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EAN : 9791092011074
416 pages
Anacharsis (18/03/2014)
4/5   3 notes
Résumé :
Captifs et corsaires n'est pas seulement un livre qui relate l'histoire des affrontements entre la France et les Barbaresques de 1550 à 1830, date de la conquête d'Alger par la France ; c'est un tour de force. En réglant sa focale sur les milliers de captifs français réduits en servitude dans les cités corsaires d'Afrique du Nord (au Maroc, Alger, 'l'unis et Tripoli) durant ces trois siècles, ce sont, en retour, de vastes pans de l'histoire de France que Gillian Wei... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La piraterie barbaresque n'est pas la plus connue. Et pourtant, elle frappa les chrétiens durant 3 siècles, faisant des milliers d'esclaves capturés lors de raids sur les côtes méditerranéennes ou lors d'attaques contre les navires venant d'Europe.

Dans ce livre, l'auteure s'attache spécialement à nous décrire le sort de ces captifs, qui parfois durent attendre plusieurs décennies avant d'être libérés, les modalités de leur libération ainsi que le rôle de l'Etat et l'évolution de la perception des chrétiens sur l'esclavage. Personnellement, je m'attendais à ce que les thèmes abordés soient plus larges et touchent également aux pirates, ou soient plus descriptifs quant aux conditions de détention; malgré cette petite déconvenue, j'ai apprécié ma lecture qui a été très instructive.

Or donc, la période abordée couvre 3 siècles, de 1550 à 1830, année où la conquête d'Alger mit définitivement fin aux exactions des Barbaresques (c'est-à-dire les corsaires dont les bases se situaient à Alger, Tunis, Tripoli, et au Maroc, alors sous domination ottomane).

De 1550 à 1650, le roi ne se préoccupe pas vraiment du sort des captifs dont le rachat est entièrement supporté par certaines congrégations religieuses, les familles ou les régions dont sont originaires les victimes. Dans le but d'être libérés plus rapidement en limitant le prix de leur rançon, les esclaves cherchent donc à dissimuler tout signe de richesse. Il existe en outre une hiérarchie dans le traitement des rançons : sont prioritaires les femmes, les vieux, les infirmes, les chefs de famille, les marchands et les marins. Même les protestants sont rachetés dans l'espoir de les ramener sur le chemin de la vraie foi !

Puis le roi, s'inquiétant des risques qui les exposent à "la peste, la sodomie et l'islam", intervient de plus en plus dans le processus de libération. A partir des années 1680-1690, il commence à avoir les moyens de protéger ses sujets, même si les bombardements successifs contre Alger n'ont pas entraîné la capitulation des cités-corsaires, ils ont néanmoins conduit à la libération d'une centaine d'esclaves français. Après la révocation de l'édit de Nantes les esclaves français protestants ne peuvent plus compter que sur leurs coreligionnaires d'autres pays pour obtenir leur affranchissement, le roi de France profitant de leur captivité pour exclure ces déviants religieux du royaume.
A partir des années 1700, la libération des esclaves français devient une affaire d'Etat qui effectue des libérations massives, que ce soit par le paiement de rançons ou par l'échange de prisonniers musulmans, enchaînés sur les galères royales. Une injonction est d'ailleurs faite aux voyageurs s'aventurant en Méditerranée, leur demandant de se munir de certificats attestant leur qualité de "Français et regnicole" dans le but de permettre leur rachat.

Les asservissement se calment en Barbarie au XVIIIème siècle pour reprendre de plus belle après la Révolution à la suite des conquêtes françaises successives en Europe.
Au début du XIXème siècle, l'Angleterre et la France souhaitent unir leurs forces pour se débarrasser de la piraterie et de l'esclavagisme en Afrique du Nord par la colonisation, mais c'est la France qui finalement passe à l'acte en conquérant Alger en 1830.

Concernant les conditions de détention des esclaves, elles sont toujours difficiles mais sont plus mortifères selon l'emploi (galériens, marins), l'endroit (le Maroc est réputé infliger un traitement cruel à ses esclaves) ou les maîtres.
Si bien que certains captifs sont tentés de se convertir à l'islam pour échapper à leur misérable condition. On se convertit donc par opportunisme, généralement en raison de sa grande jeunesse, mais parfois également par dogmatisme, d'autant que la conversion s'effectue aisément : on récite sa courte profession de foi, on se rase la tête, on porte des vêtements turcs et un nom arabe, et étape la plus douloureuse, on subit la circoncision !
D'ailleurs l'évasion,risquée et trop peu souvent couronnée de succès, n'entraîne pas beaucoup de vocations, car si l'on est repris, on se voit couper le nez, les oreilles ou la langue... ce qui donne à réfléchir...

Ensuite, quand on a la chance d'être libéré, le retour en France se déroule toujours selon les deux mêmes rituels de réintégration : la quarantaine à Marseille et une procession religieuse à travers le pays durant 3 mois, destinées à laver les anciens esclaves de toute souillure physique ou spirituelle.

Enfin, la perception sur l'esclavage a évolué à travers le temps. Jusqu'au XVIIIème siècle, la perte de sa liberté en terre de Barbarie était considérée comme un accident de parcours, une malheureuse infortune (symbolisés par les récits romanesques sur la Barbarie ou les mémoires d'anciens captifs du XVIIè siècle qui ont eu beaucoup de succès à l'époque), puis l'idée de l'esclavage s'est racialisée, malgré les satires dénonçant au siècle des Lumières la dégénérescence des moeurs françaises, l'esclavage noir dans les Antilles (dont les victimes sont mises sur un pied d'égalité avec les esclaves blancs d'Afrique du Nord) et l'hypocrisie des Blancs. Mais Napoléon, à son avènement, rétablit l'esclavage noir pour se focaliser sur la libération des esclaves blancs, entérinant ainsi cette nouvelle vision selon laquelle une race pourrait être inférieure à une nôtre et destinée à l'esclavage !

Pour conclure, un livre très intéressant sur la consolidation de l'identité française à travers le rachat des captifs français. C'est très détaillé, très documenté, que ce soit en notes de bas de page ou en appendices en fin d'ouvrage. En plus, j'ai appris des choses qui m'ont beaucoup surprise : par exemple, la France considérée comme terre de liberté "de temps immémorial" par ses représentants permettait l'affranchissement immédiat de tout esclave qui posait le pied sur le sol de la métropole ; ainsi, en 1552, le duc de Guise refuse pour ce principe de rendre à un Espagnol son esclave turc ; Henri III libère également des esclaves turcs échoués d'une galère espagnole sur les côtes françaises en déclarant que "seuls les criminels sont envoyés en galère" ; ce principe de liberté s'appliquait également aux esclaves noirs en provenance des Antilles, bien que des détournements aient eu malheureusement lieu pour s'en prémunir...
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Comme son titre l'indique, ce livre traite de l'esclavage en Méditerranée. Lorsque l'on évoque au XXIème siècle l'esclavage, il nous vient à l'esprit le Sud des Etats Unis, les champs de coton, dont la culture nécessite beaucoup de main d'oeuvre. Des souvenirs de nos cours d'Histoire avec la fameuse expression « commerce triangulaire » et ses cartes avec trois grandes flèches entre les côtes de la France, l'Afrique de l'Ouest, et les Amériques du Sud et du Nord.
Mais il ne faut pas oublier la Méditerranée et son histoire Barbaresque. Dès les années 1500, on appelait ces faits « La course et la piraterie » des traces d'attaques de marins relatées dans les récits anciens. On ne peut que rapprocher ces faits avec la chasse aux Arabes musulmans, faite par l'Espagne en la personne d'Isabelle la Catholique, rejetés hors de la péninsule ibérique vers la Méditerranée.
Prendre la mer, en ces temps représentait un certain risque. Cervantès en fut un exemple, qui fut un esclave des musulmans pendant 5 ans (1575-1580), de l'âge de 28 à 33 et il a tenté de s'enfuir 4 fois. Il fut racheté par des prêtres...
Certains pirates furent célèbres, tel Barberousse ! Ces histoires ont souvent inspiré les scénaristes de films qui sont devenus des classiques du cinéma mondial. Hollywood et ses superproductions excellaient dans le domaine.
Voici un travail de longue haleine, très bien documenté, qui mérite d'être lu, comme à la recherche d'un trésor, peut-être celui des corsaires, cachés au milieu de ces 410 pages. J'ai bien apprécié les appendices, des tableaux récapitulatifs, chronologiques, par pays, des arrivées d'esclaves, chrétiens ou non, et les sources de ces informations. Quand la bibliographie impressionnantes, de quoi retrouver nombres d'histoires vécues dans les Archives de l'Histoire de la Méditerranée !
Un grand merci encore à Babelio et aux Editeurs qui envoient aux accros des livres, parfois de merveilleux livres rares, par le travail qu'a nécessité l'écriture de ces pépites pour les amateurs de livres !
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Captifs et corsaires n'est pas seulement un livre qui relate l'histoire des affrontements entre la France et les Barbaresques de 1550 à 1830, date de la conquête d'Alger par la France ; c'est un tour de force.
En réglant sa focale sur les milliers de captifs français réduits en servitude dans les cités corsaires d'Afrique du Nord (au Maroc, Alger, Tunis et Tripoli) durant ces trois siècles, ce sont, en retour, de vastes pans de l'histoire de France que Gillian Weiss éclaire d'un jour nouveau.
Car elle démontre comment ces captifs, au statut incertain et toujours susceptibles de renier leur foi ou leur allégeance politique, contraignirent l'État à reconfigurer les caractères de l'identité française et à étendre son emprise sur ses régions périphériques.
Et par l'attention qu'elle porte à l'évolution de l'esclavage – d'abord considéré comme un accident de la vie, il sera peu à peu racialisé –, elle dévoile la façon dont la tortueuse lutte pour son abolition, ici en l'espèce « l'esclavage des Blancs », a pu conduire à une légitimation de la colonisation.
Un ouvrage stimulant qui, en faisant une histoire de l'idéologie de l'émancipation par la conquête, résonne de multiples échos.
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Vidéo de Gillian Weiss
Carte blanche aux éditions de l'EHESS
Avec Etienne ANHEIM, Guillaume CALAFAT, Meredith MARTIN, Gillian Weiss
Cette carte blanche inspirée du livre inédit en français, richement illustré, le premier consacré à l'art maritime et à l'esclavage des galères dans la France du début de l'époque moderne, montre comment les propagandistes royaux ont utilisé les images et le travail des musulmans réduits en esclavage pour glorifier Louis XIV.
L'art maritime méditerranéen et le travail forcé dont il dépendait étaient au coeur de la politique et de la propagande du roi de France Louis XIV, qui régna de 1643 jusqu'à sa mort en 1715. Pourtant, la plupart des études sur l'art français de cette période se concentrent sur Paris et Versailles, négligeant la présence ou la représentation des galériens sur les côtes du royaume. Grâce à une abondante sélection d'images surprenantes, dont beaucoup n'ont jamais été publiées, le Roi-Soleil à la mer met l'accent sur le rôle des esclaves turcs – des rameurs capturés ou achetés en terre d'islam – dans la construction et la décoration des navires et autres objets d'art qui circulaient sur terre et sur mer pour glorifier la Couronne. Ainsi, en examinant un large éventail de productions artistiques – dessins de navires, sculptures d'artillerie, médailles, peintures et gravures –, Meredith Martin et Gillian Weiss nous invitent à reconsidérer l'image dominante de l'art et du pouvoir dans la France du début des Temps modernes.
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