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EAN : 9782070130948
368 pages
Verticales (14/10/2010)
4/5   10 notes
Résumé :

" Mes carnets d'Asie ne sont rien que des notes personnelles, impressions griffonnées sur mes genoux, au bord d'une rizière ou dans un bus de fer-blanc, couvrant des pages et des pages barbouillées de sueur ou étoilées de pourpre par un moustique gorgé mais vaincu ". En revisitant ses souvenirs rapportés de Thaïlande et d'Insulinde, Gabrielle Wittkop a élaboré, avant sa disparition, ce parcours idéal ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«Mes carnets d'Asie ne sont rien que des notes personnelles, impressions griffonnées sur mes genoux, au bord d'une rizière ou dans un bus de fer-blanc, couvrant des pages et des pages barbouillées de sueur ou étoilées de pourpre par un moustique gorgé mais vaincu.»
Je ne suis pas d'accord avec ce que dit de ses carnets Gabrielle Wittkop.
Ces carnets sont bien éloignés du simple récit d'un écrivain voyageur reprenant quelques notes. Ils sont fourmillants d'anecdotes épinglées par un oeil auquel rien n'échappe, que ce soit le poétique aussi bien que le sordide, émaillés de retours historiques passionnants.

Gabrielle Wittkop ne peut pas non plus être prise en défaut sur la qualité de l'écriture. Elle a une plume acérée, élégante aussi et raffinée jusque dans la boue et la cruauté sans oublier son ironie mordante.

Pas une minute d'ennui dans cette lecture foisonnante.

Bangkok : «C'est une ville construite par des termites et des anges aveugles, un conglomérat d'or, de merde et de lotus, de béton et de plâtre, de brique et de fongus, une forêt d'aiguilles à l'assaut d'un ciel ventru, couleur de souris.»

«Dans l'atmosphère d'un cabinet de curiosité néerlandais, clair-obscur d'ambre et de madère, des racines semblables à la mandragore, des serpents blêmes comme le ténia, des chauve-souris desséchées pareilles à de vieux gants regorgent d'une puissance thérapeutique occultement larvée. Ecorces couleur de cuir, insectes couleur d'écorce, racines qui font des signes, hippocampes et cornes de rhinocéros simulant encore la morte vie des momies porteuses d'éternité.»
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«Vingt-deux ans d'Asie, en chemin de fer, en chars à buffles, cahotant sur de grosses roues de bois peint, à motocyclette, à dos d'éléphant, en prahu, en catamaran, à cheval, en Rolls Royce - elle ne m'appartenait pas - ou en camion parmi les choux et les sacs d'oignons.» Gabrielle Wittkop n'a ménagé ni sa peine, ni ses différentes montures pour sillonner cette Asie qui exerce sur elle un pouvoir d'attraction irrésistible. Elle y est souvent allée pour des reportages parus dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Les carnets que publie Verticales ne sont cependant pas une recension d'articles mais bien une sélection des notes qu'elle prenait au jour le jour, au gré de ses vagabondages tropicaux.

Née en France, Gabrielle Ménardeau, lesbienne, mariée à Justus Wittkop en 1946, écrivain déserteur antinazi et homosexuel, s'installe avec son mari à Bad Hombourg, près de Francfort. Elle écrit des romans vénéneux (le Nécrophile, Sérénissime Assassinat ou les Rajah blancs), qui ne seront remarqués qu'avec le travail des Editions Verticales. Elle ne goûte que brièvement le succès littéraire, se donnant la mort à 82 ans, en décembre 2002 après avoir appris qu'elle souffrait d'un cancer. Elle envoie un dernier message à son éditeur : «Je vais mourir comme j'ai vécu : en homme libre.»

D'un caractère bien trempé, végétarienne, ne supportant pas que l'on fasse souffrir les animaux, Gabrielle Wittkop affronte en solitaire l'adversité de l'étuve climatique, des gargotes crasseuses, des jungles hostiles («Les arbres moussus et gluants […] m'ont souvent fait vomir»), des bateaux surpeuplés, des rencontres louches.

Mais la libre dynamique du voyage suffit à effacer les désagréments, et les notes sont dominées par un plaisir gourmant d'appropriation de l'étrange et de l'étranger dans le suc du style qui rappelle le jeune Claudel de la prose poétique de Connaissance de l'Est : «Le banian sert d'abri à un tout un monde de mendiants. Je les retrouve, ceux de l'Inde, les aveugles aux yeux de lait qui psalmodient, les béquillards, les monstres hydrocéphales, les squelettes déguenillés allaitant des larves, les spectres gris pourrissant sous les croûtes.» «[Les sangsues] glissent partout leur avidité d'ectoplasme, passent dans les pantalons, dans les bottes, dans les manches, comme immatérielles en leur cheminement et se fixent, se gorgent, bientôt changées en collier de pois chiches, en grappes violâtres comme sur le point d'éclater et qui retombent parfois dans le linge en ruisselet pourpre.»

On peut évidemment regretter qu'aucune note ne soit datée, le livre reconstruisant, à partir de plusieurs voyages, un parcours cohérent démarrant en Thaïlande, passant par la Malaisie, s'attardant dans les diverses îles d'Indonésie.

Gabrielle Wittkop fait un sort à Bali, «l'artificieuse, la maquillée», en quelques lignes cinglantes : «Je suis frustrée par ces structures corpusculaires et brisées sur elles-mêmes. Je ne puis souffrir ni ses peintures en camaïeu, ni l'hibiscus à l'oreille d'une valetaille effrontée.»

Une fois réglé le compte de l'île des dieux, Gabrielle Wittkopp exprime son admiration pour Bornéo, île «sans attraction ni sightseeing» et particulièrement la ville de Kuching «pas très jolie mais pleine de fantôme et pourtant de vie…»
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Quel plaisir de réviser et d'enrichir ses souvenirs de voyage en compagnie de Gabrielle Wittkop.

Son texte, luxuriant à l'image des jungles tropicales traversées, s'enrichie de mille apports historiques et ethnologiques qui le démarquent d'un simple récit de voyage.

Avec elle je suis retourné chez les Karens dans le nord de la Thaïlande, sur le lac Toba à Sumatra et chez les Dragons de Komodo.
Elle a également réveillé mes frustrations en évocant Sarawak et Sulawesi que je ne connais pas encore.

Il y a tant à voire.

Merci Gabrielle Wittkop de partager votre Asie avec nous.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
«Dans l’atmosphère d’un cabinet de curiosité néerlandais, clair-obscur d’ambre et de madère, des racines semblables à la mandragore, des serpents blêmes comme le ténia, des chauve-souris desséchées pareilles à de vieux gants regorgent d’une puissance thérapeutique occultement larvée. Ecorces couleur de cuir, insectes couleur d’écorce, racines qui font des signes, hippocampes et cornes de rhinocéros simulant encore la morte vie des momies porteuses d’éternité.»
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Au Raffles, les grands originaux se font rares et tous les cancrelats ont disparu. C'est presque dommage car les cancrelats sont intéressants. En Inde, par exemple, le petit jaune, Blatta orientalis, peut grâce à ses ailes embryonnaires effectuer des bonds confondants, dignes des Ballets russes. Ils sont agiles, merveilleusement adaptés, grands nettoyeurs et balayeurs d'immondices, et c'est en toute innocence qu'ils vous échangent une pelure de cacahuète contre un superbe cholera morbus.
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Que la nature est belle, au bord de la rivière Kwaï... Des orchidées fleurissent à l'aisselle des arbres dont les frondaisons arrondissent leur voûte au-dessus des chemins et des toits, des geais chocolats cousent le ciel entre les cocotiers et les bananiers sauvages, l'air chaud qui tremble culbute les montagnes bleues, recuit la voix des cigales.
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Tous les marchés du monde sont intéressants et, plus que tout autre, chaque marché de nuit sud-asiatique. Je me souviens par exemple y avoir vu un marchand de dents. Celles-ci étaient en vrac dans une cuvette d'émail écaillée, rouillée. Dents humaines bleues et brunes prises à des morts.
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Soirée spéciale Gabrielle Wittkop.
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