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Brice Matthieussent (Traducteur)
EAN : 9782264027757
546 pages
10-18 (04/03/1999)
4.22/5   923 notes
Résumé :
Dans un Belfast livré aux menaces terroristes, les habitants d'Eureka Street tentent de vivre vaille que vaille. Chuckie le gros protestant multiplie les combines pour faire fortune, tandis que Jake le catho, ancien dur au cœur d'artichaut, cumule les ruptures. Autour d'eux, la vie de quartier perdure, chacun se battant pour avancer sans jamais oublier la fraternité.


"Eureka Street est un grand livre et son auteur un formidable écrivain. Belfa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (138) Voir plus Ajouter une critique
4,22

sur 923 notes
Belfast, Irlande du Nord, années 90, peu avant et après le cessez-le-feu de l'IRA.
Jack le catho vit dans Poetry Street, une large avenue sans voitures calcinées , ni patrouilles militaires. Sa compagne anglaise est partie il y a six mois, ayant eu assez de vivre dans cette ville. Lui il glande, fait des boulots merdiques à droite à gauche, en attendant que quelque chose se passe dans cette ville où la mort en public est chose fréquente.
Chuckie le protestant a trente ans, lui vit à Eurêka Street avec sa mamôn et lasse de l'incohérence de sa vie, veut organiser son existence.Sauf qu'échafauder une telle organisation écumant les bars, bourré quasi en permanence, s'avère compliqué 😆. Pourtant le mec a du talent. Il a des bonnes idées, qui peuvent aussi vous éclairer si vous aviez des ambitions capitalistes similaires , comme comment gagner un million de livres Sterling sans lever le petit doigt😆.....et ça marche !!!
Le chemin que vont emprunter ces deux-là (malgré eux 😆)pour changer le cours de leurs vies est au coeur de ce livre, où le troisième personnage est Belfast, la ville d'où est issu l'auteur. Belfast, cette ville qui donne « l'impression d'être le ventre de l'univers...un décor souvent filmé rarement vu...un monde brisé-brisé mais beau ...un simple fouillis de rues et quelques grosses collines, un simple murmure de Dieu. »
Les deux personnages sont sublimes, et leur attitude d'une lucidité couplée d'une indifférence insondable envers la vie, désarmante. Dans la noirceur d'une ville, scène d'événements tragiques, l'auteur les enveloppe d'un halo d'humour, d'humanisme et d'optimisme qui m'ont fait sourire et rire, tout en dégustant de la belle littérature. Dans son ensemble une satire très subtile de notre monde , où pour préserver notre santé mentale vaut mieux ne pas chercher de raisonnement logique. Syrie, Irlande du Nord,.....l'absurde est partout. le cours de l'histoire et celui de la politique se télescopant, les histoires individuelles sont mutilées ou tronquées à jamais. J'ai particulièrement apprécié les piques au monde des “affaires”, à l'ignorance des américains, à l'hypocrisie des politiciens et autres genres de personnages publiques plus soucieux de leur image et de leur réputations que de leurs actes et à l'absurdité des conflits politiques et religieux basés sur des fondements et justifications non tangibles.

Eurêka Street est encore une rencontre babeliote, une lecture coup de coeur, merci Bison.

"Dans Eurêka Street, les gens vivaient les uns sur les autres comme des allumettes dans une boite, mais avec chaleur et sociabilité."
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Traduction littérale d'Eureka Street : à lire de toute urgence !

Une bande de potes désoeuvrés et paumés dans un Belfast laminé par le chômage et balafré par les conflits religieux , voilà le propos cyniquement lucide d'un auteur natif de cette ville arborant presque ironiquement comme emblème un trèfle à quatre feuilles pourtant bien loin d'apporter joie , bonheur , prospérité et U2 puissamment beuglé , le corps et l'âme noyés sous des flots ininterrompus de Guinness , à chaque union protestant / catholique , assez rare il est vrai...
A part Sunday Bloody Sunday , je vois pas...

Trois héros récurrents dans ce petit bijou d'humour désabusé .
Jake le catholique et Chuckie le protestant . A priori , rien en commun mais les à priori , hein , ça vaut ce que ça vaut...Deux adultes célibataires presque trentenaires , aussi paumés et blasés qu'ils sont intimement liés par une amitié certes chaotique mais toujours bien ancrée .
Petits boulots qu'ils s'ingénient à perdre dans les plus brefs délais , beuveries , filles d'un soir quand soir il y a , beuveries , lamentables et pathétiques larcins , beuveries...
Les jours , mois , années se suivent sans véritable changement notoire ni quelque espoir futur que ce soit . Jusqu'au jour où...

Autre élément central incontournable , ce Belfast en crise que McLiam Wilson chérit pourtant tant . Renaud , tu te calmes !
Une description au cordeau de cette principale ville d'Irlande du Nord souffrant de mille maux , le terrorisme n'étant pas le moindre .

Deux stratosphériques glandeurs en puissance dans une ville susceptible de filer le bourdon à un mormon dépressif , rien de ragoûtant au menu serait-on tenter de croire .
Et là je m'inscris en faux votre honneur ! Des mecs attachants au possible , oublier les seconds couteaux serait leur faire injure , à la verve corrosive et acerbe , moi je dis benco ! Auquel je rajouterai Nesquik et Poulain , injonction du CSA oblige...
La plume de McLiam Wilson , tour à tour ironique , douloureuse et désenchantée , est malgré tout un véritable hymne au bonheur ! Chaque réplique fait mouche . L'auteur n'en fait jamais des caisses . Toujours sur le fil , il ne verse jamais dans la démonstration et contrebalance talentueusement un morne quotidien par un incroyable sens de la répartie ! Sorte de Tontons Flingueurs irlandais à la verve jouissive qui laisseraient à penser qu'aussi désespérée qu'une situation puisse être , il reste encore et toujours l'espoir...

Eureka Street : lu et fortement conseillé par Archimède ! A lire dans sa baignoire , comme de bien entendu , beaucoup plus pratique que sous la douche...
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Eurêka ! J'ai trouvé un chef d'oeuvre avec ce talentueux auteur qui nous présente sa ville. Une bande de copains, de religion différente, faite de débrouille pour vivre dans ce Belfast sous la menace du terrorisme. Chaque personnage (jeune, vieux, femme, homme, pauvre, friqué) est attachant et haut en couleur. Ces 545 pages nous apportent émotion, humour, amour, voyage, poésie, politique, religion, chômage, travail, beuveries, bagarre, insultes, violence. le chapitre 11 sur l'attentat est d'une force émotionnelle bouleversante. L'écriture est nette, précise. Bluffée par l'analyse des êtres humains. Oh comme il est difficile de faire une critique d'un livre aimé ! Exceptionnellement je n'enchaîne pas sur un autre roman. Je vais continuer à savourer Eurêka Street comme un chocolat qu'on laisse fondre en bouche en se délectant.
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« Toutes les histoires sont des histoires d'amour. »

C'est ainsi que commence ce roman, dans le genre ballade irlandaise. Les histoires d'amour c'est mon kif, alors je fonce dans le premier pub, irlandais. Ça braille, ça crie, ça gerbe, mon univers. Des gamins qui se pintent, des vieux qui se pintent, des rousses qui se pintent aussi. le ciel est gris, les nuages menaçants, la pluie arrive en trombe, les buveurs aussi. Mon élément, cette grisaille et ses bières. Et ça cause amour, des love story qui mijotent autant que l'irish stew dans une cuisine que l'on croit abandonnée. Une radio diffuse les grands titres du lion de Belfast, de quoi chavirer quelques coeurs autour d'une bonne bière, c'est que les histoires de coeurs sont au centre de toute une vie, le mien par exemple je l'ai donné à van Morrison. Un flash-info, je coupe le son. Une nouvelle déflagration qui coupe cet élan de bonheur et d'ivresse. On s'y habitue presque dans les rues de Belfast. Des graffitis au mur, des bombes qui sautent, des sirènes, des cris affolés, des pleurs chagrinés, ainsi va la vie dans ses rues. Peut-être pour cette raison que chaque week-end est rythmé au son des verres qui s'entrechoquent.

Le grand roman de l'Irlande des années quatre-vingt. Pas moins que ça ! Les jeunes sont au pub, ils se bourrent la gueule, pensent aux filles en mini-jupes, je les accompagne, je me sers une pinte, deux mêmes, jusqu'à la biture et la passion de ces rousses à la poitrine généreuse, en bonne catholiques. Mais les protestantes sont plus lubriques. Parait-il ! Car la vie à Belfast se rythme aussi au son des sermons, opposition de religions. Les murs d'usines désaffectées se tapissent toujours plus de peinture et de sigles barbares. WTF et OTG. Et puis j'arrive tout simplement au chapitre 10. Je n'ai pas fini ma Guinness alors que je sens une atmosphère différente, pesante, palpable. Ce chapitre n'est pourtant qu'une mise-en-bouche, une entrée en matière sur le chapitre 11, chapitre anthologique sur l'Irlande. Tu veux sentir le pouls de Belfast, lis juste ce chapitre 11, phénoménal et glaçant. Peut-être mon plus grand moment littéraire sur les terres irlandaises.

Après cet intermède presque musical, presque poétique, qu'est le chapitre 11 qui marquera à jamais ta vie de lec-teur-trice, la vie reprend son cours, envie d'aller aux States, mais pour un irlandais, même sous les bombes et les décombres, la vie est à Belfast, Eureka Street. Je rallume la radio, musique. La pluie triste et morose s'abat, ambiance élégiaque dans un cimetière, sauf que je bois seul ma pinte dans ce pub, mon âme enfouie sous ma propre tombe.
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Des irlandais, la trentaine chargée, collectionnent les mauvais coups et surtout les coups du sort dans un Belfast où s'affrontent les catholiques et les protestants sous la surveillances d'anglais qui ont la notoriété mondiale de foutre la merde partout où ils passent (le jour où ils arrêteront de se torcher avec la géopolitique, le monde ira un poil mieux).
Jake Jackson vient de se faire plaquer par Sarah, retournée à Londres où elle y a avorté, ce qu'il apprendra plus tard. Il décide de quitter son job de déménageur-encaisseur lorsqu'avec ses deux acolytes, ils récupèrent le lit médical d'une vieille dame atteinte d'un AVC qui n'avait pas fini de payer ses traites, en la virant par terre. Depuis il traine ses regrets, attendant de rencontrer la femme qui lui fera oublier ses déboires amoureux.
Son ami, Chuckie, rêve de toucher le jackpot mais sans avoir à passer sous un bus afin de percevoir la prime d'assurance. Il a l'idée d'une géniale arnaque. Il fait passer une annonce proposant un godemichet géant moyennant la modique somme de 9,99 £. Il ne compte bien évidemment jamais expédier l'objet du délit à l'acquéreur(se)(heureuse) mais à la place un chèque de remboursement portant la mention : « REMBOURSEMENT GODEMICHET GEANT ». Il se doute que personne n'osera déposer le chèque à sa banque. Il fait rapidement fortune…
Chuckie Lurgan est à « Eureka Street » ce qu'Ignatius J. Reilly est à « La conjuration des imbéciles ». le premier est autant obsédé par gagner du fric au travers de procédés douteux et sauter la ravissante californienne Max que le second l'est à son anneau gastrique et à ses excentricités délirantes.
Robert McLiam Wilson signe un roman d'une rare cocasserie. Il donne l'impression de régler ses comptes avec l'absurdité d'un pays divisé par une guerre de religion tout aussi absurde, sur le ton de la plaisanterie. Il aurait pu finir chacun de ses chapitres par : « Mais la vie continue… ».
Il réunit une brochette de personnages aux caractères haut en couleurs, que les travers de leur existence n'atteignent plus. Ils jonglent avec un humour corrosif et échappent ainsi à la sinistrose qui tapisse les rues de Belfast. Sur fond d'attentats terroristes meurtriers, ils sont capables de tels échanges :
« - Ta queue atteint-elle ton cul ? Demanda-t-il.
J'ai écarquillé les yeux.
- Quoi ? fit Billy.
- Ta queue atteint-elle ton cul ?
Billy ne trouvait pas ça drôle du tout.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Eh ben, si elle l'atteint, tu peux aller te faire enculer plus facilement. » D'une logique implacable…
Le roman de Robert McLiam Wilson est un véritable chef d'oeuvre de second degrés et un hymne à une humanité que rien ne saurait altérer. C'est une histoire sur l'amitié. C'est le témoignage que même au milieu d'une société dure, cultiver la dérision aide à se sortir de bien des situations sans être atteint au plus profond de soi-même.
Moralité de cette histoire : plus la connerie est grosse, et plus on y croit et plus elle marche, parce qu'on en a besoin !
Une lecture savoureuse et un auteur génial à découvrir impérativement…
Traduction de Brice Mathieussent.
Editions Christian Bourgois, 10 :18 « domaine étranger », 545 pages.
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critiques presse (1)
Telerama
04 janvier 2023
Eureka Street conte avec truculence et humour l’amitié de deux jeunes hommes de confession différente, Jake et Chuckie, au milieu de cette folie morbide.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (237) Voir plus Ajouter une citation
L’histoire de Robert cessa d’intéresser quiconque. Il perdit son emploi. Il perdit ses amis. Il se mit à boire pour se rappeler, pas pour oublier. Et il se mit à pleuvoir dans son cœur pour le restant de ses jours.

Ainsi, en bref, un mélange complexe d’histoire, de politique, de circonstances et de trajets aboutit à la détonation d’une bombe de cinquante kilos dans l’espace restreint et donnant sur la rue d’une petite boutique de sandwiches mesurant sept mètres sur quatre. Cet espace confiné et la puissance du dispositif créèrent une explosion d’une telle ampleur qu’une grande partie du premier étage du bâtiment s’effondra en se déversant dans la rue. Il y avait quatorze personnes dans la boutique de sandwiches. Il y avait cinq personnes dans le salon de beauté situé à l’étage lorsqu’il s’écroula, et douze dans la rue au voisinage immédiat des éclats de verre et de métal et du salon de beauté explosé. Trente et une personnes en tout, dont dix-sept cessèrent d’exister sur-le-champ ou plus tard, et don onze furent blessées au point de perdre un membre ou un organe vital. (…) Beaucoup de gens souffrirent de coupures et d’entailles. Beaucoup de gens furent terrorisés. Quelques infirmiers et infirmières improvisés, qui avaient pénétré dans la boutique une fois que la fumée et la poussière se furent dissipées, découvrirent des visions atroces et émétiques qui devaient rester comme une pellicule posée sur tout ce qu’ils verraient ensuite au cours de leur vie.

Dans le silence déchirant, assourdissant, qui suivit l’explosion, s’immisça une chose grotesque ressemblant à la paix. Les morts étaient morts, beaucoup de mourants étaient inconscients ou incapables de parler, la plupart des blessés ou des victimes terrifiées étaient en état de choc ou simplement très très surpris. (…)

[La liste des noms des victimes…] Cette liste est absurde. Cette liste s’oublie facilement.

Identifiés, anonymes. Présents à la mémoire, oubliés. Ils ont tous fait le grand saut, spécialité des morts. Qu’ils aient décédé aussitôt, presque aussitôt ou plus tard, tous on fait le grand saut. Quitter le monde des vivants pour se transformer en cadavre : la transition la plus rapide du monde.

Egrener leur liste est absurde et impossible. Tous avaient leur histoire. Mais ce n’étaient pas des histoires courtes, des nouvelles. Ce n’aurait pas dû être des nouvelles. C’aurait dû être des romans, de profonds, de délicieux romans longs de huit cent pages ou plus. Et pas seulement la vie des victimes, mais toutes ces existences qu’elles côtoyaient, les réseaux d’amitié, d’intimité et de relation qui les liaient à ceux qu’ils aimaient et qui les aimaient, à ceux qu’ils connaissaient et qui les connaissaient. Quelle complexité… Quelle richesse.

Qu’était-il arrivé ? Un événement très simple. Le cours de l’histoire et celui de la politique s’étaient télescopé. Un ou plusieurs individus avaient décidé qu’il fallait réagir. Quelques histoires individuelles avaient été raccourcies. Quelques histoires individuelles avaient pris fin. On avait décidé de trancher dans le vif.

C’avait été facile.

Les pages qui suivent s’allègent de leur perte. Le texte est moins dense, la ville plus petite
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Il y avait quatre groupes principaux.
Il y avait d'abord les cercles prévisibles d'Alcooliques-en-Résidence, qui donnaient leurs séminaires dans les recoins. Tous les bars de Belfast y avaient droit, ce n'était pas une surprise. Mais Lavery's abritait une énorme différence. Lavery's semblait organiser une formation, un apprentissage. Il y avait une tablée de types qui entamaient leur glissade. Ils avaient commencé chez Lavery ; après avoir passé leur examen de poivrot, ils pourraient se disperser vers d'autres bars ou chez les vrais indigents, mais ils avaient commencé ici et ils ne pouvaient plus s'arrêter. Ils seraient toujours diplômés de chez Lavery.
Il y avait ensuite une bande de types frisant la quarantaine, quadra ou même quinquagénaires, vaguement liés au monde musical ou attirés par lui. Ridés, obèses, on les reconnaissait à leur queue de cheval et à l'étonnant succès qu'ils rencontraient auprès de très séduisantes jeunes femmes de moins de trente ans. Ces succès rendaient ces hommes confiants. Jamais ils ne s'étaient dit que cette apparente anomalie - d'autant plus flagrante que mes amis relativement beaux et moi-même faisions chou blanc à tous les coups - s'expliquait par l'abrogation de toutes les lois physiques dans la bulle spatio-temporelle de chez Lavery. C'était à cause de la physique aberrante qui régnait ici que ces types cartonnaient. Dans la rue, c'était simplement d'affligeantes vieilles badernes.
Le troisième groupe était le plus nombreux. Les étudiants de Queens. Des gamins trop niais pour fréquenter une vraie université et qui se retrouvaient dans ce bar. Presque tous originaires de la campagne, ils se décarcassaient pour se donner l'air de vrais citadins branchés. Quelques semaines plus tôt seulement, ils conduisaient des tracteurs et tondaient les moutons.
Enfin, bien sûr, il y avait une splendide sélection de brunes époustouflantes qui se passaient les doigts dans les cheveux et arpentaient inlassablement le bar sans que jamais leur regard ne croise celui d'un homme.
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A quoi ressemble donc une bombe ? Eh bien voila... elle explose, bien sûr. Ça fait du bruit. Et ça fait peur. Leur détonation et leur terreur vous frappent en plein ventre, comme dans votre enfance quand vous tombiez sur la tête et que vous ne compreniez pas pourquoi il en résultait tant de souffrance et tant de panique viscérale. Et puis c'était un phénomène irréversible. Les bombes ressemblaient aux assiettes qu'on lâche, aux chats qu'on frappe, aux mot qu'on prononce sans y penser. Elles étaient l'erreur. Le désordre et le foutoir. Elles étaient aussi - très important, ça - le savoir. Quand vous entendiez cette décharge sèche, la détonation animale de la bombe, lointaine et proche, vous compreniez quelque chose. Vous compreniez que quelqu'un quelque part passait un très sale moment.
Ce n'étaient pas les bombes qui faisaient peur. C'étaient les victimes des bombes. La mort en public était une forme de décès très spéciale. Les bombes mutilaient et s'emparaient de leurs morts. L'explosion arrachait les chaussures des gens comme un parent plein d'attention, elle ouvrait lascivement la chemise des hommes ; le souffle luxurieux de la bombe remontait la jupe des femmes pour dénuder leurs cuisses ensanglantées. Les victimes de la bombe étaient éparpillées dans la rue comme des fruits avariés. Enfin, les gens tués par la bombe étaient indéniablement morts, putain. Ils étaient très très morts.
(L'explosion contrôlée, soit dit en passant, a eu lieu sur une poubelle remplie de déchets du Kentucky Fried Chicken. Des petits morceaux de viande grillée ont ainsi arrosé toute la rue. C'est mon chat qui a été content).
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Il rédigea sa liste. Voici ce qu'elle contenait :
À mon trentième anniversaire,
j'ai vécu 360 mois
1560 semaines
10950 jours
262800 heures
15768000minutes
94608000 secondes
J'ai
uriné environ 74460 fois
ejaculé environ 10500 fois
dormi pendant environ 98550 heures ( 11ans et trois mois)
fumé environ 10750 cigarettes
mangé environ 32000 repas
bu environ 17520 litres de liquides ( dont 8000 environ contenant de l'alcool)
marché environ. 30440 km
bandé pendant environ 186150 minutes 3102,5 heures, 129, 27 jours
eu environ 5,4 mètres de cheveux
baisé environ 175 fois
gagné environ pas un seul sou, putain.
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Comme 84 637 autres personnes en Irlande du Nord, Luke Findlater apprit qu'une grosse explosion venait de se produire grâce au tout premier flash info de la radio. Chaque jour, à l'heure du déjeuner, il écoutait une émission très originale de Radio Ulster intitulée 'le Point sur l'agriculture en Ulster'. Il écoutait avec délices certains détails sur l'ensilage, l'élevage des porcs ou les bains parasiticides des moutons. L'Anglais savait que son attitude relevait sans doute d'une honteuse fascination de patricien pour un kitsch pervers, mais il en était néanmoins ravi.
Douze minutes seulement après l'explosion de Fountain Street, le présentateur de l'émission s'interrompit, tripota quelques papiers et annonça d'une voix tremblante qu'il venait de recevoir une information non confirmée sur une grave explosion dans le centre de Belfast, qui aurait fait plusieurs victimes.
La voix de cet homme, si étroitement associée aux problèmes risibles et terre-à-terre de l'engrais et de l'abattage des poulets, prononça curieusement ces mots. L'effet en fut troublant. Luke eut soudain froid. Il s'adossa à sa chaise, en proie à une sensation étrange. Il regarda autour du bureau. Il ne vivait pas en Irlande du Nord depuis assez longtemps pour trouver ces informations banales, normales. Le mobilier de la pièce et jusqu'au papier à lettres lui parurent tout à coup d'une absurdité grotesque.
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Vidéo de Robert McLiam Wilson
Le mercredi 20 juin 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Thierry Corvoisier (éd. Rivages) et Sébastien Wespiser (éd. Agullo) en tant que libraires d'un soir.
Ils nous parlaient de :
1. Jim Harrison, "Dalva" (04:20) 2. François Médéline, "La politique du tumulte" (16:40) 3. Gregory McDonald, "Rafael, derniers jours" (24:01) 4. Grégory Nicolas, "Là où leurs mains se tiennent" (30:14) 5. Robert McLiam Wilson, "Eureka Street" (40:10) 6. François Guérif, "Du polar" (48:45) 7. David Peace, "Le quatuor du Yorkshire" (58:00) 8. David Peace, "Rouge ou mort" (1:01:51)
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