critique de Tiephaine


Un ouvrage typique des années 1930 françaises, parfait reflet de la vanité et de la vacuité de la philosophie de notre pays encore aujourd'hui.
Avec une entrée en matière aussi rude, il faut pouvoir se justifier. Commençons donc par le commencement: le livre lui-même.
D'environ 150 pages, ce livre se compose de 4 grandes parties: "Critique du Marxisme", "Analyse de l'Oppression", "Tableau Théorique d'une Société Libre", "Esquisse de la Vie Sociale Contemporaine", auxquelles s'ajoutent une très courte introduction et une courte conclusion. Rien que dans sa forme, on perçoit immédiatement l'exercice scolaire dans toute sa splendeur (un comble quand on s'intéresse à la Liberté...), mais admettons que cette longue rédaction écolière soit plus qu'un simple exercice de style.
Le contenu même de l'ouvrage n'est qu'une succession de pensées sans réellement la moindre pertinence ni le moindre fil. La critique du marxisme, par exemple, sert de prétexte à une critique du capitalisme (par ailleurs jamais décrit autrement que sous sa définition marxiste, c'est à dire synonyme d'esclavagisme) et du progrès. Oui, le progrès. Selon Simone Weil, en effet, il devait exister une limite au-delà de laquelle le progrès cesserait d'être désirable parce que ses apports coûteraient trop cher à la société. Outre que le fait de lire la description de ce qui semble être un pur rapport coût/profit dans ce qui constitue une critique du capitalisme a tendance à me faire tiquer, l'Histoire démontre depuis la domestication du Feu que ce genre de réflexion est stupide, sans fondement. Mourir de vieillesse à 80 ans dans un environnement pollué me semble toujours préférable à mourir à 25 ans d'une simple grippe dans un environnement "sain et naturel", mais passons sur ce qui n'est qu'un faux-argument néo-luddite avant l'heure.
Simone Weil a tout de même pour elle d'avoir critiqué de façon pertinente la société soviétique et de voir les limites que le marxisme sous-tendait en ce qui concerne les libertés humaines, gommant l'individu au profit de la communauté et opprimant de ce fait celui-ci au nom d'un productivisme aveugle (critique qu'elle adresse également à l'encontre du capitalisme, où la communauté est remplacée par l'entreprise).
Très franchement, je n'ai absolument pas apprécié ce livre pour la simple et bonne raison que celui-ci ne s'appuie en fait sur rien. le seul auteur vaguement mentionné est Marx, et aucun autre. Les déclarations sur l'Histoire sont totalement fausses (comme sur l'Empire romain sensé avoir maintenu ses frontières uniquement grâce à l'esclavage et avoir détourné le progrès technique au profit de l'oppression de ses conquêtes), au point de me faire penser qu'elle n'a jamais ouvert un seul livre d'histoire, même de l'époque. Ses considérations sur l'économie et en particulier la Production ou le Crédit sont incroyablement délirantes (et fausses), ce qui n'est guère étonnant si elle s'est contentée comme je le soupçonne de ne (mal) lire que Marx. Certaines de ses idées me semblent piquées chez Rousseau (en particulier dans son "Discours sur l'Inégalité") mais je pense que c'est par ricochet, glanées chez un autre auteur ou dans ses notes de cours (Weil est présentée comme une "disciple" d'Alain, ce qui en dit long).
Il m'est assez frustrant de critiquer ainsi le travail d'une femme morte depuis si longtemps (dans des conditions et pour des raisons stupides), d'autant plus que son travail témoigne malgré tout d'un potentiel réel. Si elle s'était basée sur des faits concrets et sur le savoir de son époque au lieu de se contenter de ses notes de cours et de Marx, elle aurait probablement été un vrai grand nom de la Philosophie Politique.
Finalement, Simone Weil m'apparaît à travers cet ouvrage comme le tragique exemple même de ce qu'elle voulait dénoncer et exposer. Broyée par une formation philosophique creuse et idiote dans un contexte pseudo-académique donnant des apparences de légitimité, Simone Weil n'a pas su voir à quel point toute sa vie illustre à quel point elle-même a été opprimée par un système de pseudo-pensée scolaire sensé libérer l'esprit mais ne faisant que lui donner des chaines de plus en plus lourdes. Elle n'a jamais pu échapper à l'oppression sociale qui l'a amenée, en tant que petite bourgeoise, à embrasser la cause des ouvriers au nom de principes marxistes mais pas en son nom propre. Bien que critique face au système au sein duquel elle vivait, elle n'a pas réussi à le contrer et à s'en libérer. Elle illustre, finalement, assez bien ce mal dont est atteinte notre société française depuis le 19e siècle: beaucoup de blabla, beaucoup de principes, mais rien ne change, et l'oppression s'alourdit.
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