Si un roman devait faire la démonstration que l'on peut raconter une belle histoire, passionnante et captivante sans pour cela user d'artifices plus spectaculaires les uns que les autres, «
une mort absurde » de
Laura Wilson serait celui ci.
Voilà un roman qui vous plonge d'abord dans une époque, celle de Londres durant la seconde guerre mondiale, et vous imprègne d'une atmosphère particulière, celle d'une société dont la vie est rythmée par les explosions des missiles allemands, et des tickets de rationnement.
Dans cet univers d'éclats et de décombres, la vie continue, la société se réorganise à chaque instant, réinventant ce que les bombes ont désorganisé ou détruit dans la nuit.
Dans cette ville assiégée par les cieux, derrière le rideau de l'Histoire qui se déchire, les turpitudes humaines elles, ont toujours cours.
Laura Wilson nous peint des portraits d'hommes et de femmes pris dans la tourmente de la guerre, qui désespérément tentent d'asseoir leurs existences dans un quotidien sans cesse bouleversé, où la moindre anicroche dans celle-ci peut prendre des proportions insoupçonnables. Des gens simples, qui cahincaha se raccrochent à la rambarde de leur vie en attendant de savoir où va tomber la prochaine bombe.
Parmi eux, Ted Stratton et sa famille. Sa femme Jenny, leurs enfants mis à l'abri à la campagne, Doris la soeur de Jenny et son mari. Cellule familiale qui se sert les coudes et qui n'ont pour seule richesse et unique protection que leur solidarité.
Quand il n'est pas flic, Ted Stratton prête main forte aux habitants de son quartier pour rechercher dans les décombres des survivants éventuels. C'est ainsi qu'il sauve Mme Ingram, récemment installée dans le quartier et traumatisée par la destruction de sa maison. N'ayant aucune famille dans le secteur, elle sera d'abord hébergée chez Doris, avant de l'être chez Jenny quand sa présence deviendra trop pesante pour sa soeur.
D'autant que Me Ingram a un comportement de plus en plus intriguant. Quand enfin on retrouve son mari et que celui-ci obtient une permission de l'armée pour venir la chercher, elle ne le reconnait pas et devient hystérique, criant à l'imposture. Cet état ne fera qu'empirer, étalant progressivement sa suspicion sur tout son entourage. Mais si sa place est dans un centre spécialisé, Jenny qui a vu y dépérir sa tante, se refuse à cette idée. Décision généreuse qui ne sera pourtant pas sans conséquence.
Dacre quant à lui est médecin. A l'hôpital où il officie il se bâtit une solide réputation depuis qu'il y est arrivé, il y a peu. Pourtant Dacre n'est pas son nom. D'ailleurs, il n'est même pas médecin. Juste un imposteur qui à 17 ans a décidé de se débarrasser de sa véritable identité et de se faire passer pour mort, pour usurper celle des autres et vivre une vie qu'il idéalise.
C'est ainsi qu'il a travaillé dans une morgue pour étudier en autodidacte l'anatomie humaine, avant de s'emparer d'une identité qu'il a fait sienne pour devenir enfin médecin. Et pour protéger son subterfuge notre homme est prêt à faire quelques entorses à son serment d'
Hippocrate en mettant fin prématurément à quelques existences potentiellement dangereuses pour lui.
En enquêtant sur la mort d'un médecin et d'une infirmière de l'hôpital, Ted Stratton se mettra sans le savoir sur la piste de ce faussaire incroyablement malin, qui s'amuse à rebondir à chaque situation où il se retrouve en situation délicate.
Laura Wilson arrive à rendre admirablement bien l'atmosphère et l'esprit de ce Londres qui ploie sous les bombes. Une ville qui vit au rythme des alertes, de la pénurie, dans la peur et les abris, mais dont la force de résistance face à l'adversité réside dans sa volonté farouche à continuer à vivre normalement.
C'est dans cette brume guerrière que se tisse une intrigue qui s'entremêle dans la vie quotidienne des personnages, et où le hasard servira de liant à un drame qui s'annonce. Et c'est bien là la force de
Laura Wilson que de nous plonger dans cette ville assiégée par l'histoire, tout en nous amarrant à des histoires personnelles qui donnent au livre toute sa dimension romanesque.
Le lecteur est pris par le développement de l'enquête, par les vicissitudes de cet usurpateur assassin, mais en même temps s'attachera à la vie d'une Jenny rongée par l'angoisse d'être à nouveau enceinte et d'avoir peur de l'annoncer à son mari.
«
Une mort absurde » est un roman plein, où l'auteur s'est attaché autant à son intrigue qu'à l'épaisseur psychologique de ses personnages.
C'est aussi un portrait remarquable du Londres des années 40. Sans grandiloquence, sans scènes spectaculaires
Laura Wilson réussit donc un roman efficace et abouti qui nous entraine à la suite d'une
Patricia Highsmith dont elle semble être l'émule.
«
une mort absurde est le septième roman de
Laura Wilson publié en France.