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EAN : 9782207166819
295 pages
Denoël (13/09/2023)
4.48/5   29 notes
Résumé :
J'ai cousu les branches, il y en avait six, et l'inscription en langue étrangère se détachait toute contournée et bossue.
J'ai regardé dans mon bout de miroir, l'étoile criait à l'aide ou lançait un signal d'alarme. Je me suis dit, il va falloir s'habituer à se promener avec ce truc, ça va être plutôt difficile... et je me sentais seul au milieu des autres, complètement seul... Les gens gardaient leurs distances, je n'étais plus des leurs... Et Joseph Roubice... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Josef Rubicek, tchèque, juif, simple employé de banque, amoureux de la femme de l'ami d'un ami, amours réciproques, aime les randonnées en montagne, la musique et mène une vie paisible, quand arrive la Deuxième Guerre mondiale. L'Allemagne occupe la Tchécoslovaquie et Rubicek qui se croyait simple citoyen égal aux autres, apprend qu'être juif est une tare. Son monde s'effondre et commence l'enfer, l'enfer de l'attente.....Entre rêve et réalité, un enfer qu'on va partager avec lui tout au long du livre, avec quelques moments de grâce lorsqu'il se remémore son passé d'une banalité lumineuse, un passé en totale paradoxe avec la réalité hallucinante du présent. Dans ces souvenirs sereines, il y puise sa force pour survivre, et nous touche avec ses paroles adressées à son matou sur son bonheur au passé, "Le bonheur existe, Tomas. C'est seulement maintenant qu'Ils essaient de nous convaincre qu'il n'existe pas et n'a jamais existé. Juste essaie de t'en rappeler, Tomas...". Un rai de lumière de temps en temps y vient aussi du soutien des amis, de la solidarité d'un voisin, d'un inconnu, dont ici le formidable personnage de Materna. Et dans toute cette noirceur, l'humour y est aussi présent, même si c'est au compte goutte.

Quand à Eux.....quel gâchis cet acharnement; une bureaucratie et une organisation extrêmement coûteuses pour simplement dépouiller, torturer et finalement tuer des êtres humains sous prétexte qu'ils appartiennent à une race qui ne leur convient pas. Et comment comprendre toutes ces personnes qui obéissent à ces ordres insensés, qui n'ont pour but que d'avilir l'être humain, le réduire à un simple nombre, sans nom, sans documents, sans possessions ? Comment peut-on y participer sans perdre son estime de soi, sa propre conscience ? Et dire qu'Ils ont même réussi à faire d'une étoile jaune qui brille et qui théoriquement devrait apporter espoir et énergie, le symbole du bannissement, de l'anéantissement.

Jiri Weil raconte ici ce qui ressemble beaucoup à son propre vécu. Lui aussi sera contraint de faire face au triste sort de son peuple, et sera obligé de disparaître, simulant un suicide, jusqu'à la fin de la Guerre.
Ne l'ayant pas pu le procurer en francais ( disponible à des prix faramineux), j'ai du le lire en traduction anglaise, excellente. Une prose concise et un homme dont la discrétion m'ont subjugués ! Pas une seule fois ne mentionne-t-il les mots "nazi", "Tchécoslovaquie "et " juif". Un des meilleurs livres lu , écrit avec dignité et détachement sur l'absurdité de notre monde ! Je dis notre monde car tout ce qu'il raconte n'est pas que du passé , il existe toujours, seul la forme a changé, et continueras d'exister jusqu'à que l'homme s'exterminera. Mais tant que des Maternas existeront, il y a toujours Espoir.....
Je n'ose pas dire ne passez pas à côté vu la difficulté de se le procurer. Mais je vois des commentaires comme qui cherche le trouve et croyez-moi ça en vaut la peine.

"Le pire est que nous sommes obligés de vivre la vie qu'Ils ont décidé pour nous."
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J'avais lu depuis longtemps, et adoré,  Mendelssohn est sur le toit, de Jiří Weil. Je suis en train de le relire , tant Vivre avec une étoile m'a emballée et donné l'envie de m'y  replonger...

Jiří Weil est bien un des plus grands auteurs tchèques, avec Bohumir Hrabal.

Tous deux  partagent cette ironie parfois féroce, ce sens de la  dérision, cette logique de l'absurde qui rendent le désespoir à la fois plus élégant et plus radical. Ironie typiquement tchèque, celle d'un Kafka, d'un Léo Perutz-chez lesquels elle se marie à l'humour juif- et, plus tard, ironie d'un Kundera.

Tous tchèques, comme leur ville de Prague.

Comme eux, ardente et créative, pleine de légendes, d'histoire,  d'artistes, de clochers, de théâtres et de musique,  Prague,  pendant plus de mille ans,  abrita " ses" Juifs , leurs synagogues, leur cimetière, leurs échoppes, leurs écoles et leurs maisons , avec un tel sens du partage,  de la convivialité , une telle tolérance que bon nombre d' entre eux avaient oublié qu'ils l'étaient, et se sentaient tchèques et praguois avant tout.

Tel se sentait en tout cas Jiří Weil, athée et révolutionnaire,  qui s'arracha pourtant au charme de sa ville natale pour s'exiler de 1933 à 1935, en URSS, tout  enthousiasmé par le communisme...

Les lendemains qui chantent à la sauce stalinienne eurent tôt fait de le faire.. déchanter. Après un séjour quelque peu forcé au Kazakhstan (et quelques écrits incendiaires sur le goulag, premiers du genre, qui allaient lui  valoir d'être mis de nouveau à l'index, mais pour antisoviétisme cette fois, la Tchécoslovaquie étant tombée de Charybde  en Sylla, et de la férule nazie à celle de l'Union soviétique) ,  il revint à Prague, donc, en 1935 et , comme la poigne de fer nazie, progressivement,  se resserrait sur son pays,  il découvrit une deuxième fois, et cette fois dans sa propre patrie, qu'il était indéniablement juif.

Vivre avec une étoile raconte , sous la forme d'une fable aux codes transparents, cette prise de conscience-là. 

Depuis qu'"Ils" sont devenus les Maitres de la ville, depuis qu'"Ils"font régner la terreur et édictent Leurs lois, Josef Rubiček n'a presque plus rien:  plus de meubles, plus de vêtements, rien qu'un vieux poêle et quelques livres. Il vit d'expédients dans une masure insalubre  , en haut de la vieille ville, un taudis qu'"Ils" ne risquent pas de réquisitionner, il vivote , donc, avec le  maigre salaire que lui vaut le boulot que la Communauté ,  magnanime et sous Leur oeil vigilant, lui accorde,  au cimetière juif de la ville.

 Il n'a plus personne, très vite, plus de famille, plus d'amis. Rien qu'un chat vagabond et tendre qui jette sur lui son dévolu, et  qu'il baptise Thomas - un incrédule, comme lui.

Plus rien que des rêves d'amour et de baignades dans le fleuve avec la belle Ruzěna,  une femme mariée qu'il a aimée. 

Plus rien que son étoile,  celle qu'on lui a fait coudre contre son coeur et qui achève de l'isoler en le désignant à tous comme un paria. Son unique étoile. Sa mauvaise étoile.

La lente dépossession de tout ce qui fait de lui un homme,  la peur viscérale d'être désigné par les bureaucrates de la Communauté,  docile et apeurée, pour partir vers la Ville Fortifiée-  la périphrase désigne le ghetto de Terezin- ce "cirque pour les bêtes " que les siens sont devenus , et   qui, il le sait, n'est qu'une façade,  un leurre pour ceux qui croient encore à un espoir, et qui est surtout une étape vers l'Est, une étape sur la route  des convois ferroviaires qui partent pour on ne sait où et dont jamais personne ne revient.

Jusqu'où peut aller la peur? La dépossession? L'effacement de soi? Que reste-t-il quand on vous a tout pris?

La réponse de Josef Rubiček est étonnante, tonique, forte, et surtout éminemment tchèque. Je vous laisse le plaisir de la découvrir.

C'est la clé d'une immense, irraisonnée, infrangible liberté.

Un grand, grand livre.

Qu'on a encore du mal à trouver , et surtout à un prix raisonnable -sauf coup de bol inouï, n'est ce pas, Pecosa? Mais patience! Je viens de voir qu'en octobre 2019 Mendelssohn (est ) sur le toit - petite variante dans le titre...- va enfin être réédité et accessible à toutes les bourses! Finies les spéculations!

On devrait pouvoir lire et (re)découvrir cet extraordinaire écrivain et ses deux chefs d'oeuvre! Je m'en réjouis pour sa mémoire, et pour nous!

Messieurs les éditeurs, à quand une édition française de La Cuiller en bois et de Moscou à la frontière, les livres du goulag? Faisons savoir notre impatience!
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Comme nombre de lecteurs, c'est en lisant HHhH de Laurent Binet que j'ai fait la connaissance du romancier tchèque Jiri Weil dont les oeuvres sont si difficiles à trouver. Les huit années d'attente n'auront pas été vaines, l'écriture de Weil est un enchantement, et j'ai enchaîné les lectures de Vivre avec une étoile et de Mendelssohn est sur le toit.

Avec Vivre avec une étoile, le romancier tchèque retrace l'occupation de Prague par l'armée allemande et la mise en place de la Solution finale.
Ce roman introspectif narre les journées d'un modeste employé de banque exclu peu à peu de la société, assommé par les mesures les plus aberrantes et les plus sordides, qui voit ses droits et son humanité rétrécir comme peau de chagrin. Josef Roubicek vit dans une masure en marge d'une ville sans nom (Prague), sans famille, sans ami, avec pour seuls réconforts les souvenirs de Ruzena, une femme mariée qu'il a aimée et la présence de Thomas, un chat qui s'installe chez lui et qu'il n'a même pas le droit de posséder.
Roubicek ne vit pas sous une bonne étoile, il vit avec celle cousue sur sa veste, enfin survit. Sa hantise, faire partie du prochain convoi vers cet Est dont on ne revient pas. Il est à la merci des Autres, Eux, Ils, qui agissent, volent, frappent, tuent, tout simplement parce qu'ils en ont le droit. Ils n'ont ni nom, ni visage, tout comme Prague qui n'est pas nommée, ni la prison ghetto qui devient « Le cirque ». Le temps s'étire, sans date, même si le compte à rebours est déjà enclenché.
Pour survivre, Rubicek tente de profiter des derniers moments de grâce qui lui restent, s'allonger dans l'herbe, boire une tisane de feuilles, regarder jouer le chat, échanger avec des compagnons d'infortune et des ouvriers, tout en se défaisant ou en détruisant systématiquement le peu de biens qu'il lui reste pour ne rien leur laisser.
L'écriture de Weil est d'une puissance rare. L'apparente simplicité du style, sa concision, le détachement, le laconisme avec lesquels Weil rend compte du désespoir de Rubicek, de sa peur, de l'attente, de la vue du « Cirque », des voies ferrées, contraste avec la violence du contenu.
Vivre avec une étoile est une fable tragique à la portée universelle, une lecture inoubliable qui nous laisse perplexe quand on pense que son oeuvre est quasiment introuvable. On a qu'une envie, se mettre à l'apprentissage intensif du tchèque pour lire tout les écrits de Jiri Weil .
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Remarquable ! Je me joins aux commentaires précédents de Bookcooky, Michfred, Pecosa, Ashaverus qui ont rédigé un billet élogieux de ce livre.

J'avais adoré « Mendelssohn est sur le toit » où l'on retrouvait cet humour juif décapant tout en découvrant l'horreur et les atrocités vécues par le peuple tchèque. Mais l'humour venait comme un baume apaiser la lecture.

Jiri Weil est un auteur exceptionnel comme on en rencontre peu. Xavier Galmiche, le traducteur, a effectué un travail de grande qualité.

Je reprends la citation mise hier par Bookycooky de Walter Benjamin « Une bonne traduction porte en elle la nostalgie de la langue absente ».

L'écriture est tellement puissante dans un style clair et précis que je me suis retrouvée dans la peau de Josef Roubicek, le narrateur. J'ai porté son étoile jaune « judenstern ». J'ai observé, j'ai subi, j'ai caressé Tomas le chat, j'ai vu le désespoir, la détresse, l'insensé dans une ville non citée, envahie et dominée par Ils. le fait de ne pas nommer Prague et les allemands fait de ce récit un symbole de tous ces pays occupés où les juifs de n'importe quelle nationalité ont été soumis aux lois raciales de Nuremberg. Cela créé comme une certaine distance, une façon de mieux appréhender ce drame dans sa globalité, d'en faire ressortir l'absurde et le mot est faible.

Et l'éternelle question demeure « le mal, pourquoi le mal ». Après maintes lectures philosophiques, je n'ai toujours pas un début de réponse.

P.S. : Je peux prêter ce livre
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Vivre avec une étoile.
Avec une danseuse étoile ? Avec une bonne étoile au-dessus de sa tête ?
Non, vous n'y êtes pas du tout.
L'étoile dont il est question ici est jaune et cousue sur les vêtements.

Jiří Weil ne montre pas directement les camps, les horreurs, les exterminations, mais par la voix du narrateur Josef Roubiček nous fait comprendre la vie de ceux qui portent cette étoile.
De ceux qui tentent de survivre au milieu de règles de jour en jour plus contraignantes et absurdes, dans l'angoisse permanente d'entendre leur numéro appelé pour le départ du prochain convoi.

Cette étoile jaune est une condamnation à mort, et ce qui rend la situation psychologiquement encore plus lourde, c'est que nul ne sait quand son heure viendra.
Comment vivre quand une telle incertitude pèse sur vous ? Peut-on vraiment vivre, ou ne fait-on que survivre lorsque l'on sait que son temps est compté ?
Peut-on vivre quand les autres, blasés par les rafles et assassinats à répétition, vous considèrent comme déjà mort ?
Voilà les graves questions qui traversent ce roman.

Mort, vous ne vaudrez plus rien, mais par anticipation, vous ne valez pas plus de votre vivant : "Et parce que leur mort n'avait aucune valeur, leur vie, elle non plus n'en avait pas." Vous êtes une sorte de mort-vivant.
Vous êtes pris en tenaille entre deux mouvements contradictoires.
Votre raison sait l'inéluctabilité de la fin proche, mais votre instinct de survie vous donne la force de vous battre jour après jour, heure après heure, pour rester en vie ne serait-ce qu'un instant de plus :
"Nous n'aurions pour rien au monde admis que notre vie n'avait aucune valeur, parce que c'était la nôtre, unique, irremplaçable."

Josef Roubiček est à la fois combatif et résigné, et son histoire est bouleversante.
Le récit est sans emphase, laconique, et tout est écrit d'une façon uniformément neutre, comme détachée. Qu'il s'agisse d'une chose anodine ou d'un événement gravissime, le ton employé est le même.
L'auteur s'est appliqué à tout gommer : la ville dans laquelle se situe l'histoire n'a pas de nom, pas plus que ceux dont le lecteur devine l'identité mais qui ne sont désignés que par "Ils", "Eux", ou autres termes écrits avec des majuscules. Ils portent des majuscules parce qu'ils sont omniprésents, qu'ils terrorisent et contrôlent tout, mais sont tellement méprisables qu'ils ne méritent pas d'être nommés.
Le résultat de ce choix stylistique est saisissant : Jiří Weil dit peu, mais le lecteur ressent beaucoup.

Dans sa solitude quotidienne, Josef Roubiček parle à un chat errant qui vient régulièrement lui rendre visite et qu'il a baptisé Thomas.
Le choix de ce prénom n'est sans doute pas innocent : donner un nom humain procure à Josef l'illusion de s'adresser à un homme et non un animal, et montre au lecteur que le félin a davantage de valeur que ceux qui ne sont pas nommés.
L'attachement que Josef développe pour Thomas est terriblement touchant et renforce chez le lecteur la prise de conscience du tragique de sa situation.

Un roman qui prend aux tripes, un chef-d'oeuvre de plus de cet écrivain tchécoslovaque dont le Mendelssohn est sur le toit m'avait déjà ébranlée.
La note liminaire indique : "Sur les 75 000 Juifs de Tchécoslovaquie, environ 57 000 périrent en camp."
Nous ne devons pas les oublier et nous battre pour que la bête immonde ne revienne plus jamais, mais nous devons aussi garder notre lucidité et combattre de toutes nos forces un autre fascisme qui prend actuellement de l'ampleur et qui n'a malheureusement rien à envier au nazisme.

Je termine par une demande que j'adresse aux éditeurs : rééditez Vivre avec une étoile, Mendelssohn est sur le toit, ainsi que les autres ouvrages de Jiří Weil. C'est un grand écrivain, dont le talent a été reconnu, entre autres, par Phliip Roth qui loue dans la préface sa "capacité d'écrire sur la barbarie et la douleur avec un laconisme qui semble être en soi le commentaire le plus féroce qu'on puisse faire sur ce que la vie a de pire à offrir".
L'oeuvre de Jiří Weil ne doit pas se perdre.

Si vous avez la chance de trouver ce roman dans une bibliothèque ou dans une brocante, n'hésitez pas.
Bonne lecture !
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
25 septembre 2023
Un bouleversant chef-d’œuvre.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je suis retourné chez moi et j'ai cousu les branches de l'étoile. Il y en avait six et l'inscription en langue étrangère se détachait, toute contournée et bossue. J'ai tâté avec la main pour trouver l'emplacement exact de mon cœur. J'ai regardé dans mon bout de miroir l'étoile noir et jaune, elle criait à l'aide ou lançait un signal d'alarme. Je me suis dit "Il va falloir s'habituer à se promener avec ce truc, ça va être plutôt difficile. Je ne pourrai plus me faufiler aussi tranquille dans les rues. Les gens vont me montrer du doigt.

Le lendemain je suis sorti, il fallait bien que je fasse les courses. J'ai vu les gens me regarder, d'abord j'ai eu l'impression d'avoir perdu un bouton ou bien que quelque chose clochait dans ma tenue ordinaire, j'étais comme une tache étrangère et tout le monde le sentait. Et je me sentais seul au milieu des autres, complètement seul, parce que les gens gardaient leurs distances, ils s'arrêtaient et m'inspectaient, je n'étais plus des leurs.


Page 112 - Ce sont les phrases les plus emblématiques de ce livre mais je n'ai pu m'empêcher de les recopier tant elles donnent toute la mesure de l'humiliation imposée à tout un peuple.
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"Dehors, cochon de salaud!" m'a crié un homme avec un insigne étranger sur son revers de veste et il m'a poussé si brutalement que j'ai trébuché. J'ai regardé autour de moi, le tram était assez plein, le visage des gens était figé, ils regardaient par terre comme s'ils cherchaient de l'argent, une pièce qui aurait roulé sous les lattes de bois. Personne ne parlait, on n'entendait que la voix grinçante : "Dehors cochon! Sinon….".

Le tram cliquetait dans la rue vide qui traversait le quartier du cimetière, l'arrêt était encore trop loin, l'homme m'a secoué de nouveau violemment, alors que j'étais sur le marchepied, j'ai sauté, j'ai fait un vol plané puis je me suis écroulé sur le pavé. J'ai encore vu mes lunettes sauter de mon nez et valser loin de là, je me suis relevé lentement, j'étais tout sale, la peau de ma main était éraflée mais je sentais que je n'avais rien de grave. J'ai tâtonné pour retrouver mes lunettes et alors j'ai vu que quelqu'un me les tendait.

"Belle bêtise de sauter du tram en marche, par ici, près du cimetière! Qu'est-ce que c'est que cette folie? Vous auriez pu vous tuer".


Page 135
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La villa était silencieuse, même si cette fois ci il y avait des familles enfants, on enregistrait des familles entières. Elles venaient groupées en bloc compacts, on voyait aussi des vieux qui s'appuyaient les uns contre les autres. Entassés tous ces gens devaient attendre anxieusement, interminablement. Ils tenaient à la main des papiers sans rien comprendre à ce qu'il y avait écrit dessus. Leurs "biens" y étaient consignés mais personne ne se souciait plus de ses "biens" qui étaient d'ailleurs passées dans des mains étrangères. Les "biens" de chacun, maintenant, c'était plutôt une couverture, des gousses d'ail, ou du saindoux introduit dans des tubes de dentifrice. J'étais là au milieu de ces familles et j'avais aussi des papiers dans les mains. Il fallait que chacun ait un papier même s'il ne possédait absolument rien. Moi, en tout et pour tout, j'avais un sac de couchage et un bol, je les avais depuis longtemps et je n'étais pas obligé de me battre pour les trouver. Oui, en un sens, j'étais mieux loti que les autres, parce que j'étais seul et qu'en plus j,avais gardé un brin d'espoir.
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Je me suis assis entre mes murs dénudés, près de mon poêle cassé, je mange du mauvais pain et de la chair hachée de crabe de rivière. On m'a chassé de partout, je ne peux plus partir nulle part. On veut prendre cette chambre nue aussi, dans laquelle il pleut, on ne veut même plus que je dorme sur la terre nue ni que je lise, pour la centième fois au moins, les mêmes livres. On va m'expédier vers une terre étrangère et là-bas, peut-être, on me tuera. Je ne crois pas qu'on me permette de vivre.
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"Salut, shérif!", m'a crié un gamin. Et tout le monde a ri, et je savais qu'ils ne riaient pas de moi, j'ai ri moi aussi, c'était une chose divertissante de se promener avec un tel insigne, c'était une mascarade qui n'était pas dans l'ordre du monde, où les gens travaillent, elle faisait partie d'un carnaval, d'une foire avec des marionnettes, des acrobates, des visages poudrés et des coups de pied.
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