Dans les années 60 avec ses petits copains
Gay Talese,
Truman Capote ou encore
Hunter S. Thompson,
Tom Wolfe a donc largement contribué à fonder une forme de journalisme qui allierait le travail de terrain approfondi et la puissance évocatrice de la littérature. En gros, comprenez : passez tellement de temps et fournissez des efforts si minutieux sur place, à poser des questions, à vous imprégner de l'atmosphère d'un lieu, d'une époque, que vous pourrez ensuite en restituer toute l'essence. Et l'idée est d'abandonner le style journalistique froid pour une langue littéraire, les simples sujets pour de véritables personnages incarnés… Forcément, cela donne des récits réels ultra exigeants en termes de véridicité mais passionnants comme des romans.
Et c'est donc sur ce mode que
Tom Wolfe vit et écrit des morceaux de sixties volés d'Amérique et d'Angleterre dans ce recueil d'une vingtaine de chroniques. Passant de la poule au bourriquet, il s'intéresse autant aux contre-cultures américaines qu'à la bonne société qui s'encanaille à peine, entre New-York et Londres. Un DJ américain qui s'attire les faveurs des Beatles, Phil Spector qui fait faire demi-tour à un avion, une jeune londonienne qui ferait tout pour faire partie de l'élite, les vieux qui s'entassent à Las Vegas, Hugh Hefner dans son manoir Playboy ou encore ces types rebelles avec du gel plein les veuch qui ne vivent que pour la custom de bagnoles. On se croirait presque à Thunder Road avec Kenickie qui demande à Zuko d'être son second. #summerlovin #labaaaaaase
Ce qui se vérifie à tous les coups (et Bernard Cohen le rappelle dans une postface très intéressante) c'est que
Tom Wolfe est « la mouche sur le mur ». Parfois clairement identifié, parfois simple narrateur externe, il nous raconte des tranches de vie, des instants, comme si on y était, comme si on pouvait littéralement espionner les personnages à leur insu. Et c'est assez dingue. Je suis littéralement tombée amoureuse de la chronique qui saisit un déjeuner de Cary Grant dans le salon d'un hôtel chic et de sa rencontre avec deux admiratrices. C'est inracontable tant qu'on ne l'a pas lu mais tout y est. La mouche sur le mur.
Ceci dit, il y a un revers à ce joli tour de magie, c'est qu'il nous catapulte dans un univers sans intro ni mode d'emploi et parfois, on reste quand même au bord de la route. Mon intérêt pour les sujets évoqués fluctuait pas mal même si sa plume caméléon a de quoi subjuguer à elle toute-seule. Si j'ai été tout de suite emportée par L'Amour le dimanche (une réalité new-yorkaise qui voudrait que le dimanche soit une douce journée réservée aux amoureux comparé au rythme habituel de déglingo de la ville), la folle atmosphère de Vegas ou la virée fantastique aux côtés de Cassius Clay aka Mohamed Ali, il était plus difficile de ne pas zapper tous les détails de courses de voitures ou tout le blabla superficiel de Baby Jane, la coqueluche de Warhol…
Il n'empêche que c'est toute une époque rock'n'roll qu'il nous restitue dans ce joyeux bordel, mais aussi tout un feuilleté de strates sociales qui s'influencent sans jamais vraiment se mélanger. Des diners mondains aux rangées de pigeons dans les casinos,
Tom Wolfe fait le grand écart et raconte son Amérique.
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