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EAN : 9782267025934
54 pages
Christian Bourgois Editeur (06/02/2014)
3.62/5   12 notes
Résumé :
L'auteure de Trame d'enfance et de Cassandre écrivit cette brève histoire au début de l'été 2011, quelques mois avant sa mort. Elle la dédia à son mari, l'écrivain Gerhard Wolf. Elle s'attache au personnage d'August, orphelin de huit ans, rencontré peu après la fin de la Seconde Guerre dans un château transformé en sanatorium de fortune. Christa Wolf, alors âgée de dix-sept ans, réfugiée des territoires de l'est, y fut soignée. August éprouva pour la jeune fille, Li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ils n'ont été ensemble que quelques mois dans un sanatorium de l'ex-Allemagne de l'est. En 1946, elle était une jeune fille et lui encore un enfant. Que s'est-il passé pour que, si longtemps après, l'amie d'August devenue un écrivain célèbre ait ressenti le besoin de raconter cette rencontre ?

Christa Wolf a écrit le court récit August quelques mois avant de mourir, comme si elle avait voulu clore son oeuvre sur l'évocation de cet enfant de dix ans qui, un demi-siècle plus tôt, l'avait choisie comme protectrice. August a réellement existé, ce que relate Gerhard Wolf dans la postface : orphelin probablement né en Prusse-Orientale, le garçon s'est attaché à la jeune femme qui a su se faire respecter dans le château transformé en sanatorium, et par la suite il n'oubliera pas Christa Wolf à laquelle il écrira des lettres signées « ton homme chéri ». Dans Trames d'enfance publié en 1976, August apparaît pour la première fois dans l'oeuvre de l'écrivain: c'est un enfant légèrement attardé, sachant à peine lire et écrire, moqué par les autres enfants.

Dans cet ultime récit, c'est un vieil homme qui se souvient. August est devenu chauffeur de bus et conduit un groupe de retraités de Dresden à Berlin où il habite. Pendant tout le trajet, il va repenser à sa vie, en saisir le déroulement à partir de ces mois au sanatorium à rechercher l'amour et la protection de celle qui s'appelle Lilo dans le récit. C'est dans un château menaçant que leur relation évolue : le garçon observe d'abord de loin la jeune fille qui aide les infirmières, il suit à ses côtés l'évolution de la maladie chez plusieurs très jeunes pensionnaires. Lilo les assiste et les soutient, elle leur récite des poèmes – notamment le fameux Roi des Aulnes de Goethe – et chante aussi avec eux. August est parfois jaloux quand il la voit passer trop de temps avec d'autres enfants, il voudrait ne l'avoir que pour lui.

A chacune de ces quarante pages, on admire la précision et la virtuosité de l'auteur qui passe des émotions d'August enfant à celles du vieil homme qu'il est devenu. C'est ce va-et-vient continuel qui est le moteur du récit, mais Christa Wolf sait aussi, malgré l'éloignement temporel, rendre les émotions qui étaient les siennes et le climat de ce sanatorium sinistre où plusieurs jeunes patients meurent les uns après les autres, et où un défi nocturne consiste à aller toucher le cercueil de l'un des enfants morts dans la chapelle à côté du château.

Plus que les autres enfants, August semble émerveillé par la présence de Lilo, par ce qui s'apparente chez elle à des pouvoirs magiques grâce auxquels, malgré la douleur et le deuil, malgré la maladie, survivre a tout de même un sens. Ainsi d'Ede, « enfant sauvage et caractériel » selon l'infirmière en chef, enfant trouvé sans date de naissance ni nom de famille qui, un jour, parce qu'il a eu un zéro en dictée, court sur la terrasse et menace de se jeter dans le vide. C'est Lilo qui, en s'approchant de lui et en lui parlant de « toutes les belles choses qu'ils pourraient encore faire ensemble », l'empêche de sauter. Une vie sauvée parmi d'autres grâce à celle qui « depuis sa plus tendre enfance, était encline à s'occuper des gens dès qu'elle les connaissait un peu plus », écrit Gerhard Wolf dans sa postface. A la fin de cette journée au cours de laquelle il se remémore ces mois au sanatorium aux côtés de Lilo, August pense à la chance qui a été la sienne. « Chance » en allemand se dit Glück, qui signifie aussi bonheur. Pour le vieil homme, Lilo aura été une rencontre déterminante : malgré la perte de ses parents, malgré ses handicaps, il bâtit sa vie, et il se rend compte tant d'années après que c'est à Lilo qu'il le doit. A travers ce récit, Christa Wolf nous invite non seulement à réfléchir sur le rôle qu'elle a pu jouer dans la vie réelle ou imaginaire d'August, mais aussi sur la part de bonheur que représente ce personnage fictif dans sa propre oeuvre.
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August est un garçon rescapé de la guerre qui échoue dans un sanatorium. Il va s'enticher de Lilo, jeune fille qui fait aussi un passage dans l'établissement. Un petit livre d'une cinquante de pages qui décrit bien l'admiration que le jeune orphelin de huit ans éprouve pour elle. Christa Wolf oscille entre souvenirs et la vie actuelle du vieil August, on s'y perd un peu, mais l'intention est touchante, on sent toutes la naïveté et la jalousie possessive du garçon.
Ce livre a été dédiée à son mari, elle avait l'habitude de lui écrire quelques textes pour de grandes occasions. Une belle preuve d'amour.
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À l'été 2011, quelques mois seulement avant sa disparition, Christa Wolf écrivit ce texte court d'une simplicité lumineuse. Unique texte de l'auteur centré autour d'un homme, August, il est dédié à son mari Gerhard qui partageât la vie de Christa Wolf pendant six décennies.

À plus de soixante cinq ans, August, conducteur d'un grand car de tourisme qui ramène un groupe de Prague jusqu'à Berlin, revisite sa vie en empruntant l'escalier de sa mémoire. Il évoque sa rencontre avec Lilo lorsque, orphelin de huit ans suite à un bombardement, il fut hébergé dans un château transformé en sanatorium à la fin de la guerre. Indifférent aux bavardages des passagers de son car, des souvenirs très vifs lui reviennent en mémoire, souvenirs de ceux qu'il côtoyât alors, et surtout le visage et les comtes de Lilo, son amour pour elle et sa jalousie, plus nets et vivaces que tout ce qu'il vécut ensuite, dans le fleuve tranquille d'une vie apaisée, aux côtés de sa femme Trude, parcourant le pays au volant de son car.

Inspiré à Christa Wolf par sa rencontre avec un petit garçon qui s'appelait August à la fin de la guerre, déjà évoqué dans «Trames d'enfance», ce récit pudique et dépouillé de seulement quarante pages ne dit que l'essentiel, sur la force des émotions de l'enfance et leur mémoire intacte malgré l'écume des années.

«August se souvient : comme à tous ces enfants qui, à la fin de la guerre, arrivaient sans parents dans cette gare du Mecklenbourg, on lui avait demandé où et quand il avait perdu sa mère. Mais bien sûr il ne le savait pas. Si le raid aérien sur le convoi de fugitifs avait eu lieu avant ou après la traversée de l'Oder. Cela non plus il ne le savait pas. Il avait dormi. Quand cet horrible fracas a commencé et que les gens ont crié, une femme inconnue, pas sa mère, l'a empoigné par le bras pour le faire descendre du train. Derrière le remblai, il s'est jeté dans la neige, où il est reste allongé jusqu'à ce que le vacarme cesse et que le chef de train crie que tous ceux qui étaient encore en vie devaient immédiatement remonter dans les wagons. August n'a plus jamais revu sa mère, ni cette femme inconnue.»
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Après toutes ces années, les souvenirs de Christa Wolf restent intacts ce qui en fait toute sa beauté...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(...) Et il lui a demandé, tout bas bas, pour que les autres n'entendent pas : tu es triste ? Et Lilo lui a répondu tout bas : Oui. Et August a senti, comme aujourd'hui encore, que jamais il ne serait plus proche de Lilo que dans cette minute, découvrant que tristesse et bonheur peuvent être confondus.
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August se souvient que le soir où la petite Hannelore est morte Lilo n’avait pas chanté pour souhaiter bonne nuit aux enfants. Elle était assise comme d’habitude sur son lit et se taisait, et il lui a demandé, tout bas, pour que les autres n’entendent pas : Tu es triste ? Et Lilo lui a répondu tout bas : Oui. Et August a senti, comme aujourd’hui encore, que jamais il ne serait plus proche de Lilo que dans cette minute, découvrant que tristesse et bonheur peuvent être confondus. Il se demande, tout en se dirigeant vers l’Alexanderplatz, si la vie ultérieure lui a fait découvrir cette vérité. Aucun exemple ne lui vient. Ce qui compte le plus, et pour la vie entière, peut-être l’a-t-il appris ainsi, et pour toujours, grâce à une personne pour laquelle il éprouvait quelque chose qu’il ne savait nommer. De même qu’aujourd’hui, tant d’années plus tard il ne prononcerait pas ce mot, ne fut-ce qu’en pensée. Il n’irait même pas dire qu’il est « timide », il ne lui est jamais venu à l’esprit de réfléchir sur lui-même
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C’est l’un de ses derniers voyages, il a atteint l’âge de la retraite et a l’impression d’être de plus en plus accompagné d’images de son village qu’il n’a jamais revu
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La mort est un juge cruel.
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Il feuillette dans ses vieilles histoires comme dans un livre d’images, rien n’est oublié, aucune image n’a pâli. Il peut quand il le veut tout revoir
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Videos de Christa Wolf (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christa Wolf
Christa Wolf (1929-2011), dans le puits du temps : Une vie, une œuvre (2013 / France Culture). Production : Matthieu Garrigou-Lagrange. Par Christine Lecerf. Réalisation : Charlotte Roux. Diffusion sur France Culture le 9 novembre 2013. Photographie : Christa Wolf im Jahr 1971. (dpa / picture alliance). Née en 1929, en Prusse orientale, aujourd’hui territoire polonais, Christa Wolf est précipitée dès l’origine dans le paysage tourmenté de l’histoire allemande. Comme beaucoup d’enfants, elle s’enthousiasme pour le Führer. Comme beaucoup d’adolescents, elle participe avec fierté à la naissance de la nouvelle Allemagne de l’Est. Et comme bon nombre d’intellectuels antifascistes qui croient à l’idéal socialiste, elle s’engage au parti communiste dès 1949. Mais Christa Wolf n’est pas tout à fait comme tout le monde. Elle écrit : sur la déchirure de l’Allemagne dans “Le ciel partagé” (1963), sur ses propres dénis dans “Trame d’enfance” (1976). Elle creuse l’oubli, rumine un passé qui ne passe pas. À partir de 1976, à la suite de son soutien au chanteur Wolf Biermann, Christa Wolf n’est plus une femme libre. La Stasi l’espionne. On refuse qu’elle quitte le parti. Plus on cherche à la museler et plus l’écrivaine s’échappe par l’écriture dans les strates du temps. Elle trouve refuge auprès des premiers romantiques allemands qui, comme elle, n’avaient “Aucun lieu. Nulle part” (1979). Dans “Cassandre” (1983) ou “Médée” (1996), elle s’inspire de ces « femmes sauvages » de la mythologie grecque qui avancent comme elle, tête haute, la parole vibrante. On se presse à ses lectures. On rêve l’esprit éveillé. Peu après la chute du mur, l’icône de la littérature est-allemande est injustement accusée d’avoir travaillé pour la Stasi. Dans “Ce qui reste”, elle écrit : « N’aie pas peur, dans cette langue, que j’ai dans l’oreille, pas encore sur les lèvres, j’en parlerai aussi un jour. » Brisée mais non vaincue, Christa Wolf entreprend alors dans “Ville des anges” (2011) une lente et ultime descente au « fond du puits ». Le corps perpétuellement en alerte, Christa Wolf luttait depuis des années contre la maladie. Elle est morte à l’âge de 82 ans.
Avec : Jana Simon, journaliste, petite-fille de Christa Wolf Nicole Bary, traductrice et éditrice de la revue “LITERALL” Pierre Bergounioux, écrivain Günter Grass, écrivain (Archives) Marie Goudot, auteur de “Cassandre” Alain et Renate Lance, traducteurs de l’œuvre de Christa Wolf Erika Tunner, germaniste, spécialiste du romantisme Irving Wohlfarth, germaniste
Et la voix de Christa Wolf
Textes lus par Blandine Molinier et Aurélia Petit. Avec la voix de Jean-François Néollier.
Extraits de films : “Le ciel divisé”, de Konrad Wolf, adaptation de Christa et Gerhard Wolf, DEFA, 1964 “Le tambour”, de Volker Schlöndorff, 1979 “Christa Wolf. Ein Tag, ein Jahr, ein Leben”, de Gabriele Denecke et Gabriele Conrad, ARTE, 2004
Source : France Culture
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