Admiratrice d'
Edith Wharton, je ne l'avais pas lue depuis longtemps. J'ai repris contact avec elle avec
le fruit de l'arbre, son deuxième roman assez méconnu, écrit en 1907.
John Amherst, sous-directeur dans une usine textile de la banlieue de New-York pendant la révolution industrielle, est un jeune homme travailleur, idéaliste, passionné par sa mission et le rôle social dont il se sent investi auprès des ouvriers dans l'entreprise. Au début du roman, il rencontre Justine, infirmière, au chevet d'un ouvrier gravement blessé, ainsi que Bessy, héritière de l'entreprise.
L'intrigue se nouera autour de ces trois protagonistes. Un homme qui se marie rapidement avec l'une d'elles, pour le regretter assez vite, et deux femmes, amies d'enfance, que tout oppose, les origines sociales, les valeurs, comme la personnalité.
Mon sentiment, à l'issue de la lecture de ce livre, est assez partagé.
A son crédit, je mettrai ce qu'on retrouvera dans ses oeuvres ultérieures et qui en font une immense écrivaine : la finesse de l'analyse psychologique.
Edith Wharton radiographie les émois et états d'âme, l'intériorité des personnages. Elle passe au scalpel les éléments qui structurent et font évoluer les relations entre les êtres. Elle nous offre des portraits saisissants de vérité et d'acuité. Elle attache de l'importance aux motivations de John, Justine et Bessy, à leur moteur, à ce qui les fait vibrer et se réaliser, ce qui les rend vivants.
Elle décrit avec justesse les conflits de loyauté, les compromissions, les concessions, l'incommunicabilité au sein des couples et ne manque pas de dénoncer l'institution du mariage.
Deuxième réussite du livre, la toile de fond sociale et historique sur laquelle l'autrice situe ses personnages. Elle décrit le monde des entreprises manufacturières dont elle semble maîtriser les enjeux économiques et les relations entre les salariés et les dirigeants, mais aussi le monde de la grande bourgeoisie dont elle est issue et dont elle sait si bien décrire les dérives et les bassesses.
La délicatesse des émotions combinée au réalisme anthropologique offre des perspectives, des nuances infinies, ainsi qu'une certaine modernité qui fait écho à des problématiques actuelles comme la condition et l'émancipation des femmes, ou l'euthanasie.
Parmi les réserves, je noterai la longueur du livre, la lenteur avec laquelle l'intrigue se construit, les redondances dans le propos, une vision de l'entreprise marquée par le paternalisme et enfin une approche du féminisme au travers d'un antagonisme simpliste entre deux femmes.
Pour résumer, un livre intéressant et, par moments, brillant, que je ne conseillerais pas pour découvrir
Edith Wharton.